La lettre juridique n°294 du 28 février 2008 : Immobilier et urbanisme

[Chronique] Chronique en droit immobilier

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N2302BEY

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par Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique en droit immobilier de Marine Parmentier, Avocat à la cour d'appel de Paris. Au premier plan de cette chronique, un arrêt énonçant que la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police. A l'honneur également, une décision conséquente de la Cour de cassation qui met fin à l'application de la théorie du mandat apparent concernant les opérations entrant dans le champ d'application de la loi "Hoguet".
  • S'agissant de la construction d'un immeuble en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police (Cass. civ. 3, 30 janvier 2008, n° 06-14.641, FS-P+B N° Lexbase : A5992D4P)

S'inscrivant dans la droit ligne de la solution adoptée par la Chambre mixte de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 2007 (Cass. mixte, 30 novembre 2007, n° 06-14.006, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9891DZD), la troisième chambre civile, citant in extenso l'attendu de principe de l'arrêt de 2007, confirme que s'agissant de la construction d'un immeuble en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance (loi n° 75-1334 N° Lexbase : L5127A8E), en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police.

En l'espèce, une société de droit belge (société A1), maître de l'ouvrage, a confié à une société de droit allemand (société B) la conception, la livraison, le montage et la mise en service de machines et d'équipements pour une unité de fabrication de panneaux de fibres, située en France. Le contrat prévoyait l'application du droit suisse des obligations. La société qui devait réaliser les travaux a sous-traité, à une seconde société de droit allemand (société C), le montage des machines. Dans ce nouveau contrat, il est prévu l'application du droit allemand. Le sous-traitant allemand a sous-traité, à son tour, divers travaux à trois sociétés différentes. Plus spécifiquement, le montage de certaines machines a été sous-traité à une société de droit allemand (société D) -ici encore, le contrat prévoit l'application du droit allemand-. Par ailleurs, une société de droit français (société A2) est intervenue en qualité de maître d'ouvrage délégué de la société de droit belge. Le sous-traitant de premier rang (la société C) a fait l'objet, en Allemagne, d'une procédure de faillite.

Ses trois sous-traitants ont engagé à l'encontre du maître d'ouvrage délégué (société française A2) une action en paiement direct des sommes qui leur restaient dues.

Les juges du fond ont débouté l'un des sous-traitants de ses demandes. Ils rappelaient qu'aucune des lois, suisse ou allemande, applicables au marché principal puis aux marchés de sous-traitance, ne confère au sous-traitant une action directe lui permettant d'obtenir, auprès du maître de l'ouvrage, le paiement de tout ou partie des créances qu'il détenait à l'encontre de l'entreprise principale.

Ils considéraient que ces lois ne sont pas contraires à l'ordre public international français et que l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance n'est pas une loi de police régissant impérativement la situation au sens de l'article 7-2 de la Convention de Rome du 16 juin 1980 (N° Lexbase : L6798BHA).

Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui, dans un attendu de principe, rappelle que s'agissant de la construction d'un immeuble en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police.

Si le caractère d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 ne fait aucun doute à la lecture de son article 15 qui déclare que sont "nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi", elle ne comporte, en revanche, aucune indication sur son champ d'application territorial.

La doctrine majoritaire était très réticente à accorder la qualification de "loi de police" à la loi sur la sous-traitance.

Dans son avis sur l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 30 novembre 2007, Monsieur Olivier Guérin, avocat général, formule les observations suivantes : "Il convient de différencier ce qui est une sous-traitance d'exportation, pour laquelle l'entreprise accepte les règles de la globalisation, le risque du marché mondial, la concurrence d'acteurs étrangers, et ce qui est, comme ici, malgré la qualification internationale du contrat, une opération qui se réalise sur le territoire national. Les frontières sont ouvertes, les principaux appels d'offres sont maintenant internationaux. Il n'y a plus de marché protégé. En Europe, la concurrence est libre. Mais encore faut-il que cette concurrence ne soit pas faussée, et ne joue pas au détriment des acteurs nationaux. Le contrat de construction conclu entre des entreprises françaises pour la réalisation d'un ouvrage en France sera soumis, s'il y a sous-traitance, à la loi de 1975. L'entrepreneur principal devra supporter le coût des garanties financières. Pourra-t-il en être exonéré s'il fait appel à une entreprise polonaise en soumettant le contrat de sous-traitance à une loi autre que la loi française ?".

Dès lors, lorsque l'ouvrage est exécuté sur le territoire national la loi de 1975 doit recevoir application, que le sous-traitant soit français ou étranger.

Tel est le sens de l'arrêt du 30 novembre 2007, confirmé aujourd'hui par l'arrêt du 30 janvier 2008.

  • Le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impératives de la loi "Hoguet" (Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 05-15.774, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5980D4A)

Par un arrêt de principe en date du 31 janvier 2008, la Cour de cassation met fin à l'application de la théorie du mandat apparent concernant les opérations entrant dans le champ d'application de la loi "Hoguet" (loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce N° Lexbase : L7536AIX).

En l'espèce, la propriétaire d'un appartement avait confié, par acte du 8 juin 2001, un mandat exclusif dit "de vente" concernant ce bien à un agent immobilier. Ce dernier a signé, le 22 juin 2001, un acte sous seing privé de vente avec le locataire du logement, au nom de la propriétaire, mandante. Celle-ci ayant refusé de signer l'acte authentique, l'acquéreur l'a assignée, avec la société intermédiaire, afin de voir constater judiciairement la vente litigieuse.

Les premiers juges ont fait droit à cette demande en considérant que la propriétaire était engagée en vertu d'un mandat apparent. Selon l'arrêt d'appel, l'acquéreur, fondé à ne pas vérifier les pouvoirs de la société intermédiaire, a pu légitimement croire que celle-ci avait été dûment mandatée par la propriétaire en vue de conclure le compromis de vente.

La Cour de cassation censure cette solution au visa des articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP).

Par un attendu de principe, elle énonce que, selon les dispositions des deux premiers de ces textes, qui sont d'ordre public, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales se livrant ou prêtant leur concours, d'une manière habituelle, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives, notamment, à la vente d'immeubles, doivent être rédigées par écrit. Selon le troisième texte, le titulaire de la carte professionnelle "transactions sur immeubles et fonds de commerce" doit détenir un mandat écrit précisant son objet et qui, lorsqu'il comporte l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée, fait expressément mention de celle-ci. Au visa des principes rappelés par ces textes, la Cour de cassation énonce que le mandat apparent ne peut tenir en échec ces règles impératives.

Jusqu'à présent, la théorie du mandat apparent pouvait s'appliquer dans le cadre d'opérations soumises à la loi "Hoguet". Tout était affaire de circonstances.

Désormais, l'acquéreur ne pourra se retrancher derrière la croyance qu'il a pu avoir de l'engagement du mandant. Il conviendra de s'assurer que le mandat de l'intermédiaire comporte la mention expresse de l'autorisation de s'engager pour une opération déterminée.

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