Lors de la remise de son rapport annuel le 20 février dernier, le Médiateur de la République avait émis, parmi ses priorités pour 2008, le souhait de voir instituer un état civil pour les enfants nés sans vie et un congé de paternité dans ce cas précis. Si, pour ce dernier point, c'est désormais chose faite avec la publication, le 11 janvier 2008, d'un décret et d'un arrêté précisant la liste des éléments à fournir pour bénéficier de ce congé, parmi lesquels figure l'acte d'enfant sans vie, la Cour de cassation, par trois arrêts rendus le 6 février dernier, énonce que l'acte d'enfant sans vie est établi sans condition de poids, ni de durée de gestation. L'acte d'enfant sans vie est une création de la loi du 8 janvier 1993 qui prévoit qu'un tel acte doit être dressé à défaut de certificat médical attestant la vie et la viabilité, sans préjuger de ces faits, qui relèvent de la compétence du juge. L'objectif de cette mesure est d'aider les parents à surmonter cette terrible épreuve, pour les enfants ne remplissant pas les conditions d'accès à la personnalité juridique. Sans avoir les conséquences juridiques d'un acte de naissance, il permet aux parents de lui donner un prénom, et de réclamer le corps pour procéder à des funérailles, chose impossible avant cette loi puisque le foetus était assimilé à un déchet organique et traité comme tel. Dans la pratique, et depuis 2001, une circulaire interministérielle, intégrée à l'Instruction générale de l'état civil, se fondant sur l'idée que l'acte d'enfant sans vie est destiné aux enfants à naître qui n'ont pas vécu, mais qui étaient suffisamment développés pour être viables, limitait l'acte d'enfant sans vie aux enfants nés vivants mais non viables et aux enfants mort-nés après un terme de 22 semaines d'aménorrhée ou ayant un poids de 500 grammes et plus, en référence au seuil de viabilité défini par l'Organisation mondiale de la santé. Par ces trois arrêts la Cour de cassation, sans remettre en cause ni l'interruption volontaire de grossesse -bien que la presse généraliste se faisant l'écho de certaines associations, soit pro soit anti avortement, ait pu laisser penser le contraire-, ni l'absence de personnalité juridique de l'enfant à naître, fait application de l'adage
ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus. Pour être plus précis, l'article 79-1 du Code civil ne pose aucune condition de développement du foetus pour l'établissement d'un acte d'enfant sans vie, ainsi, soit l'enfant est né vivant et viable avant de mourir et c'est attesté par un médecin,
via un certificat médical, et un acte de naissance est dressé, soit tel n'est pas le cas et un acte d'enfant sans vie est établi. Dans son avis, l'Avocat général, M. Legoux, demandait la cassation des arrêts déférés afin de mettre en lumière les imprécisions du Code civil et d'inviter, en conséquence, le législateur à se saisir de cette question.
Pour faire le point sur la portée de ces trois arrêts, les éditions juridiques Lexbase vous proposent, cette semaine, de lire l'analyse de Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV qui préconise l'adoption d'un décret pour définir la notion de viabilité et pour, tant qu'à faire, préciser quelques notions incertaines de la circulaire de 2001 concernant l'établissement de la filiation ou encore l'inhumation.
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