La lettre juridique n°294 du 28 février 2008 : Social général

[Textes] Loi pour le pouvoir d'achat : mode d'emploi

Réf. : Loi n° 2008-111 du 8 février 2008, pour le pouvoir d'achat (N° Lexbase : L8013H38)

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N2257BEC

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

La loi n° 2008-111 du 8 février 2008, pour le pouvoir d'achat, vient mettre en place un certain nombre de dispositifs pour permettre aux salariés de bénéficier de liquidités. Les dispositifs extérieurs au droit du travail sont nombreux et d'une importance financière considérable : tentative de freinage de l'augmentation des loyers en fondant l'indice IRL sur l'évolution des prix à la consommation hors loyer et hors tabac (article 9), limitation du dépôt de garantie versé par le locataire au bailleur à un mois de loyer (article 10), modifications des modalités de versement de l'allocation logement (article 11). Les autres dispositions ont trait au droit du travail et permettent aux salariés d'obtenir de l'argent en plus de leur salaire mensuel. Les principaux dispositifs ont pour objet la conversion des jours de repos en jours de travail rémunérés dotés d'un régime social et fiscal intéressant (I), le déblocage anticipé de la participation, et la possibilité, pour les entreprises sans participation, de débloquer une prime maximale de 1 000 euros au profit de leurs salariés (II). Cette loi reste, toutefois, complexe et subordonnée à l'entrée en vigueur de décrets et/ou à la conclusion d'accords collectifs, qui risquent d'en atténuer les effets. I. Conversion du repos

Le législateur a prévu la faculté, pour le salarié, de convertir directement son repos en argent (A) ou en une participation au financement des salaires versés aux salariés impliqués dans une oeuvre caritative (B).

A. Conversion du repos en argent

1. Conversion des jours de congés acquis au titre de la réduction du temps de travail ou d'une convention de forfait en rémunération

C'est le dispositif phare de cette loi.

L'article 1er permet à tout salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise dans laquelle il travaille, de renoncer au bénéfice des jours de repos et de les convertir en jours travaillés, en contrepartie d'une rémunération majorée. Cette renonciation ne concerne que les jours acquis au 31 décembre 2007 et ceux qui seront acquis jusqu'au 31 décembre 2009, et sous certaines conditions.

  • Salariés concernés

L'article 1er de la loi prévoit la possibilité, pour tout salarié, de convertir les jours ou demi-journées de repos acquis, en contrepartie de la réduction du temps de travail, en jours travaillés bénéficiant d'une rémunération majorée.

Le même dispositif est ouvert aux salariés qui bénéficient d'une convention de forfait jours. L'article 1er I, 2° prévoit, en effet, que les cadres ou salariés bénéficiant d'une convention de forfait jour peuvent, également, convertir leurs jours de repos compensateur en heures de travail. Le législateur précise, dans ce cas, que le décompte des journées et demi-journées travaillées et de prises de journées et demi-journées intervient dans les conditions prévues par la convention de forfait. Cette précision tombe sous le sens, il est logique de décompter, de la même manière, et selon les mêmes modalités, les droits au repos et les droits aux jours de travail majorés.

  • Modalités de renonciation

La demande de renonciation émane du salarié. Pour qu'elle soit effective, l'employeur doit donner son accord.

Pour les cadres, néanmoins, ou plus précisément pour les salariés en forfait jours sur l'année, cette renonciation doit intervenir, en principe, conformément aux dispositions de la convention ou de l'accord collectif de travail prévoyant la convention de forfait. Cette renonciation ne peut intervenir librement, c'est-à-dire sur simple demande du salarié à son employeur, qu'en l'absence d'accord venant en régler les modalités.

  • Majoration de la rémunération des jours reconvertis

Ces journées ouvrent droit à une majoration de salaire minimale égale à 25 % ou le taux minimal conventionnel, si l'entreprise entre dans le champ d'un accord d'entreprise, d'une convention ou d'un accord de branche étendu.

Pour les salariés bénéficiant d'une convention de forfait annuelle, le travail des jours de repos ouvre droit à une majoration de rémunération qui fait l'objet d'une négociation entre l'employeur et le salarié. Il est, toutefois, précisé qu'en tout état de cause, la majoration appliquée à ces heures ne pourra être inférieure à 10 %.

Une question se pose alors. Pour les salariés ne bénéficiant pas d'une convention de forfait, la majoration peut-elle être négociée entre l'employeur et le salarié ?

Contrairement aux dispositions propres aux cadres, la loi ne dit rien sur ce point. Le législateur précise que ces heures donnent lieu à une majoration au moins égale au taux de la majoration de la première heure supplémentaire applicable à l'entreprise (qu'elle soit légale ou conventionnelle).

  • Régime

Afin de ne pas pénaliser les salariés, de rendre le dispositif effectif et qu'il permette une réelle augmentation du pouvoir d'achat des salariés, le législateur précise que les heures effectuées dans ces conditions ne viennent pas s'imputer sur le contingent d'heures légal (C. trav., art. L. 212-6 N° Lexbase : L4616DZY et art. D. 212-25 N° Lexbase : L8863G7E, soit 200 heures par an et par salarié), ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu par l'article L. 212-6 du Code du travail.

2. Utilisation des jours affectés sur un compte épargne temps

L'article 1er II de la loi du 8 février prévoit un autre dispositif pour permettre aux salariés de convertir un maximum de jours de repos acquis en argent. Tout salarié peut, en effet, utiliser les droits qu'il a affectés sur son compte épargne temps, même en l'absence d'accord prévoyant cette possibilité.

  • Congés concernés

Tout salarié peut utiliser les droits affectés sur le compte épargne temps au 31 décembre 2009 pour compléter sa rémunération. Seuls les congés annuels versés sur ce compte ne peuvent être utilisés pour offrir au salarié un complément de rémunération, au sens de l'article L. 223-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3104HIS). Le législateur exclut expressément cette possibilité.

  • Modalités

La conversion des jours de congés en jours travaillés majorés se fera de deux manières distinctes, selon qu'il existe, ou non, un accord.

S'il n'existe pas d'accord, le salarié adresse une demande à l'employeur et, si ce dernier l'accepte, les jours de repos sont convertis en jours de travail majorés, au minimum de majoration prévue par la convention collective de travail ou la loi.

Si la convention mettant en place le compte épargne temps, ou prévoyant le forfait, a précisé les modalités et définit les conditions permettant au salarié de compléter sa rémunération en utilisant ses droits acquis à repos, les demandes devront être effectuées selon les modalités et conformément aux stipulations de l'accord.

3. Régime applicable aux sommes reconverties

Il convient, ici, de procéder à une distinction selon la date d'acquisition des journées de repos.

  • Journées acquises ou droits affectés au 31 décembre 2007

Les sommes correspondant aux jours reconvertis sont exonérées de cotisations sociales et d'impôt à la triple condition :

- qu'elles correspondent à des journées acquises ou à des droits affectés au 31 décembre 2007 ;

- qu'elles soient rémunérées au plus tard le 30 décembre 2008 ;

- que la demande de renonciation soit formulée par le salarié au plus tard le 31 juillet 2008.

Les sommes remplissant cette triple condition sont exonérées de toute cotisation et contribution d'origine légale ou conventionnelles rendue obligatoire par la loi, à l'exception de la CSG et de la CRDS.

Il convient de souligner, ici, que contrairement au dispositif de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8), pour le calcul de l'exonération, la majoration est prise en compte dans la limite du taux maximal de majoration des heures supplémentaires applicable à l'entreprise.

  • Journées acquises à compter du 1er janvier 2008

Pour les journées acquises à compter du 1er janvier 2008, ces sommes bénéficieront des exonérations sociales et fiscales de la loi "TEPA".

L'exonération d'impôt concerne, ici, l'intégralité des sommes versées aux salariés (CGI, article 81 quater N° Lexbase : L9236HZ4) et, non seulement, celles correspondant au taux de majoration maximum légal ou conventionnel.

Une question reste, cependant, en suspend : quid des journées affectées à compter du 1er janvier 2008 ? Quelles exonérations ? En effet, l'article 1er IV, alinéa 2, ne précise pas, comme dans l'alinéa précédent et l'alinéa suivant, qu'il concerne les journées acquises et affectées...

4. Garantie des sommes converties

L'article 3 de la loi du 8 février 2008 impose la mise en place d'une garantie conventionnelle des salaires pour les droits acquis convertis en unités monétaires, qui excèdent le plus élevé des montants prévus par l'AGS. La loi renvoie à l'accord mettant en place le compte épargne temps le soin de prévoir un dispositif d'assurance ou de garantie pour couvrir les sommes excédant le plafond de l'AGS.

Le problème est qu'il faut un accord collectif pour mettre en place le système et que cet accord doit être, lui-même, pris en application d'un décret à venir. Il semble difficile de faire autrement, mais cela risque d'allonger les délais de protection, pourtant, impératifs des sommes destinées à être couvertes et d'emporter l'application générale du régime de substitution légal.

Le législateur prévoit, en effet, que, dans l'hypothèse ou aucun accord n'est intervenu dans le délai d'un an à compter du 8 février 2008, donc si aucun accord n'est intervenu au 7 février 2009, le dispositif légal trouvera à s'appliquer.

En attendant la conclusion des accords, le législateur renvoie, pour la garantie des sommes converties, à l'article L. 227-1, alinéa 13, du Code du travail (N° Lexbase : L1400G9Q).

B. Conversion du repos en projet : financement d'une oeuvre désintéressée (article 2)

La loi permet aux salariés de convertir en argent les jours de repos acquis en vue de financer une oeuvre humanitaire ou caritative à laquelle participent certains salariés de l'entreprise.

L'article 2 de la loi prévoit, ainsi, que tout salarié, qu'il soit ou non cadre, peut renoncer aux jours de repos acquis en application de l'accord de réduction du temps de travail, dans le cadre d'une convention de forfait ou aux jours de repos compensateur de remplacement dus en contrepartie des heures supplémentaires effectuées, afin de financer le maintien de la rémunération d'un ou plusieurs autres salariés de l'entreprise, au titre d'un congé pris en vue de la réalisation d'une activité désintéressée, pour le compte d'une oeuvre ou d'un organisme d'intérêt général au sens de l'article 200 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2717HWK).

Pour ce faire le salarié doit formuler une demande auprès de l'employeur.

Ces sommes sont versées directement par l'employeur au nom, et pour le compte du salarié, à un fonds spécifique mis en place par l'entreprise destiné à maintenir la rémunération des salariés concernés. Les rémunérations versées aux salariés impliqués dans l'oeuvre sociale sont intégralement soumises à cotisations et imposables.

La loi renvoie à un décret les modalités d'application du texte. Il faudra donc attendre le décret d'application, avec tous les inconvénients que cela entraîne, notamment, au niveau délai ; n'aurait-il pas été possible de laisser aux partenaires sociaux le soin de mettre en place le système ?

C. Rémunérations des repos compensateurs de remplacement (article 4)

Du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, tout salarié peut demander la conversion du repos compensateur de remplacement acquis en contrepartie des heures supplémentaires, en rémunération. La rémunération perçue en contrepartie de ces jours devra être au moins égale à celle que le salarié aurait perçue s'il s'était vu payer les heures supplémentaires au taux légal ou conventionnel, lorsqu'il existe.

Comme pour tous les autres dispositifs de conversion, la demande devra émaner du salarié et elle devra être acceptée par l'employeur.

II. Autres mécanismes

A. Exigibilité anticipée des sommes versées au titre de la participation (article 5)

Le législateur offre la possibilité, pour les salariés, de demander le déblocage anticipé des sommes correspondant aux droits acquis au titre de la participation aux résultats de l'entreprise, c'est-à-dire sans attendre le délai de cinq ans prévu par la loi.

Le salarié a le choix entre un déblocage total ou partiel des sommes placées au titre de la participation.

Attention, cependant, le législateur vient expressément exclure du champ de la loi les sommes affectées à un plan d'épargne collectif pour la retraite.

  • Modalités

Les sommes concernées sont celles qui correspondent aux droits affectés au titre de la participation au plus tard le 31 décembre 2007.

Deux conditions entourent ce déblocage : que la demande survienne avant le 30 juin 2008 et que le déblocage se fasse en une seule fois.

A noter que les droits seront négociés pour leur valeur au jour du déblocage.

De plus, le déblocage se fait, en principe, sur demande du salarié.

Dans certaines hypothèses, toutefois, le déblocage des sommes est subordonné à la conclusion d'un accord négocié, dans les conditions prévues aux articles L. 442-10 (N° Lexbase : L6508ACZ) et L. 442-11 (N° Lexbase : L6509AC3) du Code du travail. Tel est le cas des sommes versées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l'entreprise supérieure à la répartition d'une réserve spéciale, ou lorsque le déblocage concerne les titres de l'entreprise ou d'une entreprise du même groupe, des parts ou actions d'organismes de placement collectif en valeur mobilière (dans ce cas l'accord peut décider de limiter ou de cibler les déblocages...).

  • Montant plafonné

Le déblocage est limité à 10 000 euros par salarié (après prélèvement des cotisations).

  • Régime

Les sommes sont, en application de l'article L. 442-8 du Code du travail (N° Lexbase : L4225HWE), exonérées de cotisation sociale et n'entrent pas dans l'assiette des impôts.

B. Prime exceptionnelle : entreprises n'ayant pas conclu d'accord de participation

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, dans lesquelles il n'a pas été conclu d'accord de participation, il est offert la possibilité aux employeurs de verser, à l'ensemble de leurs salariés, une prime exceptionnelle d'un montant maximum de 1 000 euros. Pour ouvrir droit au régime prévu par la loi, ce versement doit être effectué avant le 20 juin 2008.

  • Mise en place

La mise en place de cette prime exceptionnelle est subordonnée à un accord conclu selon les modalités prévues à l'article L. 442-10 du Code du travail (accord collectif, accord entre le chef d'entreprise et les représentants d'organisations syndicales représentatives, accord au sein du comité d'entreprise ou ratifié à la majorité des deux tiers des salariés).

  • Régime

Le versement de la prime sera obligatoire pour tous les salariés de l'entreprise lorsqu'il aura été décidé, mais son montant pourra être modulé. Le législateur pose limitativement les éléments qui pourront être retenus au soutien de cette modulation et impose à l'accord de définir la modulation retenue. Celle-ci ne pourra, ainsi, être faite qu'en fonction du salaire, de la qualification du salarié, de son niveau de classification, de la durée du travail, de l'ancienneté ou de la durée de sa présence dans l'entreprise.

Cette prime est une prime exceptionnelle, elle ne peut donc, en aucun cas, se substituer à un élément de rémunération auquel l'employeur est tenu en vertu de la loi ou d'un dispositif conventionnel.

  • Obligation de l'employeur

L'employeur devra impérativement notifier à l'organisme de recouvrement dont il relève le montant des sommes versées au salarié.

  • Régime fiscal et social

Cette prime, lorsqu'elle est régulièrement attribuée (en application d'un accord et versée avant le 30 juin 2008) est exonérée de cotisations sociales et d'impôt, à l'exception de la CSG et de la CRDS.

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