La lettre juridique n°294 du 28 février 2008 : Fiscalité des particuliers

[Chronique] Chronique de fiscalité du patrimoine

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N2256BEB

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en fiscalité du patrimoine réalisée par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris. En matière de droits d'enregistrement, cette chronique revient, d'abord, sur la question de la réintégration à l'actif de succession de retraits bancaires intervenus avant le décès (Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-18.327, Mme Claire Ollivier, épouse Sabatier, F-D), puis sur la requalification d'un contrat d'assurance vie en donation (Cass. mixte, 21 décembre 2007, n° 06-12.769, Mme Hélène Bagne, épouse Giusti c/ Administration fiscale, FS-P+B+R+I), et, enfin, sur le problème de l'évaluation des immeubles (Cass. com., 18 décembre 2007, n° 06-18.879, M. Pascal, Yves Jean Boudier, F-D). Dans le domaine de l'IR, il est traité de l'imposition d'un couple marié sous le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts (CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2007, n° 291849, Minefi c/ M. Foray).
  • Droits d'enregistrement : retraits bancaires réintégrés à l'actif de succession (Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-18.327, F-D N° Lexbase : A0339D3X)

Lorsqu'une personne a retiré des espèces de ses comptes bancaires peu de temps avant son décès, l'administration est en droit, sous certaines conditions, soit de démontrer l'omission des sommes correspondantes dans la déclaration de succession, soit d'établir l'existence d'un don manuel au profit d'un successible. Au motif de la conservation des fonds, la Haute juridiction vient de rendre une décision lourde de conséquences puisqu'elle a validé une procédure dans laquelle le retrait litigieux avait été effectué pratiquement sept ans avant le décès.

1. La preuve de la conservation des espèces

Depuis sa condamnation, lorsqu'elle réintégrait systématiquement les espèces retirées par le défunt moins d'un an avant son décès en s'appuyant sur la présomption de propriété de créance de l'article 752 du CGI (N° Lexbase : L4715HWK), l'administration tente de prouver, soit la conservation des espèces par le défunt, soit l'existence d'un don manuel. Ce dernier est incontestable lorsque, par exemple, une personne acquiert un immeuble appartenant à celle qui l'a désignée légataire universel et qu'elle opère, à la suite du retrait du prix de vente des comptes du défunt, un dépôt important sans pouvoir en justifier l'origine (TGI Argentan, 14 mai 1992). Pour établir la conservation des espèces, l'administration doit rapporter la preuve d'un faisceau de présomptions de faits, graves, précises et concordantes. Il s'agit, d'une part, de l'importance des sommes retirées par rapport au train de vie habituel du défunt, de la proximité des dates de retraits et du décès, d'autre part, de l'absence d'emploi connu des sommes en cause, de l'impossibilité de les dépenser et du placement par les héritiers peu de temps après le décès de sommes équivalentes aux retraits (Doc. adm. 7 G-2154 n° 31 et 32 du 20 décembre 1996). Ainsi, le service apporte la preuve de la conservation des fonds en cas d'absence de replacement des fonds auprès de l'établissement bancaire où le défunt avait tous ses avoirs, ce dernier disposant de revenus susceptibles de lui procurer un large train de vie qu'il ne semblait pas avoir, puisqu'il dépensait peu (Cass. com., 1er juin 1993, n° 91-17.682, Mme Tillon et autres c/ DGI N° Lexbase : A6590AXD).

2. Le délai entre le retrait et le décès

Le délai entre le retrait et le décès est l'un des éléments faisant partie du faisceau de présomptions qui autorise la réintégration à l'actif de succession (par exemple, retraits importants dans les quatre mois précédant le décès : Cass. com., 20 mai 2003, n° 00-19.330, F-D N° Lexbase : A1466B98 ; retraits sans rapport avec le train de vie cinq semaines avant le décès : Cass. com., 21 mars 2000, n° 97-18.305, M. Guillaume Le Bec c/ M. Le Directeur des services fiscaux du Finistère et autres N° Lexbase : A6593AXH). Pour autant, rien n'interdit aux services de tenter d'établir la conservation, s'agissant de retraits plus anciens, dès lors qu'ils disposent d'éléments autres que la date du retrait, démontrant cette conservation par le défunt. Mais, l'administration n'invoquait la conservation que dans des hypothèses où le délai écoulé entre les retraits et le décès était inférieur à deux ou trois ans. Dans l'affaire examinée récemment par la Cour, le redressement correspondait à la réintégration dans l'actif successoral de deux sommes de 600 000 francs (91 469 euros) et de 10 000 francs (1 524 euros), retirées l'une, le 17 novembre 1991, l'autre, le 15 octobre 1998. Le décès était intervenu le 18 octobre 1998, soit pratiquement sept ans après le premier retrait ! Le juge a décidé que l'administration rapportait la preuve de la conservation des fonds aux motifs, d'une part, que ce retrait était sans lien avec le train de vie du défunt et, d'autre part, que ce dernier était hébergé chez l'héritier depuis onze ans. Cette décision confirme, donc, qu'un bref délai entre le retrait et le décès n'est pas une condition impérative pour prétendre réintégrer les fonds à la succession. En ayant recours à leur droit de communication prévu par l'article L. 81 du LPF (N° Lexbase : L3950ALU), les services des impôts peuvent donc faire porter leurs investigations sur toute la période de conservation des documents bancaires, sans se limiter à la période immédiatement antérieure au décès. Bien entendu, dans l'hypothèse où une telle recherche révèlerait un ou plusieurs retraits importants plusieurs années avant le décès, la preuve de la conservation devra être rapportée en s'appuyant sur des éléments autres que la date de ce retrait, comme dans l'espèce ayant donné lieu à la décision récente.

  • Requalification d'un contrat d'assurance vie en donation : Cass. mixte, 21 décembre 2007, n° 06-12.769, Mme Hélène Bagne, épouse Giusti c/ Administration fiscale, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1178D3Z)

Renforçant son contrôle sur les conditions dans lesquelles a été modifiée la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie, la Cour en déduit l'intention du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable, caractérisant ainsi une donation, rapportable à sa succession. Cette décision écarte, donc, par une analyse concrète des circonstances, l'argument tiré de l'existence de la faculté de rachat qui permettait de contester la requalification.

1. L'argument tiré de l'existence de la faculté de rachat

La requalification d'un contrat d'assurance vie en donation fait l'objet d'un contentieux fourni (cf. D. Faucher, Requalification d'un contrat d'assurance vie, Lexbase Hebdo n° 92 du 30 octobre 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N9216AAL). Dans ce domaine, l'administration a, sans nul doute, repris à son compte l'affirmation du Professeur Lécuyer selon lequel "l'assurance vie côtoie trop la mort pour ne pas rencontrer le droit des successions". En effet, invoquant un faisceau d'indices (âge et état de santé du souscripteur, liens de parenté ou d'alliance avec le bénéficiaire etc.), les services des impôts prétendent déceler l'existence d'une donation indirecte, écartant ainsi l'application du régime fiscal spécifique de l'assurance vie (CGI, art. 757 B N° Lexbase : L8111HLY ou art. 990 I N° Lexbase : L9266HZ9). Dans un premier temps, c'est la démonstration de l'existence d'un aléa véritable qui a permis de s'opposer à ces requalifications (CA Rouen, 22 juin 2005, n° 02-4532). Dans un second temps, l'argument permettant de contester la remise en cause du régime spécifique au motif de l'existence d'une donation a été celui du dessaisissement irrévocable. En effet, toute donation, même indirecte, suppose la réunion des conditions posées par l'article 894 du Code civil (N° Lexbase : L0035HPY), et, donc, notamment, un dépouillement actuel et irrévocable. Or, tant que le bénéficiaire du contrat n'en a pas accepté formellement le bénéfice, le souscripteur a le pouvoir d'éteindre sa créance soit en désignant un autre bénéficiaire, soit en exerçant le droit de rachat. Ainsi, cette faculté de rachat, dont bénéficie le souscripteur pendant la durée du contrat, exclut qu'il se soit dépouillé irrévocablement au sens de l'article 894 du Code civil (Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-18.397, FS-D N° Lexbase : A8481DIX).

2. L'examen concret de la Cour de cassation

En examinant les conditions concrètes dans lesquelles le bénéficiaire des contrats avait été désigné, la Cour renforce son rôle de juge du droit. Au cas particulier, en mettant en évidence "le caractère illusoire de la faculté de rachat", la Haute juridiction confirme que la décision de la cour d'appel qui avait décidé qu'à la suite de la souscription des contrats d'assurance vie, la modification de la désignation bénéficiaire, trois jours avant le décès du souscripteur, au profit de la légataire universelle qu'il avait instituée dans les jours précédents, démontrait que le souscripteur, informé ou conscient de l'issue fatale de sa maladie, avait manifesté sa volonté de se dépouiller irrévocablement des sommes investies par lui. En relevant, ainsi, l'existence d'un dépouillement irrévocable, le juge d'appel avait écarté toute critique fondée sur l'article 894 du Code civil. De surcroît, la Cour de cassation précise que l'acceptation en terme express visée par l'article 932 (N° Lexbase : L0089HPY) du même code ne concerne que les donations passées en la forme authentique. Dès lors, cette acceptation, condition également requise pour caractériser une donation, peut être tacite, s'agissant d'une donation indirecte, et résulter ainsi de l'attribution du bénéfice du contrat.

  • Droits d'enregistrement : évaluation des immeubles (Cass. com., 18 décembre 2007, n° 06-18.879, F-D N° Lexbase : A1216D3G)

La Cour de cassation vient de rappeler, avec fermeté, l'un des principes en matière d'évaluation des biens : lorsqu'elle entend contester la valeur retenue pour l'assiette de droits de succession, l'administration doit justifier de son évaluation au moyen d'éléments de comparaison tirés de la cession, avant le décès, de biens similaires. En effet, la remise en cause de la valeur déterminée lors de la transmission à titre gratuit d'immeubles est enfermée dans le respect de principes, parmi lequel l'antériorité des éléments de comparaison. La décision récemment rendue confirme, ainsi, que l'acceptation d'un élément de comparaison postérieur au fait générateur reste une décision d'espèce.

1. Le recours à des mutations de biens antérieurs au fait générateur de l'impôt

La valeur d'un immeuble s'apprécie au jour de sa transmission (Cass. com., 28 janvier 1992, n° 90-11.459, Consorts Obadia c/ Directeur Général des Impôts N° Lexbase : A4679ABW). Au nom de ce principe, ni l'administration, ni le redevable ne peuvent invoquer comme termes de comparaison la cession d'immeubles dont la date est postérieure au fait générateur de l'impôt. Ainsi, l'évaluation d'un immeuble transmis par donation ne peut être fixée en fonction du prix de vente qu'en a obtenu ultérieurement le donataire (Cass. com., 29 mars 1994, n° 2216 D). Cette jurisprudence se justifie par le fait qu'il ne saurait être reproché, soit aux redevables, soit à l'administration, de méconnaître, au jour du fait générateur de l'impôt, une cession intervenue ultérieurement. Il peut être considéré qu'admettre des cessions postérieures introduirait une certaine insécurité fiscale, insécurité qui existe déjà en pratique puisque les redevables n'ont pas, à leur disposition, les mêmes outils que l'administration pour déterminer une valeur de marché. De même, des circonstances postérieures au fait générateur et qui affectent le bien à évaluer ne sont pas prises en compte. Tel est le cas, par exemple, d'une modification du plan d'occupation de sols intervenue après l'acquisition (Cass. com., 19 décembre 2000, n° 98-13.355, M. Marc Lefébure c/ Directeur des Impôts, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9327ATM).

2. La validité d'un élément de comparaison postérieur de deux jours par rapport au fait générateur

Dans une affaire examinée en 2001, la Cour de cassation a décidé que les services pouvaient valablement invoquer la cession d'un bien similaire intervenue deux jours après le décès, fait générateur de l'impôt (Cass. com., 27 mars 2001, n° 98-15.302, F-D N° Lexbase : A0927ATI). Les deux motifs, pour justifier de cette prise en compte, étaient, l'un, le fait que le prix avait été convenu avant le décès, l'autre, le fait que ce prix n'avait pu connaître de modification notable pendant ces deux jours. Cet arrêt doit, cependant, être considéré comme une décision d'espèce à la lumière de celle rendue récemment. En effet, au cas particulier, pour déterminer la valeur d'un immeuble figurant à l'actif d'une succession ouverte le 21 décembre 1994, le service invoquait le prix de vente d'un immeuble similaire intervenue en mars 2002. Pour casser l'arrêt de la cour d'appel qui avait validé la procédure, les juges ont fermement rappelé que, "lorsque l'administration entend substituer à la valeur déclarée dans un acte de mutation soumis aux droits d'enregistrement la valeur vénale réelle du bien en cause, il lui appartient, dès la notification de redressement, de justifier de l'évaluation par elle retenue au moyen d'éléments de comparaison tirés de la cession, avant le décès, de biens similaires".

  • IR : imposition d'un couple marié sous le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts (CE 9° et 10° s-s-r., 19 décembre 2007, n° 291849, Minefi c/ M. Foray N° Lexbase : A1515D3I)

Des époux soumis au régime de la séparation de biens, assorti d'une société d'acquêts, doivent faire l'objet d'une imposition distincte dès lors qu'ils ne vivent pas sous le même toit. Cette décision précise donc que, malgré sa nature hybride permettant d'associer celui de la communauté et de la séparation de biens, le régime de séparation de biens avec société d'acquêts reste considéré, au regard des règles édictées par l'article 6 du CGI (N° Lexbase : L1025HLK), comme un régime séparatiste.

1. Règle de l'imposition par foyer

La règle de l'imposition par foyer, énoncée à l'article 6-1, alinéa 1er, du CGI, consiste à cumuler les revenus perçus par les différents membres du foyer fiscal afin de les soumettre à une imposition unique. S'agissant des personnes mariées, cette règle repose également sur l'égalité des droits reconnue aux deux époux.

2. Imposition séparée des époux

Le principe du cumul des revenus, soumis à une imposition unique par foyer, comporte des exceptions limitativement prévues à l'article 6-4 du CGI. Parmi ces exceptions, figure celle concernant les époux séparés de biens, soit par contrat de mariage, soit à la suite d'une séparation de corps, et ne vivant pas sous le même toit. Ces conditions, régime matrimonial séparatiste et résidence séparée, doivent être simultanément remplies. Ainsi, une femme mariée, séparée de corps de son époux ne peut faire l'objet d'une imposition distincte de celui-ci s'il résulte de l'instruction que les intéressés étaient domiciliés à la même adresse durant les années litigieuses (CAA Paris, 12 juin 2001, n° 97PA02925). De même, l'éloignement temporaire ne suffit pas pour justifier une imposition séparée (exemple d'un époux qui ne peut résider avec son épouse que pendant le période des congés annuels en raison de sa profession de marin : CE Contentieux, 6 juin 1984, n° 17369, M. et Mme Oskarsson N° Lexbase : A7583ALG). S'agissant du régime matrimonial, celui de la séparation de biens avec adjonction d'une participation aux acquêts est donc considéré comme un régime de séparation au regard de l'impôt sur le revenu. Pourtant, ce régime est mixte, conférant la protection d'un pur régime de séparation et apportant la juste répartition de l'enrichissement du ménage, caractéristique des régimes communautaires.

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