Réf. : Loi n° 2008-126 du 13 février 2008, relative à la réforme du service public de l'emploi (N° Lexbase : L8051H3L)
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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen
le 07 Octobre 2010
I. Fusion de l'ANPE et de l'Unédic
A. Une nouvelle institution (encore innomée)
Le rapport "Ortoli" (5) préconisait, dès 1967, la création d'un office national de l'emploi, chargé de la gestion des services de placement et d'orientation, de la gestion de la formation professionnelle des adultes et, enfin, de la gestion des actions du fonds national de l'emploi (FNE). Il aura donc fallu plus de quarante ans pour que le législateur et les partenaires sociaux parviennent à un accord pour refondre les institutions françaises chargées du placement et de l'indemnisation. Le législateur consacre, ainsi, le principe d'une création d'une nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et du réseau opérationnel de l'assurance chômage (C. trav., art. L. 311-7, nouv.).
La loi n° 2008-126 fixe, en ces termes, le statut juridique du nouvel opérateur : il s'agit d'une institution nationale publique dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière (C. trav., art. L. 311-7, nouv.). Dans le Code du travail en vigueur, l'ANPE est définie comme un établissement public national doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, tandis qu'il est indiqué que la gestion de l'assurance chômage est confiée, par les partenaires sociaux, à un ou des organismes de droit privé, l'Unédic et les Assédic étant, en conséquence, des associations.
La définition des missions de la nouvelle institution recouvre l'ensemble des tâches effectuées jusqu'alors par l'ANPE et les Assédic, à l'exception du recouvrement des cotisations d'assurance chômage, qui est transféré aux Urssaf. Par ailleurs, l'Unédic subsiste en tant que gestionnaire du régime d'assurance chômage, de même que n'est pas modifié le principe d'une fixation, par voie conventionnelle, au plan national et interprofessionnel, des modalités d'indemnisation du chômage et de financement de cette indemnisation. Le recouvrement des cotisations comme le service des allocations seront assurés respectivement par les Urssaf et par la nouvelle institution pour le compte de l'Unédic.
Les missions du nouvel opérateur sont donc la prospection du marché du travail, la collecte des offres d'emploi, l'aide et le conseil aux employeurs pour les pourvoir et la mission d'intermédiation ; la participation à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ; l'accueil et l'accompagnement des personnes inscrites, ainsi que la prescription d'actions en leur faveur ; la gestion administrative de la liste des demandeurs d'emplois (inscription, mise à jour de celle-ci, contrôle de la recherche d'emploi (6) ; le versement des allocations d'assurance chômage (pour le compte de l'Unédic), des allocations de solidarité, telles que l'allocation de solidarité spécifique et les primes d'intéressement au retour à l'activité que peuvent percevoir les bénéficiaires de cette allocation (pour le compte du fonds de solidarité et de l'Etat), missions actuellement assurées par les Assédic ; le recueil et l'exploitation de données statistiques ; la gestion pour le compte de l'Etat de contrats aidés et de divers dispositifs d'aides ou aux prestations assurées au bénéfice des départements pour aider à la remise à l'emploi des bénéficiaires du RMI (C. trav., art. L. 311-7, nouv.).
B. Mise en oeuvre de la fusion ANPE-Unédic
La loi n° 2008-126 (C. trav., art. L. 311-7-1 à L. 311-7-4, nouv.) prévoit que la nouvelle institution sera administrée par un conseil d'administration et un directeur général, ce dernier étant nommé par l'Etat (par décret) après avis du conseil d'administration. Sauf en matière budgétaire, le conseil d'administration a un rôle d'orientation générale, le directeur général préparant ses délibérations et les exécutant. Le conseil d'administration, qui élira le président de l'institution en son sein, comportera 18 membres : cinq représentants de l'Etat, cinq représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, cinq représentants des organisations patronales répondant au même critère, deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de l'emploi et un représentant des collectivités territoriales (C. trav., art. L. 311-7-2, nouv.).
La composition de ce nouvel organisme est proche de celle de l'actuel conseil de l'ANPE (19 membres, soit un président, cinq représentants de l'Etat, cinq représentants des organisations de salariés, cinq représentants de celles d'employeurs et trois représentants des collectivités territoriales). Elle est plus resserrée que celle des conseils d'autres organismes (30 à 35 membres du conseil pour les différentes caisses nationales de Sécurité sociale et 50 pour l'Unédic). Elle instaure un équilibre des collèges Etat/organisations d'employeurs/organisations de salariés qui rend compte du principe de tripartisme. Elle ne comporte pas de représentation des personnels de l'institution.
Le budget de la nouvelle institution comporte (C. trav., art. L. 311-7-5, nouv.) quatre sections non fongibles et présentées en équilibre, consacrées à l'assurance chômage, au régime de solidarité (ASS et autres allocations de solidarité) et, enfin, au fonctionnement, à l'intervention et à l'investissement (cette troisième section constituant le véritable budget de la nouvelle institution). Devront apparaître clairement les transferts opérés depuis les ressources d'indemnisation du chômage (cotisations d'assurance chômage) pour le financement du fonctionnement et des politiques actives de la nouvelle institution (dans la continuité du financement actuel par l'assurance chômage du réseau Assédic et des diverses mesures d'activation). Les partenaires sociaux pourront contrôler ces flux. Les décisions relatives au budget, aux emprunts et aux encours maximaux de trésorerie devront être prises par le conseil d'administration à la majorité des deux tiers des présents (C. trav., art. L. 311-7-3, nouv.). La fraction des cotisations d'assurance chômage, qui sera transférée à la nouvelle institution, sera déterminée dans le cadre de la convention d'assurance chômage, donc par les seuls partenaires sociaux. Cette fraction ne pourra être inférieure à 10 % de la collecte opérée par l'Unédic (C. trav., art. L. 354-1, nouv.).
La loi n° 2008-126 confie aux Urssaf le recouvrement des cotisations d'assurance chômage, ainsi que des cotisations dues au titre de l'assurance de garantie des salaires. Il est précisé que les cotisations chômage seront recouvrées et contrôlées selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général de la Sécurité sociale, le contentieux afférent étant transféré aux tribunaux des affaires de Sécurité sociale. Une période transitoire est prévue : le transfert de la mission de recouvrement s'effectuera à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2012. Ce transfert aux Urssaf présente des avantages : simplification des obligations des employeurs, qui ne devraient plus avoir qu'une déclaration et un paiement à effectuer, à la fois, pour les cotisations de sécurité sociale et celles d'assurance chômage ; compte-tenu de la très grande proximité des métiers et des règles de recouvrement des cotisations du régime général de Sécurité sociale et de l'assurance chômage, la réunion des deux missions permettra des économies d'échelle, un seul circuit se substituant à deux.
L'article 2 de la loi n° 2008-126, qui comprend les dispositions permanentes relatives à la nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et du réseau opérationnel de l'assurance chômage, pose le principe que ses agents seront régis par le Code du travail, donc de droit privé, et, dans ce cadre, par une convention collective (C. trav., art. L. 311-7-7, nouv.). Cette convention collective comportera les stipulations, notamment, en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de la mission des personnels. Les statuts actuels des 28 500 agents de l'ANPE et 14 000 salariés (titulaires fin 2006) de l'assurance chômage sont très différents : si les seconds sont des salariés de droit privé, les premiers sont, en grande majorité, des contractuels de droit public à durée indéterminée, régis par le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 (décret fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'Agence nationale pour l'emploi N° Lexbase : L2444HEA). La transition conduira, à terme, au statut unique de droit privé régi par une convention collective ad hoc.
II. Autres changements institutionnels et matériels
A. Changements institutionnels : création du conseil national de l'emploi
En créant un Conseil national de l'emploi (C. trav., art. L. 311-1-1, nouv.), la loi institue une structure assez différente du Comité supérieur de l'emploi que ce conseil remplacera (7). Cette instance sera placée auprès du ministre en charge de l'Emploi, quand le Comité supérieur de l'emploi est défini comme chargé d'assister le ministre chargé du Travail. Le conseil comprendra, comme le comité supérieur, des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs, des administrations intéressées et des collectivités territoriales, mais il sera élargi, aussi, à des personnalités qualifiées et aux principaux opérateurs du service public de l'emploi (trois d'entre eux étant nommés : la nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et des Assédic, l'assurance chômage et l'AFPA) (C. trav., art. L. 311-1-1, nouv.).
Le nouveau conseil voit sa mission, également consultative, mieux définie : il concourt à la définition des orientations stratégiques des politiques de l'emploi et veille à la mise en cohérence des actions des différentes institutions et organismes du service public de l'emploi et à l'évaluation des actions engagées. A cette fin, il émet un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs à l'emploi, la convention pluriannuelle d'objectifs et de gestion Etat / assurance chômage (Unédic) / nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et des Assédic et l'agrément de la convention d'assurance chômage.
La loi établit une instance paritaire au niveau régional de la nouvelle institution issue de la fusion de l'ANPE et des réseaux opérationnels de l'assurance chômage. Cette instance sera composée paritairement de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel ; elle aura pour rôle de veiller à l'application de la convention d'assurance chômage et sera consultée sur les interventions de l'institution (C. trav., art. L. 311-1-1, nouv.). Cette instance s'inscrit dans la continuité des conseils d'administration des Assédic, dont elle reprend la composition, et permettra l'association des partenaires sociaux, au niveau territorial, à la mise en oeuvre des politiques de l'emploi.
B. Changements relatifs à la prise en charge des chômeurs et salariés licenciés
Le législateur a rétabli la possibilité de sanctionner pénalement les organisateurs de fraudes à l'assurance chômage (dans les mêmes conditions que les bénéficiaires de ces fraudes), que la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 (loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux N° Lexbase : L8128HHI) a supprimée par erreur (C. trav., art. L. 365-1, nouv.).
S'agissant de l'assurance chômage, le montant des seules fraudes organisées (c'est-à-dire les opérations reposant sur des documents faux ou usurpés, des sociétés fictives, des faux chômeurs par centaines), en cours de traitement contentieux, a été estimée par l'Unédic, en décembre 2006, à 140 millions d'euros, et ce, consécutivement aux travaux d'une mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les moyens de contrôle de l'Unédic et des Assédic (8).
La loi prolonge jusqu'au 1er décembre 2008 l'expérimentation en cours du contrat de transition professionnelle. Selon les travaux parlementaires, ce dispositif donne de bons résultats et il serait dommage de l'abandonner alors que les négociations sur les nouvelles modalités de sécurisation des parcours professionnels et d'indemnisation du chômage ne déboucheront pas avant décembre 2008, échéance qui correspond à l'expiration de la convention d'assurance chômage en vigueur.
Le processus de fusion entre ANPE et Unédic est loin d'être finalisé et les travaux parlementaires témoignent que de nombreuses questions restent ouvertes : débat sur l'appellation ; question du statut ; enjeux liés à la gouvernance nationale de la nouvelle institution ; interrogations concernant le budget de la nouvelle institution ; questions relatives à la gouvernance régionale ; reconnaissance nécessaire du rôle fédérateur des maisons de l'emploi ; prise en compte du rôle de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ; conditions de l'élaboration du premier budget du nouvel opérateur ; conditions de la mise à disposition du nouvel opérateur des biens du réseau des Assédic ; promotion d'un statut fédérateur qui assure une transition respectueuse des attentes des personnels.
Comme l'a rappelé si justement la Cour des comptes (9), cette fusion ANPE-Unédic n'a de sens que dans la réalisation d'un objectif d'amélioration du service rendu aux usagers (employeurs, demandeurs d'emploi) et, surtout, d'un accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi, priorité sur laquelle converge de nombreux travaux (10).
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