Réf. : Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 07-60.041, Syndicat des transports CFDT Lorraine du sud, FS-P+B (N° Lexbase : A4296DZ7)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Une convention collective conclue en 1994, qui, conformément à la loi en vigueur à l'époque de son adoption, fixait à 2 ans la durée du mandat des délégués du personnel, ne peut valoir dérogation aux nouvelles dispositions de l'article L. 423-16 du Code du travail (N° Lexbase : L7794HBB), tel qu'issu de la loi du 2 août 2005. |
1. La faculté de réduire conventionnellement la durée du mandat des délégués du personnel
Depuis la promulgation de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, les délégués du personnel sont élus pour 4 ans (loi n° 2005-882, art. 96 ; C. trav., art. L. 423-16, al. 1er). Il en va de même des représentants élus au comité d'entreprise (C. trav., art. L. 433-12 N° Lexbase : L7723HBN), au comité d'établissement, au comité central d'entreprise (C. trav., art. L. 435-4 N° Lexbase : L7784HBW) et au comité de groupe (C. trav., art. L. 439-3 N° Lexbase : L7719HBI) (1).
La réforme précitée a donc eu pour effet d'allonger la durée du mandat de ces représentants du personnel qui, jusqu'à cette date, étaient élus pour 2 ans (2). Ainsi qu'il avait été affirmé lors des travaux parlementaires ayant précédé la loi de 2005, le passage de 2 à 4 ans du mandat des représentants du personnel répondait, à la fois, à un "besoin de simplification et de stabilité" (3) (v. notre art., Brefs propos sur l'allongement de la durée du mandat des représentants du personnel, Lexbase Hebdo n° 182 du 22 septembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N8565AI3).
L'article 96 de la loi du 2 août 2005 précise expressément, en son paragraphe VIII, "qu'un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d'entreprise, comités d'établissement, comités centraux d'entreprise et comités de groupe comprise entre deux et quatre ans" (4).
Cette précision législative était nécessaire, dans la mesure où la Cour de cassation considère que la durée du mandat des représentants du personnel, telle qu'elle est fixée par la loi, présente un caractère d'ordre public absolu (Cass. soc., 8 novembre 1994, n° 94-60.113, Société Ricoh c/ Union des syndicats de travailleurs de la métallurgie CGT, publié N° Lexbase : A1455ABI ; D. 1995, somm. comm., p. 354, obs. J. Frossard). Faute d'habilitation législative expresse, les partenaires sociaux auraient donc été impuissants à modifier la durée des mandats des représentants du personnel, telle que fixée par la loi. Soulignons que pour être autorisée, la dérogation est encadrée puisque la norme conventionnelle ne peut ni allonger la durée des mandats, ni la réduire au-dessous de 2 ans (5).
Pour en venir à l'arrêt sous examen, était précisément en cause la réduction de la durée du mandat des délégués du personnel à 2 ans.
2. Une dérogation soumise à la conclusion d'un accord nouveau
En l'espèce, lors de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral, un différend avait opposé l'employeur à un syndicat représentatif quant à la durée du mandat des délégués du personnel. Le premier voulait faire application des dispositions de l'article L. 423-16, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 2005, aux termes duquel, rappelons-le, ce mandat est de 4 ans sauf dérogations prévues par un accord collectif, tandis que le second faisait valoir que, précisément, les dispositions de la convention applicable, conclue en 1994 et fixant cette durée à 2 ans, constituaient un accord dérogatoire et devaient continuer à recevoir application.
La question était ainsi de savoir si une convention conclue antérieurement à la loi du 2 août 2005 pouvait valoir dérogation à l'article L. 423-16 du Code du travail. Confirmant la décision des juges du fond, la Cour de cassation vient y répondre de manière négative. Ainsi qu'elle l'affirme, "le tribunal d'instance a exactement décidé qu'une convention collective, conclue en 1994, qui, conformément à la loi en vigueur à l'époque de son adoption, fixait à deux ans la durée du mandat des délégués du personnel, ne pouvait valoir dérogation aux nouvelles dispositions de l'article L. 423-16 du Code du travail tel qu'issu de la loi du 2 août 2005". Par suite, le tribunal saisi du litige a pu fixer à 4 ans la durée des mandats des délégués du personnel à élire.
En d'autres termes, seul une convention ou un accord collectif conclu en application de la loi du 2 août 2005, c'est-à-dire postérieurement à sa publication, peut réduire le mandat des délégués du personnel de 4 à 2 ans.
Afin de donner un fondement juridique à la solution retenue dans l'arrêt commenté, on est évidemment tenté de se tourner vers les principes applicables au conflit de lois dans le temps. De ce point de vue, et compte tenu du fait que la convention collective est, avant tout, un contrat, c'est sans doute l'application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir des situations contractuelles antérieurement constituées qui paraît devoir être retenue (6). Le problème, on le devine, réside dans le fait que la loi nouvelle permet précisément à la norme conventionnelle de réduire le mandat des délégués du personnel à 2 ans. Cela ne saurait, cependant, faire oublier qu'antérieurement à la loi du 2 août 2005, le mandat des délégués du personnel était fixé à 2 ans et non 4 comme aujourd'hui. Par suite, une convention conclue avant cette date ne peut valoir dérogation aux dispositions impératives de l'article L. 423-16 du Code du travail, alors même que ses stipulations restent dans les limites de la dérogation permise par le texte nouveau.
On pourrait ajouter qu'il n'est nullement certain que les parties à la convention collective conclue en 1994 aient souhaité faire entrer dans le champ conventionnel le contenu de la loi applicable à cette époque. Plus vraisemblablement, ont-ils entendu faire simplement un renvoi formel à une loi existante (7).
A dire vrai, cette distinction importe peu lorsqu'un texte d'ordre public autorise la dérogation conventionnelle. Seul une convention ou un accord collectif conclu en application de ce texte peut valoir dérogation. Ce qui signifie qu'il doit avoir été conclu après sa promulgation.
Décision
Cass. soc., 7 novembre 2007, n° 07-60.041, Syndicat des transports CFDT Lorraine du sud, FS-P+B (N° Lexbase : A4296DZ7) Rejet (TI Remiremont, 23 janvier 2007) Textes concernés : C. trav., art. L. 423-16 (N° Lexbase : L7794HBB) ; article 96, VIII de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK). Mots-clefs : délégués du personnel ; mandat ; durée ; réduction conventionnelle. Lien bases : |
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