Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n° 05-15.139, Société Ton sur ton, FS-P+B (N° Lexbase : A4158DYN)
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N6106BC7
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
La Cour confirme, ainsi, la règle selon laquelle l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance peut présenter, en lui-même, un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du délit, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine (3). Comme l'énonce l'arrêt, il appartient, dès lors, aux juges du fond de rechercher la probabilité d'un événement favorable, autrement dit de mesurer la probabilité de réalisation de l'événement favorable allégué, étant entendu que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (4), alors qu'un risque, fût-il certain, ne suffit pas à caractériser la perte certaine d'une chance, le préjudice qui en résulte étant purement éventuel (5). C'est pour ne pas avoir procédé à cette recherche que les juges du fond voient ici leur décision censurée.
Les exemples abondent en jurisprudence, qu'il s'agisse de la perte d'une chance d'évolution favorable de l'activité professionnelle (6), de la perte d'une chance de gagner un procès non plaidé par suite de la négligence d'un avocat (7), ce qui, évidemment, suppose que les juges recherchent quelles étaient les chances véritables de succès (8), la chance perdue étant non celle de voir l'affaire portée en justice, mais celle d'y obtenir satisfaction (9). Il peut également s'agir, en matière médicale, de la perte d'une chance de guérison ou, à tout le moins, d'éviter le dommage (10). Il faut préciser, du point de vue de la réparation, qu'il importe de distinguer le préjudice perte de chance du préjudice dit "final" : ce qui est, en effet, réparé, ce n'est jamais, pour reprendre les exemples précédents, la perte du gain escompté en matière professionnelle, la perte de l'avantage recherché en justice ou encore la maladie ou l'état d'invalidité ; seule est réparée la perte d'une chance, ce qui, concrètement, justifie que la réparation de ce préjudice, autonome, soit moindre que celle à laquelle aurait donné lieu le préjudice final.
(1) Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 06-10.131, Société Le Casino de Trouville-sur-Mer, F-P+B (N° Lexbase : A3018DUC), et nos obs., La perte d'un profit illicite ne constitue pas un préjudice réparable, Lexbase Hebdo n° 251 du 8 mars 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N2990BAY).
(2) Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576, Mutuelle assurance artisanale de France c/ Mlle Léonore Lima, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A8202AX3), Bull. civ. II, n° 5, D. 2002, p. 2559, note D. Mazeaud, Rép. Defrénois 2002, p. 786, obs. R. Libchaber, et nos observations, La victime indigne ou en situation illicite peut-elle prétendre à l'indemnisation de son dommage ?, Lexbase Hebdo n° 36 du 29 août 2002 - édition affaires (N° Lexbase : N3797AAU).
(3) Cass. crim., 9 octobre 1975, n° 74-93.471, Dame Saignol, Electricité de France EDF c/ Lemaire (N° Lexbase : A2248AZB), Gaz. Pal. 1976, 1, 4 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163, Leger Ginette (N° Lexbase : A1138AC7), Bull. crim., n° 224.
(4) Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, n° 05-15.674, M. Christian Tomme, F-P+B (N° Lexbase : A5286DSL), Bull. civ. I, n° 498, RDC 2006, p. 266, obs. D. Mazeaud.
(5) Cass. civ. 1, 16 juin 1998, n° 96-15.437, Epoux Mazé c/ Epoux Djindjian et autres (N° Lexbase : A5076AWW), Bull. civ. I, n° 216, Contrats, conc., consom. 1998, n° 129, obs. L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 05-15.716, M. Louis Vincent, FS-D (N° Lexbase : A0934DTR), JCP éd. G, 2007, II, 10052, note S. Hocquet-Berg.
(6) Voir, not., Cass. civ. 2, 13 novembre 1985, n° 84-11.450, Epoux Desplat c/ Compagnie d'Assurances la Foncière, Mirland Avenat, CPAM de Maubeuge (N° Lexbase : A0695AH9), Bull. civ. II, n° 172.
(7) Voir, not., Cass. civ. 1, 7 février 1989, n° 86-16.730, M. X c/ Mme Ducruet (N° Lexbase : A8651AAN), Bull. civ. I, n° 62 ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-14.067, Consorts Kollen c/ M. X (N° Lexbase : A0446ACI), Bull. civ. I, n° 234.
(8) Cass. civ. 1, 2 avril 1997, n° 95-11.287, Syndicat des copropriétaires de la résidence du Hainaut à Valenciennes et autres c/ M. Delfosse et autres (N° Lexbase : A0306ACC), Bull. civ. I, n° 118 ; Cass. civ. 1, 21 novembre 2006, préc..
(9) Cass. civ. 1, 8 juillet 2003, n° 99-21.504, Société Gelfinger c/ Société Alain Alquie, F-P (N° Lexbase : A1226C9B), Bull. civ. I, n° 164 ; comp., s'agissant d'un pourvoi en cassation dont la déchéance a été prononcée par suite de la négligence d'un huissier de justice, Cass. civ. 1, 16 janvier 2007, n° 06-10.120, Mme Monique Flavius, F-P+B (N° Lexbase : A6269DTD), Bull. civ. I, n° 20 ; ou par suite de la négligence d'un avocat aux Conseils, Cass. Ass. Plèn., 13 avril 2007, n° 06-13.318, Mme Angèle Grandcoing, épouse Biard, D (N° Lexbase : A0320DWR), JCP éd. G, 2007, Actu., 211.
(10) Voir, not., Cass. civ. 1, 18 mars 1969, n° 68-10.252, Marcotorchino c/ Veuve Karoubi (N° Lexbase : A7594ATG), JCP 1970, II, 16422, note Rabut ; Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-18.113, M. Meurice c/ M. X et autres (N° Lexbase : A0638ACM), Bull. civ. I, n° 238, jugeant qu'en raison de leur persistance dans un diagnostic erroné, des médecins sont responsables de la perte d'une chance, pour le patient, de subir des séquelles moindres.
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