La lettre juridique n°276 du 11 octobre 2007 : Éditorial

Fourniture d'accès à internet : au bout du fil, une obligation de résultat

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Avec 11 millions d'abonnés ADSL et 30 millions d'internautes, fin 2006, en France (source Médiamétrie), on comprend dès lors que le marché de la fourniture d'accès à internet soit un marché hautement concurrentiel, suscitant une forte prédation, mais dont l'évolution des prix à la baisse pourrait bien connaître ses limites face à l'obligation de plus en plus affirmée, faite aux fournisseurs d'accès à internet (FAI), de rendre des comptes sur l'exécution de leurs prestations de service.

Voilà maintenant près de 10 ans, concurremment au développement exponentiel de l'accès au web, que le contentieux commercial s'enrichit, régulièrement, de nouvelles pages sur la responsabilité des FAI à l'égard de leurs clients. Assistant à une véritable "technonovela", à l'image de ces séries brésiliennes sans fin, les consommateurs auront vu, tour à tour, disparaître, ou du moins prohibées, les clauses contractuelles permettant aux FAI de se dédouaner en cas de difficulté à assurer leur prestation de service. Ainsi, la jurisprudence aura-t-elle condamné les clauses qui ont pour objet ou pour effet de prévoir, notamment, après un fait générateur de responsabilité du professionnel, un délai excessivement court pour que le consommateur puisse faire valoir ses droits ; d'exonérer le professionnel de toute responsabilité ou de la limiter excessivement en cas de manquement à ses obligations contractuelles ; d'écarter la responsabilité du professionnel par le moyen d'une définition de la force majeure plus large qu'en droit commun ; de permettre au professionnel, en cours d'exécution du contrat, hors les cas prévus par l'article R. 132-2 du Code de la consommation, de modifier unilatéralement, sans accord explicite de l'abonné, le service promis ; ou encore de limiter toutes les obligations du fournisseur d'accès à de simples obligations de moyens, et de dégager le professionnel de son obligation d'assurer l'accès au service promis en cas de panne.

Marc d'Haultfoeuille vous propose de revenir, cette semaine, au travers du Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies, notamment, sur deux récentes décisions qui apportent leur contribution à la détermination des contours de l'obligation des FAI. Dans un jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris vient encore renforcer les obligations des fournisseurs d'accès à internet envers les consommateurs. Les juges ont considéré que le prestataire de services était soumis à un devoir de conseil l'obligeant à vérifier l'adéquation de son offre avec le lieu de connexion du client et les spécificités techniques de son matériel. Le prestataire est assujetti à une obligation de résultat dès lors qu'il n'émet pas de réserve quant à la possibilité de s'exécuter, le service d'assistance technique n'en constituant qu'un moyen d'exécution. Par ailleurs, dans une décision en date du 12 juillet 2007, le tribunal d'instance de Cherbourg condamne un fournisseur d'accès à Internet pour inexécution de sa prestation contractuelle après avoir annulé la clause définissant celle-ci comme une obligation de moyen.

Avec les FAI, le terrain contractuel est bel et bien miné et la liste des obligations leur incombant tend à s'allonger ; la gratuité des services d'assistance technique pour remédier aux difficultés d'accès à internet rencontrées par le client constituant, sans aucun doute, un point déterminant, à l'avenir, du développement concurrentiel sur le marché de la fourniture d'accès à internet.

Rappelons qu'un fournisseur d'accès à internet (FAI) est un simple organisme offrant une connexion au réseau informatique internet. Il n'est pas obligé, pour ce faire, de disposer de l'ensemble des infrastructures nécessaires pour exécuter sa prestation de service. De nombreux intermédiaires interviennent, en amont, pour garantir l'usage d'une bande passante et ainsi l'accès au web. Le plus connu est, quel que soit le prestataire, l'opérateur historique propriétaire de la boucle locale permettant de relier un réseau au câblage téléphonique de tous les foyers français (ou presque). Ainsi donc, la chose apparaît mathématique : jusqu'à présent la sanction des clauses limitatives de responsabilité ou, plus généralement, des clauses marquant un grave déséquilibre avec les droits des consommateurs n'a pas enrayé la baisse des prix d'accès à internet. Mais, à suivre Thibault Verbiest, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université Paris I, la réaffirmation constante d'une obligation de résultat couplée à une gratuité des hotlines (complément tarifaire non négligeable pour les opérateurs et qui pouvait rattraper les pertes d'exploitation engrangées par la pratique de prix particulièrement bas) pourrait bien marquer les limites des prix prédateurs. Afin de couvrir leurs obligations, les FAI pourraient ainsi appeler en garantie leurs fournisseurs ou propres prestataires et les soumettre, eux aussi, à une obligation de résultat ; les coûts d'exploitation augmenteraient alors d'autant. Arroseur arrosé, le consommateur soucieux d'obtenir la meilleure prestation pour le plus bas prix pourrait voir sa facture augmenter sensiblement, sans pour autant être satisfait de la prestation de fourniture d'accès à internet ; la synergie entre opérateurs-intermédiaires, parfois concurrents sur le terrain de l'accès à internet, ou de l'accès téléphonique, n'étant pas chose aisée à mettre en oeuvre, si tant est qu'elle soit réalisable sur un marché, au demeurant, concurrentiel.

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