La lettre juridique n°276 du 11 octobre 2007 : Internet - Bulletin d'actualités n° 8

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Septembre 2007

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le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. Au sommaire de ce Bulletin seront abordés, entre autres, les récentes condamnations de fournisseurs d'accès à internet, la décision de la Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui étend l'assiette de la rémunération des auteurs pour copie privée à de nouveaux supports numériques ou, encore, le rejet par le Conseil d'Etat de deux recours en annulation portés par des groupements d'opérateurs de télécommunications concernant le décret du 24 mars 2006 et l'arrêté s'y rapportant, en date du 22 août 2006.

I - Droit d'auteurs

  • La Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2860HPM), étend l'assiette de la rémunération des auteurs pour copie privée à de nouveaux supports numériques : décision du 9 juillet 2007 de la Commission prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, relative à la rémunération pour copie privée, n° MCCB0764606S (N° Lexbase : L4162HYS)

Contenu :

La décision de la Commission sur la rémunération pour copie privée, prévue à l'article L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle, étend la rémunération due au titre de la copie privée aux DVD enregistrables et aux supports hybrides amovibles, c'est-à-dire les cartes mémoires, les clés USB et les supports de stockage externes à disques utilisables directement avec un ordinateur personnel, sans qu'il soit nécessaire d'y adjoindre un équipement complémentaire hormis les câbles de connexion et d'alimentation.

Ainsi, une redevance devra être versée aux sociétés de gestion collective lors de l'achat de l'un de ces supports. Celle-ci sera, ensuite, reversée aux auteurs.

Les supports sont classés selon leur type et leur capacité d'enregistrement. Le montant de la redevance varie selon les catégories. Il est fixé selon différents critères, notamment, le taux utilisé pour compresser les fichiers numériques et les pratiques des consommateurs. Un tableau annexé à la décision précise le montant de la redevance. Si la taille des supports dépasse la taille maximale fixée par le tableau, ce montant est calculé selon les critères prévus pour la capacité de stockage la plus élevée pour le type de support.

Les redevables doivent déclarer le nombre de supports vendus ainsi que, pour chacun d'eux, la capacité d'enregistrement. Cette déclaration est valable sauf preuve contraire rapportée par l'organisme chargé de percevoir les redevances.

Cette décision est entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

Commentaire :

La Commission étend l'assiette de la rémunération, prévue aux articles L. 311-1 (N° Lexbase : L3451AD8) et suivants du Code de la propriété intellectuelle, à de nouveaux supports qui n'étaient pas affectés jusqu'alors, notamment les DVD enregistrables et les clés USB.

De même que pour les autres supports, tels que les CD ou encore les supports analogiques, cette redevance a pour objectif de compenser le préjudice subi par les auteurs en raison des copies privées de plus en plus nombreuses effectuées par les consommateurs sur ces supports.

Toutefois, une difficulté surgit compte tenu du fait que ces nouveaux supports peuvent contenir des fichiers offrant une durée d'écoute ou de visualisation plus ou moins importante selon leur type, alors que les supports analogiques, qui étaient dédiés à un certain type de contenu, offraient une durée précise. Certes, si le montant de la redevance est arrêté en fonction de la taille du support, il est à croire que la Commission l'a fixé principalement en fonction de la durée d'écoute ou de visualisation.

Enfin, le tableau annexé à la décision n'est que conservatoire : la taille des supports ne cessant d'augmenter, la Commission se réserve la possibilité d'adopter un tableau semblable dans le futur.

II - Informatique

  • Dans une décision du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que le non-respect d'une charte informatique en vigueur dans une entreprise constituait une cause de licenciement pour faute grave : Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-41.165, F-D (N° Lexbase : A1084DTC)

Faits :

M. X, adjoint du directeur technique au sein de la société AD 2 One, a emprunté le mot de passe d'un autre salarié et s'est connecté sur le poste informatique du directeur de la société. La société a décidé de licencier M. X pour faute grave du fait de la violation de la charte informatique.

Le 25 novembre 2004, la cour d'appel de Versailles a considéré que le comportement de M. X était contraire à l'obligation de respect de la charte informatique en vigueur dans l'entreprise. Elle a, par conséquent, décidé que le licenciement était justifié.

M. X a déposé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision :

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a considéré que le comportement de M. X était contraire à l'obligation de respect de la charte informatique en vigueur dans l'entreprise, rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait effectivement une faute grave.

Commentaire :

Par cette décision, la Cour de cassation confirme que la violation d'une charte informatique par un salarié peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour faute grave.

Le non-respect de la charte informatique en vigueur, en l'espèce l'emprunt du mot de passe d'un autre salarié et la connexion non autorisée sur le poste informatique du directeur de la société, constituait une violation des obligations du salarié découlant du contrat de travail.

III - Internet

  • Dans un jugement en date du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris vient encore renforcer les obligations des fournisseurs d'accès à internet envers les consommateurs : TGI Paris, 4ème ch., 1ère sect., 26 juin 2007, n° RG 05/08845, Madame V. S. et autres c/ SAS Free (N° Lexbase : A5138DXL)

Faits :

Au cours de l'année 2004, trois particuliers ont conclu avec la société Free des contrats d'accès à internet, de téléphonie et de télévision sur IP.

Peu de temps après la mise en service de la ligne, ils rencontrent des difficultés bien qu'ils aient vérifié la compatibilité de leur matériel informatique. Free adresse alors un ticket au Guichet d'Accueil et de Maintenance des Opérateurs Tiers ("GAMOT") de France Télécom pour lui signaler le problème et lui demander d'intervenir sur la boucle locale. Après résolution du problème, les abonnés rencontrent des difficultés similaires.

Après un échange de courriers, les trois abonnés décident de résilier le contrat et de suspendre les prélèvements automatiques sur leurs comptes bancaires. Biens qu'ils soient mis en demeure de payer, ils refusent de s'exécuter et contactent l'association UFC Que choisir qui décide alors d'agir en justice, à leurs côtés, contre Free, auprès du tribunal de grande instance de Paris.

Les demandeurs soutiennent que la société Free a manqué à son obligation de résultat, engageant de ce fait sa responsabilité envers ses clients et l'obligeant à tout mettre en oeuvre pour rétablir le service ou à indemniser ses clients lésés.

L'association UFC Que choisir demande, quant à elle, que le coût d'appel au service technique soit inclus dans le forfait.

La société Free décline toute responsabilité. Elle estime, en effet, d'une part, qu'elle met à disposition de ses abonnés un service d'assistance technique et qu'elle leur fournit toutes les informations nécessaires (coût, durée d'attente) et, d'autre part, qu'elle ne maîtrise pas le câblage de la ligne qui est entièrement géré par France Télécom au nom et pour le compte de l'abonné. Les difficultés rencontrées par les utilisateurs constituent, à ses yeux, une cause étrangère, imprévisible et insurmontable, exonératoire de toute responsabilité compte tenu du fait que Free a fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de remédier au problème.

Décision :

Le TGI de Paris condamne Free à indemniser ses clients au paiement des sommes suivantes :

- 646,88 euros en faveur de Véronique S.,
- 563,47 euros en faveur de Stéphane D.,
- 528,72 euros en faveur de Florent A.,
- 20 000 euros en faveur de l'UFC Que Choisir,
- et faire publier le jugement dans trois quotidiens réputés à hauteur de 6 000 euros par publication.

Les juges ont considéré que le prestataire de services était soumis à un devoir de conseil l'obligeant à vérifier l'adéquation de son offre avec le lieu de connexion du client et les spécificités techniques de son matériel. Le prestataire est assujetti à une obligation de résultat dès lors qu'il n'émet pas de réserve quant à la possibilité de s'exécuter, le service d'assistance technique n'en constituant qu'un moyen d'exécution.

Par ailleurs, les juges ont énoncé que le prestataire est responsable lorsque l'obligation est mal exécutée même si cette mauvaise exécution est le fait d'un tiers qui participe à l'exécution du contrat.

Le tribunal émet, cependant, une réserve : l'opérateur peut rapporter la preuve d'une faute de la victime, du fait d'un tiers au contrat ou d'un cas de force majeure, ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas.

Commentaire :

Dans cette décision, les juges sanctionnent les difficultés rencontrées par les utilisateurs lorsqu'ils tentent de joindre le service d'assistance technique. Plus généralement, tout le système du dégroupage est envisagé.

Bien que cette décision puisse être critiquée, elle confirme que les fournisseurs d'accès sont responsables de plein droit des services fournis aux utilisateurs et sont ainsi soumis à une obligation de résultat.

  • Dans une décision en date du 12 juillet 2007, le tribunal d'instance de Cherbourg condamne un fournisseur d'accès à Internet pour inexécution de sa prestation contractuelle après avoir annulé la clause définissant celle-ci comme une obligation de moyen : TI de Cherbourg, 12 juillet 2007, M. L. c/ Société AOL

Faits :

Monsieur L. a souscrit une offre pour un accès internet à bas-débit auprès de la société AOL durant le mois d'octobre 2000. Il a, par la suite, contacté régulièrement la hot-line durant l'année 2003 en raison de nombreux problèmes de connexion. Il a, ensuite, souscrit auprès du même fournisseur un abonnement ADSL le 26 août 2004.

Après avoir rencontré de nouveaux problèmes de connexion, Monsieur L. a résilié le contrat d'abonnement le 30 août 2006 et a assigné la société AOL en demandant le remboursement des frais d'abonnement mensuel prélevés alors que la prestation n'était pas fournie, le remboursement de la facturation des communications au service d'assistance téléphonique, ainsi que le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Décision :

Le tribunal d'instance de Cherbourg considère, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3392ADY), que la clause figurant au contrat d'abonnement et stipulant que le fournisseur d'accès n'est tenu qu'à une obligation de moyen, compte tenu de la nature de la technologie ADSL, crée un déséquilibre significatif au détriment des abonnés, ce qui justifie sa suppression.

Ainsi, l'obligation de la société AOL, envers Monsieur L., est considérée comme une obligation de résultat. Cette société a failli à cette obligation en ne fournissant pas un accès internet opérationnel. Elle a, également, manqué de diligence et fait preuve d'inertie quant à sa volonté d'exécuter la prestation qui lui incombait, en se contentant de réponses évasives et dilatoires sans envoyer de technicien pour résoudre la panne.

Le tribunal d'instance condamne ainsi la société AOL :
- à rembourser à Monsieur L. les frais d'abonnement indûment perçus (370,22 euros) ;
- à rembourser à Monsieur L. les communications téléphoniques (54,10 euros) ;
- à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (2 000 euros).

Commentaire :

En reconnaissant que les fournisseurs d'accès à internet sont soumis à une obligation de résultat, le tribunal d'instance de Cherbourg sanctionne, ici, non seulement les dysfonctionnements récurrents liés à une connexion internet, mais, également, les difficultés rencontrées par l'abonné pour remédier à ces dysfonctionnements. Ces difficultés se traduisent par les mauvaises prestations de la hot-line et le refus de la part du fournisseur d'envoyer un technicien malgré le prélèvement du montant mensuel de l'abonnement.

Cette jurisprudence est à mettre en parallèle avec la décision du tribunal de grande instance de Paris du 26 juin 2007 (cf. supra) qui a également reconnu une obligation de résultat à la charge du fournisseur d'accès à internet. En l'espèce, trois personnes avaient rencontré des difficultés dans l'accès ou l'utilisation d'un ou de plusieurs services faisant l'objet de leur abonnement. Ces trois personnes ont assigné le fournisseur d'accès à Internet en indemnisation du préjudice qu'elles avaient subi. Ce dernier a considéré que la faute qu'on lui imputait était en fait celle de l'opérateur historique, dont il utilisait les réseaux et le matériel sans avoir sur eux ni contrôle, ni moyen d'intervenir. Pour accueillir la demande en indemnisation des utilisateurs, le TGI de Paris a fondé sa décision sur l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT ; inexécution ou mauvaise exécution de l'obligation d'un contrat) et sur l'article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique (N° Lexbase : L2600DZC), selon lequel "toute personne physique ou morale qui propose ou assure à distance par voie électronique la fourniture de biens ou de services est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci".

Le tribunal d'instance considère, également, que le fournisseur d'accès à internet est tenu à une obligation de résultat sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui dispose que, "dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Il a, ainsi, considéré que la clause qui définissait l'obligation du fournisseur d'accès comme une obligation de moyen constituait une clause abusive.

Ces deux décisions aboutissent à reconnaître une obligation de résultat aux fournisseurs d'accès à internet, la première sur le fondement du droit des contrats, la seconde sur celui du droit de la consommation.

Par conséquent, les utilisateurs peuvent agir à l'encontre des fournisseurs d'accès selon des fondements juridiques différents. Ils peuvent soulever l'un ou l'autre en fonction du contenu de leur contrat de fourniture d'accès à internet.

  • Dans une décision en date du 19 juin 2007, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a analysé un cas de cessation des prestations de fourniture d'accès à internet et de location de bande passante, et a considéré que la résiliation du contrat relevait de la responsabilité du fournisseur : Cass. com., 16 juin 2007, n° 06-13.706, Société MJA Selafa, agissant en la personne de Mme Brigitte Penet-Weiller, ladite Selafa MJA agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Téléglobe France, F-D (N° Lexbase : A8750DWY)

Faits :

Le 2 juin 2000, la société Téléglobe France et la société XTS Télécom ont conclu un contrat de location de bande passante, et, le 20 juin 2000, un contrat de fourniture d'accès à internet. Dans ces deux contrats, Téléglobe France était le fournisseur de la prestation. Le 15 mai 2002, la société Téléglobe Canada, société mère de la société Téléglobe France, a notifié à XTS Télécom son intention de mettre fin, avec effet au 30 juin 2002, aux prestations de transport de voix et de bande passante. En réaction, XTS Télécom a demandé le paiement de dommages et intérêts à Téléglobe pour rupture brutale et abusive des contrats, la société Selafa MJA intervenant aux débats en tant que liquidateur judiciaire de Téléglobe France.

Le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt d'appel d'avoir considéré que les deux contrats conclus entre la société XTS Télécom et la société Téléglobe avaient été résiliés aux torts de la société Téléglobe.

La cour d'appel a rejeté les moyens invoqués. Elle a considéré, en effet, que :

- la cessation définitive des prestations par la maison mère de Téléglobe ne pouvait constituer une cause de résiliation définitive du contrat, malgré l'existence d'une clause prévoyant sa résiliation en cas de coupure du réseau de télécommunications par la maison mère et malgré l'existence d'un recours possible (crédits d'interruption de services) en cas d'interruption des services ;
- la clause exonératoire de responsabilité prévoyant que Téléglobe n'était pas responsable envers le client des pertes ou des dommages subis par ce dernier en raison de toute interruption ou détérioration du service, peu importe la durée ou la cause de l'interruption ou de la détérioration, ne s'appliquait pas en cas de résiliation de la convention ;
- le fait de prévoir une exonération de responsabilité de Téléglobe en cas de manquement de sa part sur le fondement de la force majeure ne peut être recevable dans la mesure où cette exonération de responsabilité ne remplit pas les critères de la force majeure.

Décision :

La Cour de cassation confirme l'arrêt de la cour d'appel et rejette le pourvoi. Elle considère, en effet, que les clauses de limitation ou exonératoires de responsabilité ne peuvent justifier la résiliation du contrat du fait, notamment, de l'ambiguïté de leur rédaction.

Elle ajoute, aussi, que ces clauses ne peuvent justifier la résiliation du contrat sur le fondement de la force majeure dans la mesure où les parties n'ont pas entendu exclure de manière contractuelle la nécessaire réunion des conditions retenues par la jurisprudence pour caractériser la force majeure.

Commentaire :

La Cour de cassation applique un principe dégagé pour la première fois en 1808 (Cour de cassation, sections réunies, 2 février 1808, Lubert c/ Wancareghem), selon lequel le juge n'est pas lié par les dispositions du contrat et peut interpréter celles dont l'ambiguïté ne permet pas d'en dégager une interprétation stricte. Ce principe est le pendant judiciaire de l'effet relatif des contrats, impliquant que les qualifications contractuelles ne s'appliquent qu'aux parties. Ainsi, elles ne sont opposables ni aux tiers, ni au juge.

Elle tempère, ainsi, la possibilité d'une interprétation extensive des clauses résolutoires ou exonératoires de responsabilité par les parties à un contrat de location de bande passante ou de fourniture d'accès à internet.

Par ailleurs, la Cour de cassation confirme la position qu'elle avait, notamment, adoptée dans deux arrêts rendus le 14 avril 2006 (Cass. Ass. Plén., 14 avril 2006, n° 04-18.902, M. Stéphane Brugiroux c/ Régie autonome des transports parisiens (RATP), P N° Lexbase : A2092DP8 et n° 02-11.168, M. Philippe Mittenaere c/ Mme Micheline Lucas, épouse Pacholczyk, P N° Lexbase : A2034DPZ et les obs. de D. Bakouche, La force majeure devant l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (vers l'unité des approches contractuelle et délictuelle ?), Lexbase Hebdo n° 214 du 11 mai 2006 - édition affaires N° Lexbase : N8030AKM), selon laquelle la force majeure ne peut être caractérisée en cas de manquement contractuel commis par l'une des parties, dans la mesure où elle nécessite la réunion de trois conditions : un événement irrésistible, imprévisible et extérieur à la volonté des parties.

IV - Télécommunications

  • Le Conseil d'Etat a rejeté deux recours en annulation portés par des groupements d'opérateurs de télécommunications concernant le décret du 24 mars 2006 et l'arrêté s'y rapportant, en date du 22 août 2006 : CE 2° et 7° s-s-r., 7 août 2007, n° 293774, Association des fournisseurs d'accès et de services internet (AFA) et autres (N° Lexbase : A8962DX9) et n° 298436, Association française des opérateurs de réseaux et de services de télécommunications (AFORS Télécom) (N° Lexbase : A8979DXT)

Faits :

Un décret adopté le 24 mars 2006 a établi les modalités de conservation de données des communications électroniques à des fins d'enquête judiciaire, à l'encontre des opérateurs de télécommunication (décret n° 2006-358, 24-03-2006, relatif à la conservation des données des communications électroniques N° Lexbase : L8960HHC et lire Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mars 2006 (2ème partie), Lexbase Hebdo n° 210 du 13 avril 2006 - édition affaires N° Lexbase : N6632AKT). Un arrêté en date du 22 août 2006 a pour sa part fixé la tarification applicable à ces prestations (arrêté du 22 août 2006 pris en application de l'article R. 213-1 du Code de procédure pénale fixant la tarification applicable aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de communications électroniques N° Lexbase : L7072HK7). L'AFA, l'AFORS Télécom, ainsi que la société Bouygues Télécom ont déposé un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat à l'encontre de ces deux textes.

L'AFA reproche au décret de manquer de clarté et de cohérence au regard des données demandées et de ne pas prendre en compte les coûts d'investissement nécessaires à la conservation des informations exigées par la loi.

L'AFORS Télécom reproche à l'arrêté de retenir l'établissement d'un devis comme mode de calcul de la rémunération pour des prestations concernant les opérateurs de téléphonie mobile et fixe ("recherche et identification d'un abonné appelant derrière une tête de ligne ou un serveur" et "détails des trafics en relation avec un abonné d'un opérateur étranger").

Décision :

Le Conseil d'Etat a rejeté les recours en annulation pour excès de pouvoir du décret et de l'arrêté.

Concernant le décret, le Conseil d'Etat considère que le texte distingue de manière suffisamment claire et précise les catégories de données qui doivent être conservées et celles qui doivent, au contraire, être effacées ou rendues anonymes. Il confirme, par ailleurs, que le décret ne porte pas une atteinte au respect de la vie privée qui serait disproportionnée aux buts de sécurité publique poursuivis et ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR).

Enfin, le fait pour les opérateurs de pouvoir être condamnés pénalement (sur le fondement de l'article L. 39-3 du Code des postes et des communications électroniques N° Lexbase : L1875HHW), en cas d'absence de conservation des données liées au trafic, ne porte pas atteinte au principe de la légalité des délits et des peines.

Concernant l'arrêté, le Conseil d'Etat valide les modalités de tarification s'appliquant aux réquisitions ayant pour objet la production et la fourniture des données de communication par les opérateurs de communications électroniques. Néanmoins, le Conseil considère que l'arrêté contrevient à l'article R. 213-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2889HIT) et à l'article A. 43-2 (N° Lexbase : L1597HSX) du même code inséré par l'arrêté attaqué, qui mentionnent que les prestations concernant les opérateurs fixe et mobile doivent voir leur tarif directement fixé par l'arrêté, sans nécessiter l'établissement d'un devis.

Commentaire :

Ces deux décisions rejettent le recours en annulation pour excès de pouvoir formé par les opérateurs de télécommunications, sauf sur un point précis de l'arrêté concernant les modalités de rémunération relatives à la fourniture de certaines prestations par ces opérateurs à des fins d'enquête judiciaire.

Le recours contre le décret du 24 mars 2006 concerne surtout les diverses atteintes aux libertés individuelles que ce texte était censé mettre en oeuvre. Sur ce point, le Conseil d'Etat procède à une analyse détaillée des dispositions pour aboutir à la conclusion que ces atteintes sont soit justifiées et proportionnées au but à atteindre, qui s'avère être de faciliter les enquêtes des autorités judiciaires sur les infractions commises sur internet, soit trop faibles pour justifier une annulation complète de ces textes.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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