La lettre juridique n°276 du 11 octobre 2007 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] De la naissance des droits à l'indemnité de licenciement

Réf. : Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société Cegid, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9)

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010


A quelles conditions un salarié peut-il prétendre au versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement doublée ? Pour pouvoir en bénéficier, il faut qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, c'est-à-dire à la date d'envoi de la lettre recommandée de licenciement, la qualité de travailleur handicapé lui ait été reconnue par la Cotorep. Une reconnaissance postérieure, fût-elle extrêmement proche, emporte son exclusion du bénéfice de cette indemnité de licenciement spéciale. C'est ce principe que vient appliquer la Haute juridiction, dans un arrêt du 26 septembre 2007, à une salariée reconnue travailleur handicapé postérieurement à la réception de la lettre de licenciement, qui avait bénéficié d'un congé de reclassement et qui croyait que cette prolongation lui permettrait de bénéficier de l'indemnité de licenciement doublée. Cette solution ne peut qu'être approuvée. Une position contraire aurait été source de difficultés et d'inégalités.

Résumé

Le droit à l'indemnité de licenciement naît au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture. Dans la mesure où la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est intervenue postérieurement à la rupture, le salarié ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité spéciale doublée, versée à cette catégorie de salariés.

1. Détermination de la "date de naissance" du droit à l'indemnité de licenciement

  • Droit à l'indemnité légale de licenciement

L'article L. 122-9 du Code du travail (N° Lexbase : L5559ACU) dispose que le salarié, lié par un contrat de travail à durée indéterminée alors qu'il compte 2 ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement. Le taux de cette indemnité, ainsi que son montant, varient selon la nature du licenciement et les éléments propres au salarié.

Le législateur ne donne aucune indication sur la naissance du droit à l'indemnité de licenciement. Singulièrement, l'article L. 122-9 du Code du travail ne permet pas de déterminer le moment, entre la date de la rupture et le moment où le salarié quitte l'entreprise, où il convient de se placer pour apprécier le droit du salarié.

Ce sont les juges qui ont précisé et fixé la "date de naissance" du droit à l'indemnité.

  • Fixation jurisprudentielle de la "date de naissance" du droit à l'indemnité de licenciement

La jurisprudence considère que le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date de la rupture du contrat de travail et que, sauf clause expresse contraire, ce sont les dispositions légales ou conventionnelles en vigueur à cette date qui déterminent les droits du salarié (Cass. soc., 19 janvier 1994, n° 89-41.245, Société Regit c/ M. Berger, publié N° Lexbase : A9412AAT ; Dr. soc. 1994, 268).

Cette solution est constante, emportant l'exclusion du salarié du bénéfice de l'indemnité de licenciement lorsque, au moment de la rupture du contrat de travail (à cette époque, la date de notification du licenciement), il n'a pas acquis 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise (Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 94-45.010, Société Gymnasium Franchise c/ M. Le Goascoz et autre, publié N° Lexbase : A2163AAD ; Dr. soc. 1998, 84, obs. J. Savatier).

S'agissant du montant de cette indemnité, les juges considèrent, en revanche, que, si le droit au bénéfice de l'indemnité de licenciement s'apprécie à la date de notification de la rupture, c'est à la date à laquelle expire le préavis qu'il convient de se placer pour en déterminer le montant (Cass. soc., 25 novembre 1997, précité).

Ce sont ces principes que vient appliquer la Cour de cassation dans la décision commentée, même si, à première lecture, on pourrait croire à un revirement. Les circonstances particulières de l'espèce font, en effet, croire que la Haute juridiction, par cette décision, fait reculer la date retenue pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement au jour de la rupture.

  • Espèce

Dans cette espèce, une salariée avait été licenciée pour motif économique par lettre du 11 juin 2003, présentée le 13 juin. Le 4 juillet 2003, elle informait son employeur qu'elle avait été reconnue travailleur handicapé le 16 juin 2003 par la Cotorep.

La salariée ayant bénéficié d'un congé de reclassement, son contrat de travail avait expiré le 12 mars 2004. Le 26 mars 2004, les parties avaient conclu un protocole d'accord, prévoyant que l'indemnité conventionnelle de licenciement serait versée au moment du solde de tout compte, avec les autres sommes légalement dues.

Invoquant l'article 26 de l'accord d'entreprise et le plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait un doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement pour les salariés licenciés pour motif économique reconnus travailleurs handicapés par la Cotorep, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de complément d'indemnité de licenciement.

La cour d'appel avait fait droit à sa demande, ce que vient réformer la Cour de cassation.

Elle considère que le droit à l'indemnité de licenciement naît au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec avis de réception notifiant la rupture. Or, s'agissant de la salariée, la reconnaissance de travailleur handicapé avait été postérieure à la rupture, ce qui emportait son exclusion au droit à l'indemnité de licenciement doublée, propre à cette catégorie de salariés.

Cette solution doit être approuvée. Elle n'est que la confirmation d'une décision rendue par la même juridiction début 2007 (Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 04-45.250, FS-P+B N° Lexbase : A4798DTU).

2. Confirmation de la date de naissance du droit à l'indemnité de licenciement

  • Conséquence de la fixation de la date de la rupture du contrat de travail au jour de l'envoi de la lettre de licenciement

Le recul de la date de la rupture du contrat de travail d'un salarié licencié, du jour de la notification au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'est pas une surprise.

Cela fait maintenant quelque temps que la Haute juridiction fait application de ce principe. Elle considère, désormais, que la rupture du contrat de travail prend effet au jour où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-43.841, Société Parametric technology (PTC), F-P+B N° Lexbase : A3609DR4 ; lire les obs. de Ch. Radé, De la distinction des obligations individuelles et collectives de reclassement, Lexbase Hebdo n° 231 du 12 octobre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3776ALG ; Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-42.323, Mme Annie Négouai, FS-P+B N° Lexbase : A3135DSW ; lire nos obs., Licenciement : la date de la rupture ne fixe pas le point de départ du préavis, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N0396A9K).

C'est donc en toute logique que le droit à l'indemnité de licenciement a été reculé à cette même date ; ce droit devant, comme nous l'avons vu précédemment, être déterminé au jour de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 19 janvier 1994, précité). De ce point de vue, la décision commentée n'est que la confirmation d'une décision rendue en début d'année, dans laquelle la Haute juridiction avait tiré les conséquences du recul de la date de la rupture du contrat de travail au jour de l'envoi de la lettre de licenciement (Cass. soc., 11 janvier 2007, précité).

Cette décision n'est donc pas une surprise sur ce point. Ce qui peut, en revanche, paraître plus surprenant, est le fait que la Haute juridiction refuse au salarié, déclaré handicapé postérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement, le bénéfice de l'indemnité doublée, alors même que son contrat n'avait pas expiré à cette date.

Faut-il y voir un revirement de jurisprudence, dans la mesure où la Haute juridiction considère que la date à prendre en considération pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement est la date à laquelle le salarié quitte effectivement l'entreprise, et non la date de la rupture de son contrat de travail ? En aucune manière.

  • Une simple détermination des droits du salarié à l'indemnité de licenciement

Il ne s'agissait pas, ici, de fixer le montant de l'indemnité qu'il convenait de verser au salarié, mais de déterminer si la salariée pouvait, ou non, prétendre à l'indemnité de licenciement spéciale versée aux travailleurs handicapés. Il s'agissait donc d'une question portant sur la naissance du droit à l'indemnité de licenciement et non seulement d'un problème portant sur le montant qui avait été proposé à la salariée.

La question était de savoir si la salariée allait se voir ouvrir des droits à l'indemnité de licenciement versée à tout salarié ayant 2 ans ou plus d'ancienneté dans l'entreprise ou si elle pouvait bénéficier de l'indemnité de licenciement propre aux travailleurs handicapés. Tout était donc question de catégorie, et donc de détermination des droits de la salariée à l'indemnité de licenciement.

On comprend donc mieux que la Haute juridiction ait décidé de retenir comme date, celle de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il n 'y a donc pas, ici, revirement de jurisprudence mais, bel et bien, confirmation de la position qu'elle était venue prendre quelques mois plus tôt.

Décision

Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.033, Société CCMX devenue la société Cegid, FS-P+B (N° Lexbase : A5928DY9)

Cassation (CA Orléans, 30 mars 2006)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-9 (N° Lexbase : L5559ACU).

Mots-clefs : licenciement ; envoi de la lettre recommandée ; date de naissance du droit à l'indemnité de licenciement ; date de la rupture du contrat.

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