Il est d'actualité de louer les qualités de la IVème République et de son Parlementarisme à la proportionnelle, régime qui a su mettre la France sur les voies de la modernisation économique sur fond de décolonisation et de dérives institutionnelles. L'occasion nous est, ainsi, donnée, cette semaine, de revenir sur l'un des principes issus de ces ordonnances et lois sociales de la Libération, que la Constitution du 27 octobre 1946 intégra dans son préambule, aux fins de définir l'Etat-providence à la française : le droit de grève. La loi du 11 février 1950 renforça le droit de grève et, sur l'initiative de la Commission du Travail et de son rapporteur, Edouard Moisan, le législateur inséra cet amendement : "
la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde". Cette disposition est, à la fois, protectrice des salariés et protectrice contre les abus de droit qui pourraient découler d'un tel principe à valeur constitutionnelle. Par un arrêt rendu le 11 janvier dernier, la Cour de cassation rappelle que les salariés des services publics qui se mettent en grève sans respecter le préavis de 5 jours francs de l'article L. 521-2 du Code du travail commettent une faute lourde que l'employeur est en droit de sanctionner, dès lors que ce dernier les avait informés du caractère illicite du préavis. Cette mesure vise à concilier trois principes essentiels, tous de valeur constitutionnelle. Le droit de grève, d'abord, remontant à 1864, qui est affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946, et qui est un important symbole de conquête sociale et de progrès démocratique. La continuité des services publics, ensuite, qui est un principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. Au titre de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. Enfin, de façon plus ponctuelle, le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, consacré par le Conseil constitutionnel en 1980. Ce préavis de 5 jours francs a donc bien pour finalité de permettre aux différents services publics concernés de s'organiser afin d'assurer un service minimum à l'adresse des usagers. C'est pourquoi toute contravention à ce délai minimum de préavis emporte l'irrégularité de la grève ainsi orchestrée, et tout salarié conscient de l'illégalité de la grève à laquelle il entend participer risque une sanction pour faute lourde contrevenant, par-là même, à un principe tout autant constitutionnel : la continuité du service public.
Si l'ensemble des pays européens reconnaît le droit de grève, seule la moitié d'entre eux a recours à des dispositions particulières sur le service minimum. Sept Etats de l'Union européenne prévoient, aujourd'hui, un régime général du service minimum, et trois appliquent, dans ce domaine, des dispositions ponctuelles. Ces régimes recouvrent chacun des particularités, s'expliquant par l'histoire, les traditions et la culture propres à chaque pays. Ils correspondent, pour la plupart, à des Etats du Sud de l'Europe (Italie, Espagne, Portugal, Grèce), mais sont également présents dans deux pays scandinaves, la Suède et la Finlande, et partiellement en Belgique. En outre, le service minimum existe dans la moitié des pays candidats, ainsi que dans des Etats extérieurs à l'Europe. Ensuite, les pays ne comportant pas de réglementation spécifique en la matière ne sont, en général, pas confrontés à des conflits sociaux importants, soit parce que le droit de grève est strictement encadré, soit parce qu'ils bénéficient d'un dialogue social efficace. Enfin, la France fait figure, par comparaison, de cas exceptionnel, ce qui explique le caractère très conflictuel du sujet et pourrait justifier une réforme prochaine. Le préavis de 5 jours, le recours à la théorie de l'abus droit... il n'y pas loin à instaurer, définitivement, en France, un service minimum à valeur légale, permettant de concrétiser, tout comme le droit grève, le droit à un service public continu.... Mais, le projet s'enlise en période électorale. Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de revenir, cette semaine, avec Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, sur le préavis de grève dans les services publics : les salariés ne peuvent corriger les erreurs des syndicats.
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