La lettre juridique n°225 du 27 juillet 2006 : Immobilier - Bulletin d'actualités n° 2

[Textes] Bulletin d'actualités en droit immobilier : actualité législative - Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés - Juillet 2006

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le 07 Octobre 2010

La loi portant "Engagement national pour le logement", dite loi ENL, vient d'être définitivement adoptée et publiée au Journal officiel du 13 juin 2006 (loi n° 2006-872, 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement N° Lexbase : L2466HKK). Ce texte constitue le principal volet législatif du Pacte national pour le logement. Trois ordonnances et plusieurs décrets d'application sont attendus.

La loi s'articule autour de quatre axes principaux :

- aider les collectivités à construire ;
- augmenter l'offre de logements à loyers maîtrisés ;
- favoriser l'accession sociale à la propriété pour les ménages modestes ;
- renforcer l'accès de tous à un logement décent.

A côté des nombreuses réformes ou innovations juridiques, la loi ENL comporte un certain nombre de mesures fiscales et financières.

Nous présenterons, de manière non exhaustive, certaines nouveautés issues de ce texte.

1. Baux d'habitation : les nouvelles clauses réputées non écrites (article 4 de la loi du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L4406AHN ; loi ENL, art. 84)

L'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit une série de clauses réputées non écrites dans le cadre d'un bail d'habitation.

Cette liste est complétée par la loi ENL.

Désormais, est également réputée non écrite toute clause qui :


- impose au locataire la facturation de l'état des lieux dès lors que celui-ci n'est pas établi par un huissier de justice dans le cas prévu par l'article 3 (N° Lexbase : L4404AHL) ;
- prévoit le renouvellement du bail par tacite reconduction pour une durée inférieure à celle prévue à l'article 10 (soit trois ans) ;
- interdit au locataire de recherche la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité ;
- interdit au locataire d'héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui ;
- impose au locataire le versement, lors de l'entrée dans les lieux, de sommes d'argent en plus que celles prévues aux articles 5 (N° Lexbase : L4409AHR) et 22 (N° Lexbase : L8461AGH) (rémunération de l'agent immobilier et dépôt de garantie) ;
- fait supporter au locataire les frais de relance ou d'expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du NCPC ;
- prévoit que le locataire est automatiquement responsable des dégradations constatées dans le logement ;
- interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d'une durée supérieure à quarante jours ;
- permet au bailleur d'obtenir la résiliation de plein droit du bail au moyen d'une simple ordonnance de référé insusceptible d'appel.

La majorité de ces clauses était d'ores et déjà réputée non écrite aux termes de la recommandation n° 00-01 de la Commission des clauses abusives complétant la recommandation n° 80-04 concernant les contrats de location de locaux à usage d'habitation.

La loi ENL a donc été l'occasion de les intégrer au sein du dispositif légal.

2. Baux d'habitation : l'extension de la compétence des commissions départementales de conciliation (articles 20 N° Lexbase : L4395AHA et 20-1 N° Lexbase : L8461AGH de la loi du 6 juillet 1989 ; loi ENL, art. 86)

Les commissions départementales de conciliation étaient initialement compétentes pour les litiges relatifs aux loyers.

Leur compétence a été étendue par la loi SRU, notamment, aux litiges relatifs à l'état des lieux au dépôt de garantie, aux charges locatives et aux réparations.

La loi ENL étend une nouvelle fois leur domaine d'intervention prévoyant qu'elles seront désormais compétentes pour connaître des litiges relatifs aux caractéristiques du logement décent.

Lorsque le local loué ne répond pas aux caractéristiques du logement décent, le locataire peut demander au bailleur sa mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. A défaut d'accord entre les parties ou à défaut de réponse du propriétaire dans un délai de deux mois, la commission départementale de conciliation est saisie. A défaut d'accord constaté par la commission, le juge est saisi par la partie la plus diligente.

Le juge déterminera, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il pourra réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux.

Ainsi, la loi ENL institue-t-elle une saisine préalable de la commission départementale de conciliation lorsque le locataire argue du fait que son logement ne répond pas aux conditions de décence.

En outre, le juge pourra, désormais, dès qu'il sera saisi d'une demande d'exécution de travaux, réduire le montant du loyer, alors que, jusqu'à présent, le locataire était contraint de saisir le juge une nouvelle fois lorsque le bailleur n'avait pas exécuté les travaux mis à sa charge.

3. Baux d'habitation : modification des règles relatives aux charges récupérables (article 23 de la loi du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L4399AHE ; loi ENL, art. 88)

L'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 énumère les charges locatives récupérables à l'encontre du locataire.

La loi ENL précise que sont, notamment, récupérables au titre des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée, les dépenses engagées par le bailleur dans le cadre d'un contrat d'entretien relatif aux ascenseurs et répondant aux conditions de l'article L. 125-2-2 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7566DKG).

Ces dépenses devront concerner les opérations et les vérifications périodiques minimales et la répartition et le remplacement de petites pièces présentant des signes d'usure excessive ainsi que les interventions pour dégager les personnes bloquées en cabine et le dépannage et la remise en fonctionnement normal de l'appareil.

Pour l'application de cette disposition, le coût des services assurés dans le cadre d'un contrat d'entreprise correspond à la dépense, toutes taxes comprises, acquittée par le bailleur.

La loi ENL supprime, en revanche, de la liste des charges récupérables celles qui sont dues en contrepartie de la contribution annuelle représentative du droit de bail.

Il est, en outre, instauré la possibilité de déroger à la liste des charges récupérables par des accords collectifs locaux portant sur l'amélioration de la sécurité ou la prise en compte du développement durable.

4. Loi du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L4772AGT) : résiliation de plein droit du contrat de location en cas de décès du locataire (loi ENL, art. 85)

Désormais, et nonobstant les dispositions de l'article 1742 du Code civil (N° Lexbase : L1864ABN), le contrat de location soumis au régime de la loi du 1er septembre 1948 est résilié de plein droit par le décès du locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.

Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.

Toutefois le bénéfice du maintien dans les lieux appartient au conjoint, et lorsqu'ils vivaient avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2° de l'article 27 de la loi, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs, ainsi qu'au partenaire lié à lui par un PACS.

5. Copropriété : frais de recouvrement des créances du syndic et frais de mutation (article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L5204A37 ; loi ENL, art. 90)

Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 (N° Lexbase : L4803AHD), sont imputables au seul copropriétaire concerné :

- les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment, les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes d'huissier de justice, et le droit de recouvrement et d'encaissement à la charge du débiteur ;
- les honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot.

Ainsi, les frais de recouvrement concernés par la dérogation au principe de participation par tous les copropriétaires aux charges générales sont désormais précisés afin de mettre fin à tout problème d'interprétation.

6. Copropriété : modification de la liste des travaux requérant la majorité de l'article 25 (article 25 de la loi du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4825AH8 ; loi ENL, art. 91)

Désormais, sont inclus dans la liste des décisions devant être adoptées à la majorité des voix de tous les copropriétaires, les travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens.

Lorsque l'assemblée générale a décidé d'installer un dispositif de fermeture, elle détermine aussi, à la même majorité, les périodes de fermeture totale de l'immeuble compatibles avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété. En dehors de ces périodes, la fermeture totale est décidée à la majorité des voix de tous les copropriétaires si le dispositif permet une ouverture à distance et à l'unanimité en l'absence d'un tel dispositif.

Auparavant, les travaux en vue d'améliorer la sécurité des biens et des personnes au moyen de dispositif de fermeture permettant d'organiser l'accès de l'immeuble devaient être adoptés à la double majorité de l'article 26 (N° Lexbase : L4826AH9).

Les articles 26-1 et 26-2 de la loi sont, en conséquence, abrogés.

7. Copropriété : prorogation du délai pour adapter le règlement de copropriété aux dispositions législatives adoptées depuis son établissement (loi ENL, art. 75)

La décision de voter les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives depuis son établissement peut être prise jusqu'au 13 décembre 2008.

8. La vente d'immeuble à rénover (loi ENL, art. 80)

La loi ENL institue un contrat de vente d'immeuble à rénover, vente qui n'était jusqu'à présent encadrée par aucun régime juridique précis.

Le contrat de vente d'immeuble à rénover est soumis aux dispositions relatives à la vente d'immeubles existants (C. civ., art. 1582 et suivants N° Lexbase : L1668ABE) ainsi qu'aux dispositions spécifiques instaurées par les articles L. 262-2 à L. 262-11 nouveaux du Code de la construction et de l'habitation.

Désormais, toute personne qui vend un immeuble bâti ou une partie d'immeuble bâti, à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, ou destiné après travaux à l'un de ces usages, qui s'engage, dans un délai déterminé par le contrat de vente, à réaliser, directement ou indirectement, des travaux sur cet immeuble ou partie d'immeuble et qui perçoit des sommes d'argent de l'acquéreur avant la livraison des travaux, doit conclure avec l'acquéreur un contrat soumis aux dispositions des articles L. 262-1 et suivants du Code de la construction et de l'habitation.

Dans une telle hypothèse, le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes.

Toutefois, le vendeur d'immeuble à rénover demeure maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux.

Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à masure de leur exécution. En contrepartie, l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux.

Toutefois, ces règles ne s'appliquent pas aux travaux d'agrandissement ou de restructuration complète de l'immeuble, assimilables à une reconstruction.

Tout contrat portant sur la vente d'un immeuble à rénover doit être conclu, à peine de nullité, par acte authentique.

Ce contrat précise, notamment, à peine de nullité qui ne peut être invoquée que par l'acquéreur et avant la livraison :

- la description, les caractéristiques de l'immeuble ou de la partie d'immeuble vendu,
- la description des travaux à réaliser distinguant, le cas échéant, les travaux concernant les parties communes et privatives,
- le prix de l'immeuble, le délai de réalisation des travaux,
- la justification de la garantie financière d'achèvement des travaux fournie par le vendeur,
- la justification des assurances de responsabilité et de dommages souscrites par le vendeur concernant les travaux, lorsque ceux-ci relèvent des articles L. 111-15 et L. 111-16 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6464G9B), en application des articles L. 241-2 (N° Lexbase : L6292G9Q) et L. 242-1 (N° Lexbase : L6693G9R) du Code des assurances.

Le vendeur peut céder ses droits qu'il tient d'une vente d'immeuble à rénover. Cette cession substitue de plein droit le cessionnaire dans les obligations de l'acquéreur envers le vendeur. Si la vente a été assortie d'un mandat, celui-ci se poursuit entre le vendeur et le cessionnaire.

9. Vente d'immeuble : du devoir d'information du vendeur (loi ENL, art. 79)

Les vendeurs de biens immobiliers sont tenus d'apporter à l'acquéreur une information claire et encadrée sur les caractéristiques de l'immeuble, information dont le domaine ne cesse de s'étendre.

Le dispositif législatif en vigueur est complété par la loi ENL.

- Prévention des risques naturels : il est désormais prévu que, dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique ou cyclonique, des règles particulières de construction parasismiques ou paracycloniques peuvent être imposées aux équipements, aux bâtiments et aux installations dans les cas et selon la procédure prévus à l'article L. 563-1 du Code de l'environnement (CCH, art. L. 112-18 et L. 112-19 nouveaux).

Un décret en Conseil d'Etat définira les conditions dans lesquelles, à l'issue de l'achèvement des travaux de bâtiments soumis à autorisation de construire, le maître d'ouvrage doit fournir à l'autorité qui a délivré ce permis un document établi par un contrôleur technique.

Ce document attestera que le maître d'ouvrage a tenu compte de ses avis sur le respect des règles parasismiques et paracycloniques.

Ce décret définira également les bâtiments, parties de bâtiments et catégories de travaux soumis à cette obligation.

- Sécurité des installations intérieures d'électricité (CCH, art. L. 134-7 nouveau) : en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation, un état de l'installation intérieure d'électricité, lorsque cette installation a été réalisée depuis plus de quinze ans, est produit en vue d'évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 (N° Lexbase : L6504G9R) à L. 271-6 du Code de la construction et de l'habitation.

L'état de l'installation devra être intégré dans le dossier de diagnostic technique que doit fournir le vendeur (CCH, art. L. 271-4).

- Le diagnostic "gaz" : L'article L. 134-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6462G99) prévoit, en cas de vente d'un immeuble à usage d'habitation comportant une installation intérieure de gaz naturel réalisée depuis plus de quinze ans, l'établissement d'un état de cette installation en vue d'évaluer les risques pouvant compromettre la sécurité des personnes dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 du Code de la construction et de l'habitation.

La loi ENL étend cette obligation à toutes les installations intérieures de gaz.

10. Bail commercial : la création d'un nouveau droit de reprise partielle du bail, portant sur les locaux d'habitation loués accessoirement aux locaux commerciaux (loi ENL, art. 45)

Afin de lutter contre la vacance des logements, le nouvel article L. 145-23-1 du Code de commerce dispose que le bailleur peut désormais, à l'expiration d'une période triennale, dans les formes prévues à l'article L. 145-9 (N° Lexbase : L5737AIC) et au moins six mois à l'avance, reprendre les locaux d'habitation loués accessoirement aux locaux commerciaux s'ils ne sont pas affectés à cet usage d'habitation, moyennant une diminution du loyer pour tenir compte des surfaces retranchées (la reprise ne peut en elle-même constituer une modification notable des éléments de la valeur locative).

La reprise ne peut être effectuée que si après un délai de six mois suivant le congé délivré à cet effet, les locaux ne sont toujours pas utilisés à usage d'habitation : le preneur, averti, pourra donc " régulariser " la situation, ce qui met fin au droit de reprise.

Des limites sont apportées à ce nouveau droit de reprise : ainsi ne pourra-t-il être exercé sur les locaux affectés à usage d'hôtel ou de location en meublé, ni sur les locaux à usage hospitalier ou d'enseignement.

De même la reprise ne pourra être exercée lorsque le locataire établit que la privation de jouissance des locaux apporte un trouble grave à l'exploitation du fonds ou lorsque les locaux commerciaux et d'habitation forment un tout indivisible (sur le droit de reprise, lire Julien Prigent, Le nouveau droit de reprise des logements vacants, Lexbase Hebdo n° 225 du 27 juillet 2006 - édition affaires N° Lexbase : N1367AL9).

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés

Marine Parmentier,
Pierre-Yves Soulié,
Avocats du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés

Contact :
Association Peisse Dupichot Zirah & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

http://www.peisse-dupichot-zirah.com/
peisse-dupichot-zirah@wanadoo.fr

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