Voilà bien un sujet qui fait débat depuis quelques années déjà et que les pouvoirs publics peinent à gérer tant, pour paraphraser Albert Einstein, "
la perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser [...]" la délivrance et la communication des conclusions prononcées par les commissaires du Gouvernement des juridictions administratives. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme perçoit, dans le rôle de ce magistrat particulier, une certaine influence sur l'issue du délibéré, en s'exprimant publiquement sur le rejet ou l'acceptation des moyens présentés par l'une des parties. Mais à l'inverse, le Conseil d'Etat et le législateur considèrent que le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré, mais n'y prend pas part ; et justifient ainsi leur refus d'imposer au magistrat de communiquer le détail de ses conclusions aux parties, avant l'audience. Pourtant plusieurs parlementaires, dont les sénateurs Masson et Charasse s'étaient, il y a peu, inquiétés de ce qui pouvait sembler caractériser un déni du contradictoire sanctionnable, notamment, au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen. Le 8 décembre dernier, le garde des Sceaux rétorquait que les parties pouvaient demander communication du sens général des conclusions du commissaire du Gouvernement, précisant toutefois que ce sens ne pouvait être communiqué que dans les jours -en pratique la veille ou le vendredi pour une audience tenue le lundi- voire les heures qui précèdent l'audience. Par ailleurs, l'usage voulait que l'avocat, après s'être ainsi entretenu avec un commissaire du Gouvernement, s'interdise de produire un nouveau mémoire faisant valoir un moyen ou une argumentation supplémentaire. Il peut toutefois présenter des observations orales à l'audience ou préparer une note en délibéré. Traduction : si les modalités de délivrance et de communication des conclusions prononcées par les commissaires du Gouvernement des juridictions administratives sont désormais, et ce depuis un décret du 10 novembre dernier, bien encadrées, notamment, en ce qui concerne la délivrance de ces conclusions, une fois la décision rendue, on entrevoit difficilement si le but d'une telle communication est véritablement de "
savoir pour prévoir, afin de pouvoir", comme l'eut dit si justement Auguste Comte ; car personne n'est dupe, si le commissaire du Gouvernement ne représente pas plus une partie à l'instance que le Gouvernement lui-même, son analyse du dossier et sa connaissance des différents points de droit abordés lors du contentieux en font un expert auquel les magistrats chargés de statuer ne peuvent que prêter une oreille attentive. Mais en dépit de cet
imbroglio téléologique, force est de constater que la diffusion à titre onéreux ou gratuit des conclusions, après verdict, présente une avancée certaine quant à la compréhension et donc l'appréhension de certains régimes ou pratiques juridiques. Si un service
Légifrance de diffusion de l'ensemble des conclusions des commissaires du Gouvernement ne semble pas être au goût du jour, il appartient à chaque avocat de constituer sa propre bibliothèque des conclusions rendues, notamment, dans les affaires qu'il a plaidées, aux fins d'étude et de remploi de la logique juridique de ce magistrat-expert. Car après tout, pour le commissaire du Gouvernement aussi, "
savoir n'est pas savoir, si personne d'autre ne sait ce que l'on sait" (Caius Lucilus). Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de revenir sur ce sujet d'une importance capitale en droit public, comme en droit fiscal, au travers l'analyse de
Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice.
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