La lettre juridique n°211 du 20 avril 2006 : Marchés publics

[Jurisprudence] L'éclaircissement de la jurisprudence quant aux obligations applicables à la passation des marchés passés selon l'article 30

Réf. : CAA Versailles, 3ème ch., n° 03VE4081, Association PACTE (N° Lexbase : A0802DMN)

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par Chrystel Farnoux, conseiller juridique à la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Essonne

le 07 Octobre 2010

En préambule, il convient de souligner que la procédure prévue par l'article 30 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L9888HEX) est au coeur, depuis quelques temps déjà, des débats et évolutions réglementaires ayant touché le droit des marchés publics. Rappelons brièvement les dernières évolutions l'ayant concerné, à savoir le décret du 24 août 2005 (décret n° 2005-1008 du 24 août 2005, modifiant le Code des marchés publics N° Lexbase : L8142HB8) qui, s'appuyant sur l'arrêt du Conseil d'Etat rendu le 23 février 2005 (CE 2° et 7° s-s., 23 février 2005, n° 264712, Association pour la transparence et la moralité des marchés publics (ATMMP) et a. N° Lexbase : A7529DGX), maintient la distinction entre les deux catégories de services, mais prescrit l'obligation de publicité (ou le cas échéant, de mise en concurrence) pour tous les marchés dont les caractéristiques n'empêchent pas la mise en oeuvre de toute mesure de publicité ou ne rendent pas celles-ci inutiles. Le principe posé par les dispositions réglementaires était donc, d'ores et déjà, celui de la publicité de l'acte d'achat. La réforme en cours vient confirmer ce principe en étendant le champ d'application de la procédure adaptée prévue par l'article 28 du code (N° Lexbase : L9887HEW), aux services de l'article 30 (voir l'avant-projet n° 2 du Code des marchés publics 2006). En effet, cette procédure pourrait être mise en oeuvre pour la passation des marchés de services (autres que ceux relevant de l'article 29 N° Lexbase : L1074DYG), quel que soit le montant des marchés concernés. Cette disposition confirme donc l'obligation de publicité dans la mesure où celle-ci est partie intégrante de la procédure adaptée, comme le rappellent tant les dispositions réglementaires et jurisprudentielles en vigueur, que les positions doctrinales rendues en la matière. Concernant notre cas d'espèce et préalablement à l'analyse des dispositions jurisprudentielles issues de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 6 décembre 2005 (CAA Versailles, 3ème ch., n° 03VE4081, Association PACTE N° Lexbase : A0802DMN), il convient de souligner que, nonobstant le fait que celui-ci se rapporte à des faits s'étant déroulés en 2002, et donc soumis au Code des marchés publics issu du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, portant Code des marchés publics (N° Lexbase : L7289ARE), lesdites dispositions n'en restent pas moins d'actualité, dans la mesure où le projet de réforme du code en cours d'adoption reprend, pour partie, la rédaction de l'époque. En effet, le projet prévoit, de nouveau, quatre catégories de services (services juridiques, services sociaux et sanitaires, services récréatifs et culturels, services d'éducation et de qualification et d'insertion professionnelles) pour lesquels existe un certain nombre de dérogations quant aux modalités de passation du marché et, notamment, concernant l'obligation de publicité (en amont), obligation attachée, par principe, au lancement de toute consultation. Pour lesdits services, seules sont obligatoires, les deux formalités suivantes :

- définition des prestations par référence à des normes (article 6 du projet de réforme) ;
- publication d'un avis d'attribution au-delà des seuils de l'article 28 dudit code : 135 000 euros HT pour l'Etat et 210 000 euros HT pour les collectivités territoriales (article 85 du projet de réforme).

L'arrêt ici étudié concerne l'attribution de marchés passés selon la procédure de l'article 30. Cet arrêt se rapporte à un marché passé par l'ANPE et relatif à la réalisation de prestations destinées aux demandeurs d'emploi et, plus particulièrement, à des prestations intitulées "accompagnement dans l'emploi", "diplôme à l'emploi", "bilan de compétences approfondi", "objectif emploi individuel", "objectif emploi de groupe" et "objectif projet individuel".

A l'issue de la procédure de passation, l'un des soumissionnaires (non retenu, bien entendu), considérant que le marché n'avait pas été passé dans des conditions régulières, avait déféré l'affaire devant les tribunaux, arguant du fait que les marchés passés selon la procédure de l'article 30 (et, plus particulièrement, ceux ayant pour objet la réalisation des prestations précitées au paragraphe 1er de la présente étude) n'étaient pas dispensés d'une certaine publicité et transparence lors de leur passation et, notamment, quant à l'information des soumissionnaires relative aux critères de jugement des candidatures et des offres qui seront mis en oeuvre par l'entité passant le marché aux fins d'attribution.

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Versailles est très enrichissant et en dit long sur les incertitudes créées par les dispositions réglementaires prévues par le code et sur les risques juridiques en découlant. En effet, alors même que, comme le rappelle la cour, seules les obligations de définition des prestations par référence à des normes et de publication d'un avis d'attribution (au-delà d'un certain seuil) doivent être respectées pour les services d'éducation et de qualification et d'insertion professionnelles, il n'en demeure pas moins que d'autres obligations découlant de l'article 1er du code soient prescrites (C. marchés publ., art. 1, version du 9 septembre 2001 N° Lexbase : L1226ANQ).

Rappelons, tout d'abord, les dispositions dudit article sur lesquelles s'appuie la juridiction administrative. Celui-ci disposait (et dispose encore) que "les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. L'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurés par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse".

De ces dispositions, qui sont d'ailleurs reprises tant par le code actuel que par la réforme en cours d'adoption, la cour administrative d'appel en déduit des obligations importantes pour la personne responsable du marché, à savoir :

- l'obligation "d'ouverture du marché à la concurrence" ;
- l'impartialité de la procédure qui doit pouvoir être contrôlée.

  • L'obligation "d'ouverture du marché à la concurrence"

Alors même que ce point n'était pas spécifiquement abordé par le requérant, il convient de remarquer que la cour rappelle que les dispositions de l'article 1er précitées, ont pour objet de garantir l'ouverture du marché à la concurrence. Cette dernière précise, en effet, que tout soumissionnaire "potentiel" doit pouvoir participer à la procédure par le biais d'un degré de publicité adéquat. Ainsi, cela signifie, très clairement, que la passation de ces marchés est soumise en amont, à une obligation de publicité devant, bien entendu, être suffisante, puisque devant permettre d'atteindre les "soumissionnaires potentiels", selon les termes mêmes employés par la cour.

Il convient, donc, de remarquer que même si les textes (notamment, les derniers en date, à savoir la réforme du code en cours d'adoption) excluent l'obligation de publicité pour les quatre catégories de marchés précitées, au nombre desquels figurent les marchés à conclure dans le domaine des services d'éducation et de qualification et d'insertion professionnelles, il n'en reste pas moins que cette obligation doit quand même être mise en oeuvre. Ainsi, il conviendra (à chaque fois que cela sera possible), à l'instar de ce qui est prévu par la réforme concernant les autres services de l'article 30, de mettre en place une procédure adaptée pour la passation desdits services, procédure dont les modalités de publicité et d'attribution seront librement choisies par le représentant du pouvoir adjudicateur (la notion de personne responsable du marché devant normalement disparaître dans le code 2006), en fonction des circonstances de l'espèce, de l'objet du marché, de l'état de la concurrence, etc.

  • L'impartialité de la procédure d'attribution

La cour, dans l'arrêt ici analysé, précise, qu'outre le fait de garantir l'ouverture du marché à la concurrence, la soumission de l'ensemble des procédures (et, notamment, celle prévue par l'article 30) à l'article 1er du code, implique que la procédure soit passée selon des règles permettant l'impartialité de l'attribution, impartialité devant pouvoir être contrôlée notamment par les soumissionnaires non retenus. Cette obligation d'impartialité a plusieurs conséquences et engendre elle-même un certain nombre d'obligations non limitatives. Il s'agit, donc, pour l'entité passant le marché de tout mettre en oeuvre afin que l'acte d'achat ne puisse être taxé d'opacité. Il conviendra, notamment :

1. d'informer les soumissionnaires, en amont de la procédure (et non après l'attribution, comme dans notre cas d'espèce) :

- des critères de jugement de leur offre et donc des critères au regard desquels le marché sera attribué ;
- des modalités de mise en oeuvre desdits critères ;

2. de donner toute information, sur leur demande, concernant les offres reçues (dans le respect, bien entendu, des dispositions légales en vigueur et, notamment, celles relatives à la communication des documents administratifs) ;

3. de justifier de la supériorité de l'offre retenue par rapport aux autres offres...

La cour précise, en outre, que le contrôle devra être possible, ceci impliquant obligatoirement, pour des problématiques de preuve, que l'ensemble des informations transmises mais aussi l'analyse des offres fassent l'objet d'un écrit.

Ainsi, au regard de la jurisprudence susanalysée, il convient de remarquer que l'ensemble des procédures est assis sur un pilier commun, à savoir les principes fondamentaux prévus par l'article 1er du Code des marchés publics. Ceci a pour conséquence d'obliger l'entité passant le marché à mettre en oeuvre des mesures de publicité, que ces dernières soient prescrites par le code (cas des achats de fournitures, travaux ou services de l'article 29, au-delà du seuil européen) ou qu'elles soient choisies par le pouvoir adjudicateur en fonction, notamment, des circonstances de chaque espèce, de la nature et de l'objet de la consultation, de l'état concurrentiel du marché (cas des achats de fournitures, travaux et services en deçà des seuils européens et des achats de services de l'article 30 au-delà desdits seuils).

Il est donc préconisé aux acheteurs d'adapter les modalités de mise en oeuvre de leurs procédures de passation aux caractéristiques du marché et non aux dispositions réglementaires en vigueur qui ne doivent pas être suivies à la lettre. Il conviendra, donc, d'adopter une attitude pragmatique lors de la conduite des procédures en ayant toujours à l'esprit les mots d'ordre suivants : liberté, transparence et égalité. Ceci conduit donc à se poser la question de la possibilité (au regard des inconvénients opérationnels potentiels et de l'effet utile de la procédure) de mettre en oeuvre une procédure formalisée (notamment appel d'offres) quel que soit le service concerné. Dans le même esprit, il est conseillé de mettre en oeuvre une procédure adaptée pour les services juridiques, les services sociaux et sanitaires, les services récréatifs et culturels ainsi que les services d'éducation et de qualification et d'insertion professionnelles et ce, à chaque fois qu'aucun obstacle sérieux ne pourra s'y opposer. Enfin, quel que soit le type de procédure engagée, il conviendra d'attribuer le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse, sur la base de critères connus de tous les soumissionnaires, y compris quant à leurs modalités de mise en oeuvre.

Enfin, rappelons que les marchés passés conformément à l'article 30 doivent respecter les règles prévues par le Code des marchés publics en matière d'exécution. Ainsi, une fois attribué, le marché sera exécuté selon des modalités dites classiques, notamment, en ce qui concerne le versement d'avances et/ou d'acomptes, le délai maximum de paiement et, plus généralement, selon l'ensemble des dispositions rendues applicables par les articles 86 à 118 (N° Lexbase : L1125DYC) ainsi que les titres V et VI du Code des marchés publics.

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