La lettre juridique n°194 du 15 décembre 2005 : Avocats

[Evénement] La responsabilité de l'avocat

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N1841AKE

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par Compte-rendu réalisé par Florence Labasque, SGR - Droit commercial

le 07 Octobre 2010

Les 1er, 2 et 3 décembre dernier se sont tenus, au Palais des Congrès de Paris, le 6ème Salon Européen du Droit, de l'Audit et du Conseil et le 30ème Salon de l'Avocat et du Droit. A cette occasion, une conférence sur la responsabilité de l'avocat a été organisée par la Confédération Nationale des Avocats (CNA) et animée par Vincent Perraut, du Cabinet HOCQUARD & Associés, avocat au Barreau de Paris. Ont, tout d'abord, été abordées les questions de responsabilité et d'assurance de l'avocat (I). Ont, ensuite, été invoquées les actions en responsabilité ne donnant pas matière à garantie (II). Dans un troisième temps, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'avocat ont été précisées (III). Enfin, quelques moyens préventifs ont été proposés (IV). I - Problèmes de responsabilité civile et d'assurances

Il existe deux catégories de risques auxquels un avocat est exposé : la responsabilité civile professionnelle, d'une part, et la responsabilité dans le cadre des maniements de fonds, d'autre part.

A - Responsabilité civile professionnelle

La responsabilité civile de l'avocat est susceptible d'être engagée pour des fautes commises, soit dans l'exercice de son mandat, auquel cas il s'agira d'une responsabilité contractuelle, soit en dehors de l'exécution de son mandat, auquel cas il s'agira d'une responsabilité délictuelle mise en oeuvre sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ).

Trois éléments sont pris en compte par la jurisprudence pour la mise en oeuvre de la responsabilité civile de l'avocat : la démonstration d'une faute, et l'existence d'un préjudice consécutif à cette faute -le terme consécutif démontrant la nécessité d'un lien de causalité-.

S'agissant de l'évaluation du préjudice, les tribunaux tiendront compte de la perte de chance (l'exemple-type étant l'oubli de l'exercice d'un appel voulu par son client). Il convient de souligner que la notion de perte de chance n'équivaut pas à l'avantage perdu puisque la chance est par nature aléatoire.

B - Assurance de responsabilité dans le cadre de maniement de fonds

Afin de prévenir les détournements de fonds et, notamment, le blanchiment d'argent, un contrôle de l'origine et de la destination des fonds détenus par l'Avocat pour le compte de ses clients est opéré par la CARPA, Caisse créée par l'Ordre des avocats et fonctionnant sous leur responsabilité. Ainsi, les avocats doivent déposer à la CARPA les fonds qu'ils reçoivent de leurs clients. Les avocats restent les donneurs d'ordre des instructions relatives à leurs affaires. La CARPA ouvre un compte pour chaque avocat (ou structure d'exercice). Les sous-comptes de chacun des avocats (ou structures) sont individualisés affaire par affaire, dont la comptabilité est tenue directement par la CARPA. La Carpa a l'obligation d'ouvrir un compte unique dans un établissement de crédit. Au sein de ce compte unique se trouvent centralisés tous les maniements de fonds effectués par les avocats. Dès lors, le solde constant de ce compte est suffisamment important pour permettre à la CARPA de bénéficier de produits financiers. Une commission nationale est chargée du contrôle des CARPA.

L'avocat garde toutefois, par l'intermédiaire de l'Ordre dont il dépend, l'obligation de souscrire une assurance particulière pour le compte de qui il appartiendra, qui couvre les détournements de fonds faits par lui.
Le sinistre est constitué, ici, par la défaillance de l'avocat à restituer les fonds qu'il détenait à l'expiration du délai d'un mois après mise en demeure.
Cette assurance permet à la victime de récupérer les sommes que l'avocat n'est plus en mesure de représenter. L'assureur dispose, ensuite, de la possibilité d'exercer un recours contre l'avocat.
Il s'agit donc d'une police sui generis qui se rapproche plus du cautionnement.

II - Action en responsabilité ne donnant pas matière à garantie

Certaines actions en responsabilité ne donnent pas matière à garantie dans la mesure où elles concernent la responsabilité pénale de l'avocat. En ce domaine, l'on peut d'ailleurs constater une évolution vers un durcissement de la mise en cause de la responsabilité de l'avocat dans la mesure où la voire pénale est désormais plus couramment envisagée par les victimes.

A - Responsabilité de l'avocat dans le cadre du contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle

Selon un principe général du droit, les condamnations pénales pécuniaires sont inassurables. Ce principe se justifie par l'impératif d'empêcher un affaiblissement de la responsabilité pénale.
Dès lors qu'existe un élément intentionnel, il n'existe pas d'aléa et donc le contrat d'assurance ne joue pas -cette règle a été clairement exposée dans une réponse ministérielle de 1959-.
L'assurance de responsabilité civile professionnelle est régie, rappelons le, par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, essentiellement par ses articles 205 (N° Lexbase : L0178A9H) et 206 (N° Lexbase : L0176A9E).
Ainsi, il est certain qu'il n'y a pas de prise en charge par l'assureur des conséquences civiles de la faute intentionnelle. On peut alors penser que, s'il s'agit d'un délit non intentionnel, les conséquences civiles de ce délit pourraient être couvertes par l'assurance.
Soulignons, aussi, que les frais de défense pénale peuvent être couverts par l'assureur (tel est le cas s'agissant de la responsabilité civile des mandataires sociaux) : dans cette hypothèse, l'assureur couvre les frais de défense puis, parfois, en demande le remboursement si la responsabilité pénale est confirmée.

B - Assurance pour le compte de qui il appartiendra

Dans le cadre de cette assurance destinée à couvrir les détournements de fonds, l'assureur couvre le tiers, puis dispose d'un recours contre l'avocat. Il s'agit là d'un recours pouvant être exercé au pénal.

III - Faute - causalité - préjudice

A - Faute

La faute est rarement un élément que l'on peut facilement discuter pour écarter la responsabilité. Ici, c'est au débiteur de l'obligation, c'est-à-dire l'avocat, de prouver qu'il n'a pas commis de faute. S'il s'agit d'une obligation portant sur des diligences, il sera alors facile de prouver que l'obligation a bien été remplie. En revanche, en matière de devoir de conseil, un avocat peut parfaitement avoir donné les informations nécessaires verbalement, mais se trouver dans l'impossibilité absolue de le démontrer, auquel cas le tribunal retiendra sa faute.
L'on est donc amené à se demander pourquoi cette jurisprudence a été instituée, puisqu'elle inverse la règle traditionnelle. La réponse se trouverait dans la prise en compte de l'extension de l'assurance de responsabilité civile professionnelle obligatoire avec l'idée que l'indemnisation de la victime, mutualisée par le jeu de l'assurance, doit être privilégiée.
Cette assurance ne constitue, toutefois, pas un domaine lucratif pour les Compagnies. Cette réalité économique est à la base de la modification de l'assurance puisque, désormais, la garantie n'est susceptible d'être mobilisée que si la première réclamation -et non plus le sinistre- intervient pendant la période de validité de la police. Confronté à de multiples réclamations de même nature et susceptibles de se poursuivre sur une longue période, l'assureur pourrait ainsi, désormais, être tenté de résilier sa police pour échapper à la mobilisation de sa garantie.

B - Causalité

Un autre élément inquiétant de la jurisprudence pour les avocats tient au durcissement de l'appréciation de la causalité entre la faute commise et le préjudice subi. Traditionnellement, la responsabilité de l'avocat était dite subsidiaire, en ce sens qu'il était exigé une causalité directe entre la faute et le préjudice. Or, il existait des hypothèses où l'erreur commise par un avocat pouvait encore être palliée par des voies juridiques détournées. Dans ce cas de figure et faute d'avoir mis en oeuvre ces recours subsidiaires, la victime ne pouvait démontrer qu'existait un lien causal direct entre la faute reprochée et son préjudice. Cependant, cette jurisprudence est balayée depuis 2002, la Cour de cassation estimant que la victime ne peut se voir imposer l'exercice d'une autre voie de droit que celle qui était à l'origine confiée à l'avocat.
Or, cela paraît choquant sur le terrain de la logique. En effet, l'exercice de voies juridiques subsidiaires constitue certes un préjudice direct susceptible d'indemnisation (frais, perte de temps) mais, pour autant, ce préjudice ne s'assimile pas avec la perte de l'avantage initialement escompté. Celui-ci pourrait, en effet, par hypothèse, encore être atteint.
L'on passe donc d'un durcissement de la jurisprudence sur le régime de la faute à un durcissement de la jurisprudence sur le régime de la causalité.

C - Préjudice

Enfin, un autre élément préoccupant pour les professionnels du droit réside dans la façon dont le préjudice est, désormais, plus extensivement évalué par les tribunaux.
Certes, en cas de perte de chance, la victime ne devrait pas pouvoir prétendre, comme déjà évoqué, être indemnisée à hauteur du gain maximal du procès.
Toutefois, on constate une tendance des juridictions à intégrer dans le préjudice indemnisable les honoraires versés à l'avocat fautif. Les avocats, dans un premier temps, avaient alors fait valoir qu'il s'agissait d'une contestation d'honoraires soumise à un régime propre et soulevaient, par conséquent, l'incompétence de la juridiction de droit commun. Cependant, cette jurisprudence s'estompe de façon inquiétante puisque, si le tribunal indemnise la victime également au titre des honoraires versés, l'assureur adopte, alors, une position de non-garantie de sorte que c'est l'avocat qui, à titre personnel, est tenu au paiement.
Pourtant, la victime devrait seulement être indemnisée de la perte du procès. Indemniser la perte du gain et les honoraires versés, alors que ce gain ne pouvait en toute hypothèse être atteint qu'en recourrant à un avocat qu'il aurait fallu rémunérer, revient à procéder à une double indemnisation, qui va à l'encontre du principe du droit français selon lequel seul le préjudice subi doit être réparé. Toutefois, ce problème n'a, à ce jour, pas encore dépassé le stade des cours d'appel.

IV - Moyens préventifs

Il faut reconnaître à la déontologie un effet préventif. Ainsi, cette prévention peut se traduire par une plus grande obligation de compétence (par exemple, assister aux formations continues). Cette obligation peut d'ailleurs, si elle est négligée par l'avocat, donner lieu à des sanctions disciplinaires infligées par son Ordre.
La prévention peut aussi prendre la forme d'une attention plus grande prêtée, au moyen de conseils donnés par l'Ordre, aux diligences incombant à l'avocat et à la célérité avec laquelle il doit les accomplir.


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