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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)
le 07 Octobre 2010
3.1. La limitation du périmètre personnel et ses conséquences possibles
Nous l'avons vu, la Directive se limite aux personnes physiques que les banques doivent identifier comme bénéficiaires effectifs. Par suite, les personnes morales, en particulier les structures off-shore ou les trusts, sont exclues de son champ d'application.
Pour les investisseurs ayant placé leurs avoirs dans des trusts anglo-saxons où l'identité des bénéficiaires effectifs est quasi-confidentielle, il est, donc, possible d'échapper à l'échange automatique d'informations.
3.2. La limitation du périmètre financier
La Directive CE concerne une catégorie limitée de produits financiers, puisque celle-ci ne s'applique qu'aux seuls revenus de l'épargne financière. Bien que très extensive dans sa définition de la notion d'intérêts se rapportant à des créances de toute nature, elle a, ainsi, exclu de son champ d'application les prestations d'assurance et les pensions, alors même que les revenus tirés de ces opérations pourraient s'assimiler à des intérêts.
Ce sont les produits procurés par des contrats prenant en compte un degré minimum d'aléa et reposant sur la couverture d'un risque moyennant le paiement préalable d'une prime. Il s'agit, en particulier, des contrats d'assurance individuels ou de groupe, à prime unique ou à primes périodiques, qui comportent une garantie en cas de vie, accompagnés ou non d'une garantie en cas de décès ou d'une contre-assurance. Il s'agit, également, des plans d'épargne populaire (PEP) assurance. Ces produits sont qualifiés de produits d'assurance et non de produits financiers (instruction du 12 août 2005, n° 61 à 63).
La Directive "épargne" exclut expressément de son champ d'application "les questions liées à l'imposition des pensions". D'une manière générale, il s'agit des régimes ou des produits qui, au demeurant adossés le plus souvent à des contrats d'assurance vie et, déjà, exclus, à ce titre, du champ d'application de la Directive "épargne", participent de la constitution d'une épargne en vue de la retraite et, par suite, se dénouent, en principe, sous forme de rente viagère à compter de l'âge de la retraite.
Sont, aussi, exclus du champ d'application de la Directive "épargne" les régimes légaux de retraite par répartition, qu'il s'agisse des régimes de base de sécurité sociale (assurance vieillesse) comme des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires (pour les salariés, régimes Arrco, Agirc et Ircantec principalement) (instruction du 12 août 2005, n° 65).
L'exclusion de l'obligation d'échange d'informations de ces régimes ou produits, qui, par nature, n'ont pas vocation à servir des "revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts" au sens de l'article 1er de la Directive "épargne", est générale. Elle concerne tant la phase de constitution des droits ou de capitalisation que celle du dénouement des contrats ou de service des rentes (instruction du 12 août 2005, n° 66) (18).
Au regard de cette notion d'intérêt, il faut s'attendre de la part des investisseurs individuels concernés à des transferts d'investissements de produits porteurs d'intérêts vers des produits non porteurs d'intérêts comme les actions, les produits dérivés, ou les produits d'assurance-vie. Les produits porteurs d'intérêts non couverts par la Directive UE gagneront, également, en attrait comme, notamment et principalement, les obligations soumises à une clause de grandfathering : sont exclues du champs de la Directive européenne sur la fiscalité de l'épargne les obligations émises pour la première fois avant le 1er mars 2001 et qui n'ont pas fait l'objet d'une émission complémentaire à partir du 1er mars 2002.
3.3. La limitation du périmètre géographique
La Directive "épargne" s'applique aux intérêts payés par un agent payeur établi à l'intérieur de l'Union européenne à un bénéficiaire effectif résident d'un autre Etat de cette même Union. Son entrée en vigueur était subordonnée à la conclusion d'accords entre l'Union européenne et les Etats énumérés ci-après, Etats qui appliquent des mesures équivalentes à celles prévues dans la Directive "épargne" à compter de l'entrée en application de cette dernière, c'est-à-dire le 1er juillet 2005.
Les Etats concernés sont : la Confédération helvétique, la principauté de Liechtenstein, la république de Saint-Marin, la principauté de Monaco et la principauté d'Andorre. Son entrée en vigueur était, aussi, subordonnée à la signature d'accords identiques avec les territoires dépendants et associés de Jersey, Guernesey, l'île de Man, les îles Vierges britanniques, Montserrat, les îles Caïmans, Anguilla, Aruba et les Antilles néerlandaises (19). Tous ces accords ont été signés et ils sont appliqués par la France depuis le 1er juillet 2005. En application de ces accords, il revient aux établissements payeurs français de déclarer les intérêts versés aux bénéficiaires effectifs ayant leur domicile ou leur siège social à Aruba, aux Antilles néerlandaises, à Guernesey, à Jersey, à l'île de Man, aux îles vierges britanniques et à Montserrat dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles prévues pour les "intérêts" au sens de la Directive "épargne" payés aux bénéficiaires effectifs résidents d'un autre Etat membre de l'Union européenne.
Dans la mesure où les dispositions de la Directive ne concernent que les revenus payés à des personnes physiques résidentes de l'Union européenne par des agents payeurs qui sont établis sur son territoire ou sur celui d'Etats liés avec elle par un accord prévoyant des mesures analogues à celles appliquées dans les Etats membres, il sera possible, pour une banque établie dans l'un de ces Etats tiers, de délocaliser le compte d'un client résident d'un Etat membre vers l'un de ses filiales établies dans un Etat qui n'est pas lié à l'UE par un tel accord. Dans ce cas, l'établissement payeur se trouvera, de fait, hors du champ d'application de la Directive et des accords prévoyant une retenue à la source.
Or, si ces accords prévoient, en outre, un échange de renseignements sur demande lorsque l'administration fiscale soupçonne un cas de fraude ou une infraction équivalente, la volonté de l'UE de faire adopter par les autres Etats que ceux qui sont liés à elle des mesures analogues a jusqu'à présent échoué. Il y a, donc, lieu de penser que les principales places financières asiatiques (voire américaines au sens continental du terme) resteront très attractives pour les résidents de l'UE qui cherchent à échapper à l'application de la Directive sur les revenus de l'épargne.
L'entrée en vigueur de la Directive "épargne" devrait entraîner, d'une part, des réallocations d'actifs vers des produits non porteurs d'intérêts et d'autre part des transferts de portefeuilles vers les places asiatiques et américaines, qui ont décidé de ne pas s'associer à l'initiative européenne et refusent l'échange automatique d'informations.
Ces effets devraient, toutefois, être limités par plusieurs facteurs. En effet, seuls les produits porteurs d'intérêts sont visés par la Directive, les actions étant en particulier exclues de son champ d'application. En outre, l'opportunité d'une réallocation d'actifs ou d'un trasnsfert de portefeuille devra être examinée au regard du coût induit par des ventes et rachats de valeurs (commissions notamment) ou au regard des inconvénients liés à la gestion d'un portefeuille hors du continent.
Chaque stratégie destinée à éviter la retenue d'impôt à la source a, donc, un coût : qu'il s'agisse de remplacer un portefeuille d'obligations par un portefeuille d'actions, de faire appel à des produits de bancassurance ou encore de s'attacher les services d'un agent payeur domicilié en dehors du territoire couvert par la nouvelle réglementation, aucun de ces actes n'est gratuit.
(1) Cet article a été modifié pour les besoins de la transposition de la Directive "épargne".
(2) Un gestionnaire de compte financier ou un établissement qui effectue des opérations de paiement au guichet.
(3) A noter que la succursale d'un établissement bancaire français établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers n'est pas considérée comme un agent payeur français au sens de la Directive "épargne". En revanche, la succursale française d'un établissement bancaire étranger est considérée comme agent payeur en France au sens de cette même Directive.
(4) Selon l'administration, il convient d'admettre que les personnes qui interviennent à titre purement privé, en qualité de mandataires occasionnels, ne sont pas considérées comme des agents payeurs et sont, donc, dispensées de toute obligation déclarative dans le cadre de la Directive "épargne" (instruction du 12 août 2005, n° 10).
(5) CGI, Ann. III, art. 49, I, ter, I-al. 2, de l'annexe III.
(6) Pour les agents payeurs français, les personnes physiques concernées doivent avoir leur domicile fiscal hors de France dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Ainsi, pour la France, le déclenchement de l'application de la Directive "épargne" résulte d'un paiement d'intérêts par un agent payeur établi en France à un bénéficiaire effectif hors de France (instruction du 12 août 2005, n° 30).
(7) CGI, Ann. III, art. 49, I, ter, II-1° et instruction du 12 août 2005, n° 27.
(8) CGI, Ann. III, art. 49, I, ter, II-2°.
(9) Fruits civils produits par une somme d'argent due à titre de prêt et remboursable soit à la volonté du débiteur, soit à celle du créancier.
(10) Produit d'un capital non exigible.
(11) Ce quelle que soit leur cause, quels que soient la nature juridique du contrat dont elles découlent et le mode de constatation de la convention et quelles que soient, également, les modalités qui les affectent ou les garanties qui leur sont attachées. Toutefois, les pénalisations pour paiement tardif (intérêts de retard) n'entrent pas dans le champ d'application de la Directive "épargne".
(12) Si une nouvelle émission d'obligations ou de titres de créances négociables, en principe exclus en vertu des dispositions qui précèdent, est effectuée postérieurement au 1er mars 2002, le traitement des intérêts diffère selon la qualité de l'émetteur. Si l'émetteur est un Etat ou une entité assimilée au sens de la Directive "épargne", l'ensemble des émissions, y compris celles réalisées antérieurement au 1er mars 2002, est considéré comme une créance productive d'intérêts au sens de la Directive "épargne". Les intérêts afférents à l'ensemble des émissions entrent dans le champ de la Directive "épargne" et doivent être déclarés à ce titre. En revanche, si l'émetteur est une autre personne que celle susmentionnée, seuls les intérêts afférents à la nouvelle émission sont inclus dans le champ de la Directive "épargne" et doivent entrer dans la procédure d'échange automatique d'informations.
(13) Le quota de 40 % est exprimé par le rapport suivant : investissements directs et indirects en créances et produits assimilés / actif total (valeur liquidative des investissements). Pour le numérateur, les investissements indirects sont ceux opérés par l'intermédiaire d'autres OPCVM ou d'autres entités assimilées investis en créances et produits assimilés. Ce pourcentage d'investissements indirects s'apprécie par transparence, c'est-à-dire en tenant compte de l'investissement réel du ou des OPCVM ou entités "fils" en créances et produits assimilés. Il n'est pas tenu compte des obligations et titres de créances émis avant le 1er mars 2001 et exclus du champ de la Directive "épargne".
(14) A savoir, au minimum, le nom ou la dénomination et l'adresse de l'agent payeur.
(15) A savoir, au minimum, son identité et sa résidence.
(16) En pratique, les autorités compétentes de ces Etats et de tout Etat membre échangent des renseignements sur les comportements constitutifs de fraude fiscale au regard de la législation de l'Etat requis, ou d'une infraction équivalente concernant des revenus couverts par l'accord. Par "infraction équivalente", on entend uniquement une infraction du même degré de gravité que dans le cas de la fraude fiscale au regard de la législation de l'Etat requis. En réponse à une requête dûment justifiée, l'Etat requis communique, donc, des renseignements sur les matières faisant l'objet ou susceptibles de faire l'objet d'enquêtes civiles ou pénales dans l'Etat requérant.
(17) Andorre a obtenu de l'Union européenne d'être liée par un accord monétaire qui permettra à la principauté de battre monnaie en Euro. Monaco, qui souhaite introduire le concept d'escroquerie fiscale dans sa législation en adoptant la définition très restrictive de la Suisse, voudrait accéder au marché unique des services financiers. Saint-Marin souhaite, également, accéder au marché unique des services financiers, participer aux programmes européens de recherche et d'éducation et que soit simplifiées les procédures douanières. Le Lichtenstein, quant à lui, veut pouvoir avoir la possibilité de répondre à une demande d'information sur une affaire de fraude fiscale dans un délai indéterminé.
(18) Sont, notamment, concernés les régimes professionnels de retraite fonctionnant par capitalisation, le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), le plan d'épargne retraite populaire (Perp), de même que le plan d'épargne retraite entreprise et les régimes facultatifs de retraite complémentaire Préfon, Corem et CRH.
(19) A noter que les Bermudes sont restées en dehors de ces accords.
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