Réf. : Publication des rescrits fiscaux
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N1949AKE
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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne
le 22 Octobre 2014
Il convient de souligner que cette volonté de développer les procédures de rescrit est, également, inscrite dans la Charte du contribuable (lire Karim Sid Ahmed, La Charte du contribuable de 2005 ou la traduction d'une contractualisation de la relation entre l'administration fiscale et le contribuable, Lexbase Hebdo n° 188, du 3 novembre 2005 - édition fiscale N° Lexbase : N9974AIA).
Il existe plusieurs formes de rescrit en droit français concernant tant les particuliers que les professionnels.
1. Le rescrit pour les particuliers
1.1. Les différentes formes de rescrit
Il est fréquent qu'un particulier s'interroge sur l'application d'un texte fiscal à sa situation. Dès lors, afin d'être sûr de ne pas se tromper, la procédure du rescrit lui permet de soumettre à l'administration son cas précis. Le contribuable obtiendra, ainsi, une réponse engageant l'administration pour l'avenir sur sa situation ou l'opération qu'il envisage. Aussi, à l'aide du rescrit, le contribuable peut mesurer à l'avance les conséquences fiscales de ses projets.
Il est à noter que le particulier peut accéder à des réponses déjà formulées par l'administration sur des questions de portée générale ou apportant un nouvel éclairage sur l'application d'un texte fiscal : "les décisions de rescrit". Le contribuable peut même se référer à ces décisions lorsque sa situation est identique à celle sur laquelle l'administration a, déjà, pris position.
1.2. Les décisions de rescrit
Les décisions de rescrit concernant les particuliers ont trait à :
Dernièrement, l'administration a publié quelques décisions de rescrit sur son site Internet. Prenons-en quelques exemples. Il convient, toutefois, de préciser de prime abord que l'administration n'a pas envisagé de diffusion "papier" de ces décisions de rescrit mises en ligne.
Ainsi, à la question de savoir quel est le montant déductible de la pension alimentaire forfaitaire versée à un enfant majeur naturel par ses parents concubins vivant ensemble, l'administration a précisé que les parents concubins peuvent déduire une pension alimentaire pour leur enfant majeur, à la condition que le versement de la pension ne dépasse pas la limite légale prévue par les articles 156 et 196 B du CGI . Cette limite ne s'applique pas par parent, mais par enfant. La double déduction pour les parents est, donc, interdite (décision publiée le 6 septembre 2005 - référence : RES n° 2005 /16 (FP)).
Dans une autre décision publiée le même jour, l'administration a répondu par l'affirmative à la question de savoir si la cession de la résidence principale, ainsi que celle d'un terrain y attenant peuvent être exonérées d'impôt sur les plus-values, lorsqu'elles sont réalisées au profit de deux acquéreurs distincts. En effet, l'administration a considéré que la circonstance que la vente est réalisée auprès d'acquéreurs distincts ne fait pas obstacle au bénéfice de l'exonération toutes conditions étant par ailleurs remplies. La cession des dépendances doit, notamment, intervenir simultanément avec l'habitation ou dans un délai rapproché (décision publiée le 6 septembre 2005 - référence : RES n° 2005/42 (FI)).
2. Le rescrit pour les professionnels
2.1. Les différentes formes de rescrit
L'administration peut être consultée par un contribuable sur sa situation fiscale, et ce, dans un grand nombre de cas qui concernent la vie des entreprises.
Voici les principales formes de rescrit concernant les professionnels.
La procédure de rescrit portant sur la valeur d'une entreprise faisant l'objet d'une donation est prévue et commentée par une instruction en date du 8 janvier 1998 (BOI n° 13 L-2-98 N° Lexbase : X6187AAE). Elle a été mise en place parallèlement à un certain nombre de mesures de portée générale permettant de réduire le coût fiscal des donations.
La procédure de rescrit-valeur permet à tout chef d'entreprise souhaitant donner son outil de travail de consulter l'administration sur la valeur à laquelle il estime son entreprise et, en cas d'accord du service, de passer dans les trois mois l'acte de donation sur la base acceptée par l'administration, sans que cette dernière puisse remettre en cause ultérieurement la valeur, ainsi, définie.
Les modalités techniques de ce rescrit-valeur ont été conçues en concertation étroite avec les organisations professionnelles pour offrir le maximum de sécurité juridique aux usagers. Il s'agit :
- de la désignation d'un interlocuteur unique dans chaque département destiné à faciliter le dialogue avec le chef d'entreprise et, le cas échéant, ses conseils ;
- de la diffusion d'un cahier des charges précis qui expose l'ensemble des documents que l'usager doit fournir à l'appui de sa demande ;
- de la fixation d'un délai maximal à l'administration pour rendre sa décision (le délai de réponse de l'administration est passé de 9 mois à 6 mois) ;
- en cas de divergence, de l'organisation systématique d'une phase orale permettant un échange des points de vue ;
- de l'évaluation opposable à l'administration, dès lors que la donation est passée dans les trois mois de la décision favorable, et a contrario, de l'absence d'obligation pour l'usager bénéficiaire de la décision de procéder effectivement à la donation.
Pour plus de précisions afférentes à cette procédure, il convient de se reporter à une instruction du 20 octobre 2005 (BOI n° 13 L-4-05 N° Lexbase : X4031ADN).
Enfin, soulignons que la procédure de rescrit portant sur la valeur d'une entreprise faisant l'objet d'une donation est prorogée jusqu'au 30 juin 2006.
Les prix de transfert sont les prix auxquels les biens et les services s'échangent au sein des entités d'un groupe multinational. Ceux-ci supposent des échanges transfrontaliers.
Economiquement, il n'y a pas de vente ou d'achat, mais simplement transfert d'un bien car ce dernier reste dans le groupe.
Les sociétés concernées sont les filiales ou établissements français de groupes étrangers et les groupes français avec filiales ou établissements à l'étranger.
Sachant que plus de 60 % du marché mondial est réalisé par des entreprises multinationales, la fixation des prix de transfert est, donc, un exercice essentiel surveillé avec vigilance par les Etats. C'est pourquoi, les administrations ont adopté la technique du "ruling" en matière de prix de transfert, encore appelée rescrit ou APA (advance price agreement). Afin d'être opposables erga omnes, ces ruling doivent être publiés.
Par cette technique, les différents services fiscaux vont se prononcer sur les prix fixés par les sociétés concernées et peuvent conclure à des transferts indirects de bénéfices. Dans cette hypothèse, l'administration fiscale française réintégre le revenu, ainsi, transféré à l'étranger dans le résultat de la société française.
Pour procéder à ce redressement, l'administration doit prouver que les deux entreprises sont affiliées ou que l'entreprise étrangère bénéficie d'un statut fiscal favorable et établir une présomption selon laquelle le prix de transfert n'est pas un prix de pleine concurrence.
Il convient de souligner que ce dispositif d'accord préalable sur les prix de transfert permet indéniablement de sécuriser la situation fiscale des entreprises et d'éviter par la même des redressements.
Comme le souligne le Gouvernement, "il s'agit d'une pratique qui peut étonner au premier abord, mais qui répond aux inquiétudes de beaucoup de chefs d'entreprise. Ils sont souvent hésitants devant la complexité des règles fiscales, et naturellement préoccupés des conséquences potentielles d'un contrôle fiscal".
Désormais, ils peuvent demander à l'administration fiscale d'intervenir sur place pour les aider. Toutefois, il ne s'agira pas d'un contrôle généralisé, mais d'une réponse aux questions précises que se pose le chef d'entreprise.
L'article L. 80 C du LPF (N° Lexbase : L8229DN4) relatif au mécénat, aux associations et aux fondations a institué une procédure de rescrit fiscal permettant aux organismes ou groupement recevant des dons de s'assurer, préalablement à la délivrance des reçus fiscaux, qu'ils répondent bien aux critères définis aux articles 200 (N° Lexbase : L9494G7R) et 238 bis du CGI pour que les dons qui leur sont alloués ouvrent droit à réduction d'impôt.
Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de 6 mois, l'organisme peut se prévaloir d'une réponse positive tacite.
Les articles R. 80 C-1 (N° Lexbase : L5755GUP) et R. 80 C-4 LPF (N° Lexbase : L5758GUS) du LPF fixent les conditions d'application de cette procédure. Ils définissent les modalités de saisine de l'administration fiscale et, notamment, le contenu et le lieu de dépôt des demandes formulées par les organismes.
Ils fixent les modalités selon lesquelles l'administration en accuse réception et précise le délai qui lui est imparti pour statuer.
Une instruction du 19 octobre 2004 (BOI n° 13 L-5-04 N° Lexbase : X4214AC3) précise les règles d'application de ce nouveau dispositif.
L'abus de droit est une utilisation détournée à des fins autres que celles qui avaient animé le législateur.
Ainsi, a été considéré comme abus de droit au sens de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L5565G4U) :
- une donation déguisée via une vente dans la mesure où le seul but qui avait animé le contribuable était d'éviter de payer les droits d'enregistrement ;
- une location-gérance dans la mesure où elle dissimulait en réalité une cession de fonds de commerce, la déduction des redevances n'étant, donc, pas possible ;
- la soustraction au paiement de l'impôt sur le revenu.
Le contribuable dispose là aussi de la possibilité d'obtenir un rescrit fiscal. Par cette technique, il pourra éviter un redressement, ainsi que le paiement des intérêts de retard de 0,75 % par mois de retard et d'une amende de 80 % du montant des droits éludés.
2.2. Les dernières grandes décisions de rescrit
Les décisions de rescrit concernant les entreprises ont trait à :
- la taxe sur le chiffre d'affaires (champ d'application de la TVA, taux, liquidation-déduction)
- la fiscalité des entreprises (dispositions diverses sur BIC et IS, champ d'application, assiette, entreprises nouvelles, ZFU, crédit d'impôt en faveur des entreprises industrielles et commerciales, imputation des déficits provenant d'activités industrielles et commerciales , plus-values et moins-values, frais et charges-BIC/IS, amortissements BIC/IS, impôt sur les sociétés) ;
- les impôts directs locaux (la taxe professionnelle) ;
- la fiscalité relative aux organismes sans but lucratif.
Voici quelques exemples de décisions de rescrit publiées.
S'agissant du régime de TVA applicable aux contrats de crédit-bail immobilier et aux contrats de sous-location immobilière, l'administration a répondu que les opérations de crédit bail ou de sous-location d'immeubles nus à usage commercial sont, en principe, exonérées de TVA sur le fondement de l'article 261, D-2° du CGI , mais peuvent être soumises à cette taxe, sur option, conformément aux dispositions de l'article 260-2° du CGI .
Il s'ensuit que la société donnant en sous-location un immeuble à usage professionnel, et ayant opté pour soumettre à la TVA les loyers issus de cette activité, est autorisée à opérer la déduction de la taxe grevant les loyers qu'elle acquitte elle-même auprès de son bailleur ou crédit bailleur, dès lors que ces dépenses concourent à la réalisation d'opérations soumises à la TVA et sont, partant, engagées dans l'intérêt de l'entreprise (décision publiée le 13 septembre 2005 - référence : RES n° 2005/98 (TCA))
L'administration s'est, également, prononcée en faveur de l'exonération de l'avantage en nature attribuée aux salariés d'une entreprise en raison de l'attribution gratuite d'ordinateurs de poche au titre du 11° de l'article 39 et du 31° de l'article 81 du CGI (décision publiée le 6 septembre 2005 - référence : RES n° 2005/30 (FE)).
L'administration a, aussi, répondu par l'affirmative à la question de savoir si, lorsqu'une société intermédiaire sort d'un groupe fiscal à la suite d'une confusion de patrimoine avec une autre société du groupe, la sous-filiale peut être maintenue dans le groupe fiscal à la condition, cependant, que les conditions de l'article 223 A du CGI demeurent remplies (décision publiée le 6 septembre 2005 - référence : RES n° 2005/103 (FE)).
Concernant, enfin, la question de la soumission aux impôts commerciaux de l'activité d'hébergement de jeunes en centres d'accueil, l'administration a considéré que, tant que l'association se borne à réaliser des opérations d'information sur ses prestations, soit directement au niveau local, soit indirectement au niveau national par l'intermédiaire des structures fédérales, il est admis que cette information ne constitue pas un indice de lucrativité fiscale (décision publiée le 7 septembre 2005 - référence : RES n° 005/84 (OSBL)).
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