La lettre juridique n°194 du 15 décembre 2005 : Fiscalité financière

[Textes] La Directive "épargne" : présentation critique (1ère partie)

Réf. : Directive (CE) n° 2003/48 du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts (N° Lexbase : L6608BH9)

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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)

le 07 Octobre 2010

Les revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts de créances constituent des revenus imposables pour les résidents de tous les Etats membres de la Communauté européenne (CE). Toutefois, en l'absence d'une coordination des régimes nationaux concernant la fiscalité des revenus de l'épargne, il est actuellement possible aux résidents des Etats membres d'échapper à toute forme d'imposition sur les intérêts perçus dans un Etat membre différent de celui où ils résident. Depuis le 1er juillet 2005, la lutte contre la prolifération des paradis fiscaux et des régimes fiscaux préférentiels connaît, pour les pays membres de la CE et certains de leurs voisins, une avancée significative avec l'entrée en vigueur de la Directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts (Directive "épargne"). Celle-ci a, en effet, pour objectif l'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts dans l'Etat membre où le bénéficiaire effectif a sa résidence fiscale, conformément aux dispositions législatives de ce dernier Etat membre. A cette fin, elle pose le principe de la transmission, obligatoire et systématique, par l'agent payeur de l'Etat de la source des intérêts d'un contenu minimal d'informations à l'Etat membre de résidence du bénéficiaire (cf. La Directive "épargne" : présentation critique (2ème partie) N° Lexbase : N6353AKI). Nous ne sommes, donc, pas en présence d'une harmonisation de la fiscalité européenne de l'épargne, mais bien de la mise en place d'un système d'échange de renseignements. Le seul objectif de cette directive est d'assurer que les Etats membres disposent des informations suffisantes leur permettant d'appliquer à leurs propres résidents le taux d'imposition qu'ils jugent approprié. Cette remarque est d'importance. En effet, si les Etats membres ne parviennent pas à se mettre d'accord sur des taux ou sur des modalités d'imposition, un consensus quasi général se dégage sur l'opportunité d'accentuer l'échange de renseignements pour des raisons fiscales. Ce consensus dépasse, d'ailleurs, le cadre des Etats de la CE. La question a, ainsi, été débattue au sein de l'OCDE, qui a présenté une série de recommandations non contraignantes pour l'amélioration de l'accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales.

Le 24 juin 2005, le Conseil a adopté la "Green light note" qui a déclenché, au 1er juillet 2005, l'application dans les Etats membres, dans cinq pays tiers européens (Suisse, Liechtenstein, Andorre, Monaco et Saint-Marin) et dans les territoires dépendants ou associés de certains Etats membres (pour la Grande-Bretagne : Jersey, Guernesey, l'île de Man, les îles Vierges britanniques, Montserrat, les îles Caïmans et Anguilla ; pour les Pays-Bas : Aruba et les Antilles néerlandaises) des mesures approuvées. En effet, les deux conditions requises à son entrée en vigueur ont été remplies :

  • d'une part, les accords entre la CE et les cinq pays tiers situés en Europe, qui devaient prévoir des mesures équivalentes aux mesures prévues dans la Directive, ont été signés ;
  • d'autre part, les accords avec les territoires dépendants ou associés de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas, qui devaient prévoir des mesures identiques aux mesures prévues dans la Directive, ont, également, été signés.

S'agissant de la transposition de la Directive dans le droit fiscal français, l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 2003 (loi n° 2002-1575, 30 décembre 2002 N° Lexbase : L9371A8L) a prévu de nouvelles obligations à la charge des établissements payeurs français et des sanctions corrélatives. De nouvelles obligations d'information sont, également, mises à la charge des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Enfin, un mécanisme pour permettre l'imputation sur l'impôt sur le revenu de la retenue à la source perçue sur les intérêts en provenance d'Autriche, de Belgique et du Luxembourg a été mis en place.

Ces mesures, codifiées aux articles 242 ter , 1768 bis et 199 ter du CGI, qui devaient initialement s'appliquer aux intérêts payés à compter du 1er janvier 2005, sont, conformément à la modification apportée par l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485, 30 décembre 2004, de finances rectificative pour 2004 N° Lexbase : L5204GUB), entrées en vigueur le 1er juillet 2005. Le décret n° 2005-132 du 15 février 2005 (décret n° 2005-132, 15 février 2005, transposant l'article 6 de la Directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts N° Lexbase : L9667G78) a précisé le contenu des obligations des établissements payeurs et des OPCVM, notamment en matière d'identification des bénéficiaires effectifs et des revenus qualifiés d'intérêts. L'administration, dans une instruction du 12 août 2005 (BOI n° 5 I-3-05 N° Lexbase : X3417ADW), a présenté en détail les modalités d'application de ces nouvelles dispositions issues de la Directive "épargne".

Afin d'examiner la véritable portée de la Directive "épargne", nous nous attacherons, d'abord, à définir les opérateurs et les revenus entrant dans son champ d'application (1). Nous examinerons, ensuite, les procédures d'imposition et les procédures d'échanges d'informations qu'elle prévoit (2). Enfin, nous en analyserons les limites, qui tiennent toutes au caractère restreint de son périmètre (3).

1. Les opérateurs et les revenus concernés par la Directive

1.1. L'agent payeur est l'opérateur qui paie les intérêts ou en attribue le paiement au bénéficiaire effectif

  • L'agent payeur se situe immédiatement avant le bénéficiaire effectif dans la chaîne de paiements

Au sens de la Directive, l'agent payeur est l'opérateur économique qui paie des intérêts ou attribue le paiement d'intérêts au profit immédiat d'une personne qualifiée de bénéficiaire effectif, que cet opérateur soit le débiteur de la créance produisant les intérêts ou la personne chargée du paiement des intérêts par le débiteur ou le bénéficiaire effectif. L'agent payeur se situe, donc, immédiatement avant le bénéficiaire effectif dans la chaîne de paiements. Ainsi, les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) "coordonnés" n'ont la qualité d'agent payeur au sens de la Directive "épargne" que s'ils versent directement des intérêts à des bénéficiaires effectifs (instruction du 12 août 2005, n° 7).

L'article 242 ter du CGI, qui définit en droit interne la notion d'établissement payeur de revenus de capitaux mobiliers (1), prévoit l'individualisation des intérêts, au sens de cette Directive, par les agents payeurs lors du paiement à des bénéficiaires effectifs résidents d'un autre Etat membre de l'Union européenne.

De fait, l'agent payeur sera le plus souvent un établissement financier (2), un établissement de crédit (3) ou encore une société commerciale, voire une personne physique versant des intérêts à un actionnaire étranger en rémunération de son compte courant d'associé (4). Quant aux sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) "non coordonnées", elles sont considérées comme des agents payeurs, lorsque leur portefeuille est composé exclusivement d'obligations françaises et qu'elles versent directement le "coupon-obligations" à leurs actionnaires résidents d'un Etat dans le champ de la Directive "épargne".

  • Le principe de l'acquisition de la qualité d'agent payeur au moment du paiement connaît une exception dans l'hypothèse où c'est une "entité" qui a reçu les sommes qualifiées d'intérêts au profit de bénéficiaires effectifs

Par "entités" au sens de la Directive "épargne", il faut entendre des organismes ou structures qui cumulativement n'ont pas de personnalité morale, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent et ne sont pas des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). L'"entité" est, alors, considérée comme un agent payeur au moment de la réception des intérêts pour l'application de la Directive "épargne".

Sont, notamment, visés les fonds communs de créances (FCC) mentionnés aux articles L. 214-43 et suivants du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8018HBL), ou certains fonds communs de placement "non coordonnés" (c'est-à-dire ne bénéficiant pas de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la Directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières N° Lexbase : L9653AU3), tels que les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), les fonds d'investissement de proximité (FIP) ou les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) (5).

Les sociétés en participation relevant de l'article 8 du CGI sont, également, considérées comme des entités. En revanche, les clubs d'investissements constitués sous la forme d'indivision ne sont pas des entités au sens de la Directive "épargne".

Ces entités sont soumises aux obligations d'individualisation des intérêts reçus pour le compte d'un bénéficiaire effectif non résident. Cependant, en application de l'article 49, I ter, I, alinéa 3, de l'annexe III au CGI , elles peuvent opter pour la déclaration de ces intérêts lors de leur reversement à un bénéficiaire effectif. Cette option concerne toutes les entités.

  • La situation des établissements payeurs français qui attribuent des intérêts à une entité non résidente

Dans l'hypothèse où l'entité produit un certificat de son Etat membre, visant à justifier de sa qualité d'agent payeur au moment du paiement des intérêts, l'établissement payeur français n'est pas tenu d'individualiser les intérêts "Directive" qu'il verse à l'entité non résidente. Il reste, cependant, soumis aux autres obligations découlant de l'article 242 ter du CGI (établissement de la déclaration des opérations sur valeurs mobilières - IFU). Si l'entité ne produit pas de certificat d'agent payeur, l'établissement payeur doit, après s'être assuré de la qualité d'entité de l'organisme ou la structure concernés, procéder à l'individualisation des intérêts "Directive" qu'il lui verse.

Pour s'assurer de la qualité d'entité, l'établissement payeur devra utiliser les informations qu'il a à sa disposition. Si aucune de ces informations ne lui permet d'exclure la qualité d'entité à l'organisme ou la structure concernés, l'établissement payeur sera considéré comme agent payeur et devra effectuer les diligences liées à cette qualité.

1.2. Le bénéficiaire effectif est la personne physique à qui sont versés les intérêts et qui conserve ceux-ci pour son propre compte

Sont considérés comme des bénéficiaires effectifs au sens de la Directive "épargne", les personnes physiques (6) à qui sont payés des intérêts ou à qui est attribué un paiement d'intérêts pour leur propre compte (7). Peu importe à cet égard que la personne physique, bénéficiaire effectif, reçoive les intérêts dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé ou dans le cadre d'une activité professionnelle (au sein d'une entreprise individuelle).

La Directive "épargne" ne prend en compte que le bénéficiaire "final" d'intérêts et non les différents intermédiaires d'une chaîne de paiements. Ainsi, n'est pas considérée comme un bénéficiaire effectif, la personne physique qui reçoit des intérêts en qualité d'agent payeur. Cette personne physique est, toutefois, soumise à une obligation de déclaration de ces intérêts lors de leur paiement à un bénéficiaire effectif pour le compte d'une personne morale, d'une structure imposée à l'impôt sur les sociétés (ou impôt équivalent) ou d'un OPCVM "coordonné" ou pour le compte d'une autre personne physique. La personne physique, agissant en qualité d'intermédiaire, n'est tenue à aucune obligation déclarative, mais doit, lorsqu'elle agit pour le compte d'une entité ou d'une personne physique, bénéficiaire effectif des intérêts, communiquer leur identité à l'agent payeur.

Sont, aussi, considérés comme des bénéficiaires effectifs, au même titre que les personnes physiques, les organismes et entités établis hors de France dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui n'ont pas exercé l'option leur permettant de se placer sous le régime de la déclaration des intérêts au moment de leur paiement (8).

1.3. Le champ d'application de la Directive "épargne" est limité aux revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts

D'une manière générale, tous les placements financiers assimilables à des produits de taux entrent dans le champ d'application de la Directive "épargne". Les principales catégories de revenus visés sont les suivantes :

  • Les produits de placements à revenu fixe

-  les revenus des titres d'emprunt négociables :

Il s'agit des intérêts (9), arrérages (10) et tous autres produits et gains des obligations, des titres participatifs, des effets publics et de tous autres titres d'emprunt négociables émis par les Etats et assimilés, les personnes morales de droit privé, ainsi que des lots et primes de remboursement payés aux porteurs des mêmes titres. Sont, également, concernés les revenus des bons du Trésor et assimilés, des bons de caisse et assimilés, ainsi que les produits et gains des titres de créances négociables (TCN) non susceptibles d'être cotés, quel que soit leur émetteur.

- les revenus des créances, dépôts, cautionnements et comptes courants :

Il s'agit des intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits et gains se rapportant notamment à des créances, autres que les titres d'emprunt négociables, productives d'intérêts (11), des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, quel que soit le dépositaire et quelle que soit l'affectation du dépôt et des clauses d'indexation afférentes aux sommes mises ou laissées à la disposition d'une société par ses associés ou actionnaires.

les produits des bons ou contrats de capitalisation nominatifs :

Il s'agit des produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation souscrits auprès des sociétés dites de capitalisation moyennant le versement d'un intérêt ou produit qui n'est, généralement, pas distribué chaque année, mais capitalisé jusqu'à échéance complète du bon ou contrat. En effet, ces produits s'analysent comme des produits financiers et non comme des produits d'assurance, dès lors qu'ils ne reposent pas sur la couverture d'un risque.

- les produits de l'épargne "réglementée" :

Il s'agit, notamment, des intérêts générés par les comptes d'épargne-logement (CEL), comptes pour le développement industriel (Codevi), livrets d'épargne populaire (LEP), livrets jeunes, plans d'épargne-logement (PEL), plans d'épargne populaire (PEP) donnant lieu à ouverture d'un compte de dépôt en numéraire et livrets d'épargne entreprise (LEE) qui, en droit interne, bénéficient d'un régime fiscal favorable. Ces intérêts sont compris dans le champ d'application de la Directive "épargne", nonobstant leur régime fiscal. Il en est de même de l'épargne dite "salariale" lorsque les intérêts qui s'y rapportent rentrent dans la définition des intérêts au sens de la Directive "épargne".

- le cas particulier des obligations domestiques, internationales et autres titres de créances négociables : la clause de "grandfathering" :

La Directive "épargne" exclut temporairement de son champ d'application certains des intérêts de ces produits, afin de ne pas perturber les marchés financiers. En effet, les contrats d'émission de tels titres d'emprunt négociables peuvent comporter une clause de montant brut (dite de "gross up"), par laquelle l'émetteur s'engage auprès des investisseurs à leur servir un intérêt net d'impôt en prenant à sa charge les conséquences d'un éventuel changement de législation fiscale. Ces clauses de montant brut sont assorties d'une clause de remboursement, afin de permettre à l'émetteur de rembourser l'emprunt par anticipation pour éviter le déclenchement par les émetteurs de la clause en question (instruction du 12 août 2005, n° 44 et 45).

L'article 49, I, ter, III-2, de l'annexe III au CGI prévoit, ainsi, une clause "grand-père" ou "grandfathering" qui a pour conséquence d'exclure du champ d'application de la Directive les intérêts des obligations domestiques et internationales et des autres titres de créances négociables, lorsque leur émission d'origine est antérieure au 1er mars 2001 ou lorsque leur prospectus d'émission d'origine a été visé avant cette date par les autorités compétentes et à la condition qu'aucune nouvelle émission de ces titres n'ait été réalisée à compter du 1er mars 2002 (12). Soulignons que cette exclusion cessera, en principe, de s'appliquer le 31 décembre 2010.

  • Les produits de la cession, du remboursement ou du rachat de parts et d'actions de certains OPCVM et assimilés

Sont concernés les revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts ou d'actions d'organismes ou entités qui investissent, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres organismes ou entités de même nature, plus de 40 % (13) de leur actif en créances et produits assimilés. Les organismes ou entités visés sont les OPCVM "coordonnés", les organismes ou entités ayant opté pour la déclaration des intérêts au paiement et les organismes de placement collectif (OPC) établis hors de l'Union européenne.

Il faut, toutefois, noter qu'à compter du 1er janvier 2011, le pourcentage d'investissement en créances sera ramené à 25 %. En revanche, les Sicav "non coordonnées" et les entités n'ayant pas opté pour la déclaration des intérêts au paiement ne sont pas concernées.

2. Les procédures d'imposition et d'échange d'informations : un système à trois vitesses

2.1. La procédure de droit commun applicable à la majorité des Etats membres de la CE

  • Les obligations déclaratives des agents payeurs

Ces obligations concernent les agents payeurs et les OPCVM coordonnés et entités assimilées. Les agents payeurs doivent identifier les bénéficiaires effectifs et individualiser les intérêts qu'ils paient à ces derniers. Les OPCVM coordonnés et entités assimilées sont, quant à eux, tenus de s'identifier au regard du quota de 40 % d'investissement en créances et produits assimilés (lorsqu'ils dépassent ce quota, ils entrent dans le champ d'application de la Directive "épargne"). Notons que cet échange d'informations a un caractère automatique et doit être effectué au moins une fois par an dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice fiscal de l'Etat membre de l'agent payeur pour tous les paiements d'intérêts effectués au cours de l'année.

- l'identification des bénéficiaires effectifs :

Les établissements payeurs doivent, en leur qualité d'agents payeurs, joindre à la déclaration annuelle des opérations sur valeurs mobilières, dénommée Imprimé Fiscal Unique (IFU), un état des intérêts de créances de toute nature et produits assimilés payés au cours de l'année précédente à un bénéficiaire effectif. Cet état comprend, outre la reprise des éléments d'identification du déclarant (14), de la référence aux comptes concernés et des éléments d'identification du bénéficiaire effectif (15) mentionnés sur l'IFU (CGI, Ann. III, art. 49, I, ter, IV) : dans certains cas, le numéro d'identification fiscale (NIF) du bénéficiaire effectif et le montant des intérêts de créances de toute nature et les produits assimilés (instruction du 12 août 2005, n° 71).

- l'individualisation des intérêts versés :

L'article 242 ter, 1, du CGI prévoit que les établissements payeurs individualisent les intérêts de créances de toute nature et produits assimilés entrant dans le champ d'application de la Directive "épargne". En ce qui concerne le cas particulier des comptes plurititulaires (comptes joints, comptes collectifs et comptes en indivision ), l'agent payeur établit un état "Directive" annexé à l'IFU au nom de chaque cotitulaire en y faisant figurer le montant des intérêts en fonction des droits de chacun. A défaut de précisions sur ces droits, les titulaires sont réputés avoir des droits identiques. C'est sur la base de cette individualisation que les établissements payeurs établissent l'état "Directive" annexé à l'IFU.

  • La transmission de l'information entre établissements payeurs

Lorsqu'un établissement payeur est amené à payer à un autre établissement payeur des produits de cession, rachat ou remboursement de parts ou d'actions d'OPCVM, d'organismes ou d'entités, le premier établissement payeur accompagne ce paiement des informations dont il dispose lui permettant de qualifier l'OPCVM ou l'entité au regard du quota de 40 % pour l'application de la Directive "épargne" (CGI, Ann. III, art. 49, I, sexies, 2).

2.2. La procédure dérogatoire temporairement applicable à la Belgique, au Luxembourg et à l'Autriche

  • Un mécanisme de retenue à la source

Afin de répondre à la demande de ces trois pays soucieux de préserver la protection du secret bancaire, la Directive a prévu qu'ils mettraient en place un système de communication d'informations à la fin de d'une période de transition au cours de laquelle ils appliqueront une retenue à la source de 15 % pendant les trois premières années, 20 % pendant les trois années suivantes (soit à partir du 1er juillet 2008) et 35 % par la suite (soit à partir du 1er juillet 2011). Ils transfèreront 75 % des recettes de cette retenue à la source à l'Etat de résidence de l'investisseur. Ces trois pays pourront recevoir des informations des autres Etats membres.

En pratique, les investisseurs non-résidents ayant placé leurs fortunes dans ces pays auront le choix entre deux options : opter pour la transmission de leurs informations bancaires à l'administration fiscale de leur pays de résidence ou accepter la retenue à la source.

  • Le retour dans le droit commun à l'issue d'une période de transition

Selon la Directive, la période de transition prendra fin, lorsque la CE, après décision du Conseil statuant à l'unanimité, aura conclu avec la Suisse, le Liechtenstein, Saint -Marin, Monaco et Andorre, un accord prévoyant l'échange d'informations sur demande et, surtout, lorsque le Conseil sera convenu à l'unanimité que les Etats-Unis d'Amérique s'engagent à échanger des informations sur demande, conformément au modèle de convention de l'OCDE de 2002, en ce qui concerne les paiements d'intérêts. Or, si la première condition est d'ores et déjà remplie, il y a lieu de penser que la seconde condition ne le sera pas avant un certain temps, ce qui signifie que la période de transition pourrait se prolonger et permettre à la Belgique, au Luxembourg et à l'Autriche de conserver durablement leur secret bancaire.

2.3. La procédure dérogatoire applicable aux Etats tiers ayant signé des accords avec la CE

  • Les accords signés avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Monaco et Saint -Marin

En ce qui concerne ces Etats, les accords signés par la CE prévoient une retenue d'impôt ou retenue à la source avec partage des recettes aux taux appliqués par la Belgique, le Luxembourg ou l'Autriche au cours de la période de transition prévue par la Directive. Par ailleurs, ils prévoient la possibilité pour le contribuable d'autoriser la divulgation des paiements d'intérêts à son Etat membre de résidence fiscale en vue d'éviter la retenue d'impôt ou la retenue à la source. Enfin, ils comportent une disposition prévoyant l'échange d'informations sur demande en cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente (16). En prévoyant une application de la retenue à la source non pas pendant une période transitoire mais de manière pérenne, ce dispositif dérogatoire permettra d'assurer durablement la protection du secret bancaire dans ces pays, qui ont, par ailleurs, sollicité plusieurs engagements de la part de l'UE (17).

  • La situation des territoires dépendants ou associés de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas

Tous les territoires dépendants ou associés concernés des Etats membres (îles anglo-normandes, île de Man et territoires dépendants ou associés des Caraïbes) appliqueront des mesures identiques à celles prévues dans la directive, à savoir l'échange automatique d'informations ou, pendant la période de transition prévue par la directive, une retenue à la source dans les mêmes conditions que celles prévues pour la Belgique, le Luxembourg ou l'Autriche.

2.4. Les principales sanctions applicables en droit français en cas de non-respect de l'obligation de déclaration

  • L'application de l'amende prévue à l'article 1768 bis du CGI

Les établissements payeurs qui ne respecteront pas l'obligation d'individualisation des intérêts "Directive" ou qui feront une déclaration insuffisante des sommes en cause seront sanctionnés par une amende fiscale forfaitaire de 150 euros par information omise ou erronée, dans la limite de 500 euros par déclaration.

Cette amende n'est pas applicable pour les infractions commises sur la base d'informations erronées fournies à l'établissement payeur par les OPCVM, organismes ou entités assimilés susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la Directive "épargne".

  • L'application des sanctions prévues à l'article 1726 du CGI

En application des dispositions communes à toutes les déclarations et autres documents devant être transmis à l'administration, les établissements payeurs qui omettront des renseignements ou porteront des éléments inexacts sur l'état "Directive" annexé à l'IFU seront sanctionnés par une amende de 15 euros par omission ou inexactitude, avec un minimum de 150 euros pour chaque déclaration concernée. Cette amende minimum de 150 euros s'appliquera de manière globale (IFU et état annexé). Cette amende concernera, notamment, l'obligation d'identification des bénéficiaires effectifs (par exemple, le NIF, lorsque celui-ci existe), pour les relations contractuelles établies à compter du 1er janvier 2004.

Toutefois, l'amende de 80 % des sommes non déclarées prévue à l'article 1768 bis du CGI pour la déclaration des opérations sur valeurs mobilières (IFU) n'est pas applicable pour les sommes non déclarées à tort dans l'état "Directive".

Pour la 2ème partie de cet article, lire ([LXB=N6353AKI])

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