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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires
le 06 Novembre 2015
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les obligations des entreprises en matière de représentation équilibrée des conseils prévues par la loi du 17 janvier 2011 ? Quelles entreprises sont visées par cette obligation ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, renforcée par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés cotées et à l'égalité professionnelle (N° Lexbase : L9079I3N), dite loi "Copé-Zimmermann", prévoit une proportion de femmes de 20 % en 2014 (1) et 40 % en 2017 (2).
Ces nouvelles règles ont été reprises par le code AFEP-MEDEF qui émet des recommandations en matière de bonnes pratiques de gouvernance. Rappelons que ces quotas ont été également fixés à 40 % au 1er janvier 2017 pour les conseils d'administration et de surveillance des entreprises non cotées de plus de 250 salariés et de plus de 50 millions de chiffre d'affaires.
La fonction publique est également concernée par cette évolution depuis le vote de la loi "Sauvadet" du 12 mars 2012 (loi n° 2012-347, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique N° Lexbase : L3774ISL) (3) qui prévoit entre autres des dispositions relatives à la lutte contre les discriminations. Ainsi les EPIC, le SEM, les CCI, les Chambres d'agriculture et les 117 fédérations sportives sont elles aussi concernées.
Lexbase : Quelles sont les sanctions prévues en cas de non-respect de cette obligation ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : En cas de non-respect de la loi, les sanctions prévues sont la suspension temporaire du versement des jetons de présence, la nullité des nominations prises par un conseil non conforme et la possibilité d'être écarté (depuis le 1er décembre 2014 pour les sociétés de plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires) des appels d'offres publics en cas de manquement sur les obligations relatives à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes.
Lexbase : L'intervention du législateur sur cette question était-elle, selon vous, nécessaire ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : La solution idéale eut été d'observer une féminisation des instances naturelle et fluide. En l'absence de celle-ci et à l'observation récurrente d'inégalités professionnelles, force est de constater l'importance et la nécessité d'une intervention du législateur.
Il est nécessaire, dans ce contexte, de rassurer les dirigeants du bien-fondé de cette initiative. Les quotas permettent d'apporter des compétences, de l'enrichissement, de la valeur et de la diversité.
Il n'est nullement question de mettre des femmes pour mettre des femmes mais de donner à celles-ci des opportunités dont elles ont la pleine légitimité.
Lexbase : Leyders Associates est actif dans ce mouvement de féminisation. Comment ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : Dans le contexte de la loi "Copé-Zimmermann", le cabinet d'approche direct Leyders Associates s'est rangé à la fois du côté des femmes et des entreprises contraintes de féminiser leurs instances.
"Femmes au coeur des Conseils" a ainsi vu le jour pour s'inscrire comme leur point de rencontre.
Comment ? En proposant, d'une part, un vivier de femmes de tous secteurs, tous métiers, toutes nationalités, identifiées, approchées et validées pour leurs compétences, savoir-être, bienveillance, courage, disponibilité et audace. Et d'autre part, dans le cadre d'une offre globale, la possibilité d'évaluer un conseil existant, pour mieux recommander un cahier des charges d'une ou de plusieurs candidates attendues parfaitement ciblées et en phase avec la stratégie de l'entreprise et de ses actionnaires.
Lexbase : A mi-parcours de ce mouvement de féminisation des conseils, où en est-on ? Avez-vous des statistiques à nous communiquer ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : A mi-parcours, force est de constater que les sociétés cotées sont plutôt bonnes élèves car en grande majorité elles comptent près de 35 % de femmes dans les conseils. Certaines expriment leurs difficultés à atteindre les 40 % sachant qu'elles vont axer leur recherche au sein des femmes présentes dans les Comex. Comme on le sait, le plafond de verre n'a pas permis de nombreuses nominations dans ces instances d'où une pénurie et la nécessité des quotas.
En bref le serpent se mord la queue...
Leyders Associates a donc identifié les femmes figées notamment dans les comités de direction et néanmoins pleinement légitimes dans les instances supérieures pour répondre efficacement à une refonte de conseils professionnalisés.
Concernant les sociétés non cotées, il est encore trop tôt pour observer les efforts entrepris.
Nous sommes néanmoins inquiets car il semblerait qu'un grand nombre d'entre elles soient mal informées sur le sujet.
En effet, les médias ont peu communiqué sur les obligations légales dont elles font l'objet et il est à craindre que si l'information leur parvient trop tardivement, elles cocheront des cases pour mettre des femmes sans prendre le temps de se préoccuper de mettre les compétences adaptées.
Les résultats ne permettront pas aux entreprises d'optimiser leurs conseils, et seront désastreux pour l'image des femmes.
Lexbase : Quid des quotas dans les autres pays de l'Union européenne ? Et du reste du monde ?
Lucille Desjonquères et Michel Dumont : Le premier pays à avoir instauré des quotas de parité est la Norvège en 2003. Les entreprises cotées à la Bourse d'Oslo ont ensuite eu quatre ans pour se conformer à ces exigences. Les sociétés d'Etat, parapubliques et municipales ont, elles aussi, dû s'y plier.
L'Allemagne se voit imposer 30 % de femmes dans les conseils d'administration dès 2016 et l'Espagne 40 % en 2015. En Espagne, le quota de 40 % de femmes dans les conseils des entreprises doit être atteint d'ici 2015. L'Italie est contrainte aux mêmes règles que la France.
Le Portugal et la Belgique poursuivent clairement un mouvement adopté en grande majorité par l'ensemble de l'Union européenne.
Il en est de même pour la Suisse qui suit les traces de l'Union européenne.
L'Angleterre encourage fortement les entreprises à féminiser leurs instances en précisant que des quotas seront appliqués si les résultats observés ne sont pas conformes aux attentes escomptées.
Le Luxembourg et l'Irlande sont en cours de débats.
A noter que les sociétés en SAS ne sont pas assujetties à la loi "Copé-Zimmermann"
Celles-ci sans avoir de CA de façon statutaire ont des réunions de direction ou les femmes auraient leur pleine légitimité. Sachant que les quotas ne sont pas une punition mais un apport de valeur, il serait appréciable qu'elles montrent l'exemplarité en répondant aux règles de base sans obligation.
La position de l'Union européenne sur le sujet encourage les Etats membres à prendre des lois réservant aux femmes au moins 40 % des places dans les conseils d'administration jusqu'en 2020. Dans un communiqué du Parlement européen il est montré que si le rythme actuel de croissance (0,5 % par an) du nombre de femmes dans les conseils est maintenu, les femmes n'atteindront pas 40 % avant un demi-siècle !
(1) A l'issue de l'assemblée générale de 2013.
(2) A l'issue de l'assemblée générale de 2016.
(3) La proportion de personnalités qualifiées de chaque sexe nommées en raison de leurs compétences, expériences ou connaissances administrateurs dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents des établissements publics non mentionnés à l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983, relative à la démocratisation du secteur public (N° Lexbase : L6981AGN), ne peut être inférieure à 40 %. Cette proportion doit être atteinte à compter du deuxième renouvellement du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou de l'organe équivalent intervenant à partir de la promulgation de la présente loi. Lorsque le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou l'organe équivalent est composé au plus de huit membres, l'écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.
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