La lettre juridique n°627 du 1 octobre 2015 : Éditorial

COP21, écocide et lois de police

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COP21, écocide et lois de police. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/26267845-cop21ecocideetloisdepolice
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 01 Octobre 2015


Le 30 novembre s'ouvrira la Conférence sur le Climat à Paris, pour obtenir, pour la première fois en plus de 20 ans de négociations aux Nations Unies, un accord universel juridiquement contraignant sur le climat, ayant pour but de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C. 50 000 participants, dont 25 000 délégués officiels : la COP21 est la rencontre internationale de l'année.

Au-delà des promesses -qui n'engagent qui ceux qui les reçoivent- : un renforcement de l'arsenal juridique international à l'horizon. Pourquoi pas la reconnaissance de l'écocide au rang des crimes internationaux les plus graves comme menaçant la sûreté de la planète ? Non pas une sous-catégorie de crime de guerre, comme ça l'est actuellement auprès de la Cour pénale internationale, mais un crime à part entière qui, même en temps de paix, permet d'engager la responsabilité individuelle des dirigeants, politiques ou économiques ?

"Les victimes auraient la possibilité d'un recours international pour contraindre les auteurs du crime, en tant que personne morale, comme une entreprise transnationale ou en tant que personne physique comme un PDG ou un chef d'Etat, à payer des réparations morales, physiques ou économiques. Il serait possible de leur demander de restaurer le milieu naturel endommagé ou détruit au nom de la simple valeur écologique. La responsabilité des supérieurs hiérarchiques pourrait être engagée et des peines d'emprisonnement pourraient être prononcées", explique, au Figaro, Valérie Cabanes. "Ces amendements permettraient également de reconnaître le statut de réfugiés climatiques", ajoute la juriste de End Ecocide on Earth.

En attendant une telle reconnaissance -cela fait maintenant plus de 40 ans que de premières tentatives furent lancées dans ce sens- et après un semi échec -l'initiative citoyenne européenne lancée en janvier 2013 n'ayant récolté "que" 130 000 signatures, alors que l'objectif du million de signataires aurait pu inviter la Commission européenne à proposer une nouvelle législation sur le sujet-, l'on peut s'intéresser au cadre national et aux armes juridiques françaises.

En France, la notion de préjudice écologique est, dit-on, en cours d'introduction dans le droit civil. La dégradation d'un écosystème devient ainsi un préjudice objectif. Mais "il est encore trop tôt pour savoir si ce texte aura réellement pour effet de faciliter' la réparation du préjudice écologique", indique Maître Arnaud Gossement.

Et, à l'échelle internationale, "la criminalité environnementale est mal identifiée et mal traitée juridiquement", précise Laurent Neyret, Professeur en droit privé à l'Université de Versailles Saint-Quentin.

Alors, face au vide juridique, au défaut de responsabilité, pourquoi ne pas faire des lois relatives à la responsabilité écologique des lois de police ?

La première chambre civile de la Cour de cassation vient de nous rappeler, le 16 septembre 2015, que les articles 1326 du Code civil, L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, relatifs aux mentions manuscrites en matière de cautionnement, ne sont pas des lois de police : soit. Maintenant, on comprend que la mention manuscrite ne soit pas "une disposition nationale dont l'observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'Etat au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire ou localisée dans celui-ci" : pour répondre à la définition donnée par la Cour de justice de l'Union européenne. Intensification des problèmes de santé publique, 26 millions de réfugiés climatiques, disparition de 49 % des populations d'animaux marins, poissons, oiseaux, mammifères, et reptiles entre 1970 et 2012... Si les lois relatives à la protection de l'environnement, à la répression des infractions afférentes (rapportant au niveau mondial 187 milliards d'euros) et au préjudice écologique, ne répondent pas à la définition des lois de police, c'est à craindre que l'on ne comprenne jamais que l'environnement est au coeur de la "sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique d'un Etat" !

L'enjeu ? Le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté à la frontière des Vosges et du Jura ! Pour Cornu, la loi de police est l'"expression désignant les lois dont l'application, dans les rapports internationaux, serait commandée par leur contenu sans considération des règles de conflit". On imagine alors un Français, dépassant le cadre immobilier de l'article 3 du Code civil, vivant dans un Etat frappé de plein fouet par une crise climatique, demander des comptes et engager la responsabilité de dirigeants et industriels de cet Etat sur le fondement d'une loi de police attaché à sa "nationalité, parce qu'elle est stable, assure la continuité du traitement juridique de la personne mieux qu'un autre rattachement juridique" comme le professaient Ancel et Lequette dans leurs observations sous un arrêt "Busqueta", de la Cour royale de Paris... du 13 juin 1814. Bien entendu, le procès aurait lieu en France : mais les avoirs de ces dirigeants et industriels pourraient parfaitement être saisis... en cas de condamnation bien entendu.

"L'homme a besoin de se tromper lui-même : d'une part, il sauve une espèce qui a perdu sa capacité de survivre, d'autre part, il accélère la destruction de l'environnement qui lui permettait de subsister" écrivait Gao Xingjian, Prix Nobel de Littérature, dans La montagne de l'âme.

Il faut bien commencer par montrer le chemin... même au prix d'un artifice juridique.

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