Le fait, pour des avocats, de porter sur leur robe et ainsi sur leur costume d'audience, un insigne commun à tous les avocats du même barreau, n'ayant aucune connotation revendicative empreinte de partialité, mais rappelant seulement la mobilisation de la profession pour défendre ses intérêts, ne saurait être considéré comme un manquement à leurs devoirs d'avocats. La délibération d'un conseil de l'Ordre visant à harmoniser les modes d'expression et prévenir les abus ne saurait être annulée. Telle est la solution de la cour d'appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 25 mai 2015 (CA Rennes, 22 mai 2015, n° 15/00669
N° Lexbase : A5715NLA). Le 22 décembre 2014, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nantes avait notifié au procureur général près de cette cour, une délibération de son conseil de l'Ordre en date du 16 décembre 2014 décidant "
d'autoriser les avocats qui le souhaitent à porter un signe distinctif (badge "avocat mobilisé", rabat rouge ou crêpe noir sur le rabat blanc) sur leur robe, afin de manifester leur soutien au mouvement de protestation à l'encontre du projet de loi affectant actuellement la profession d'avocat et de l'insuffisance du financement de l'aide juridictionnelle". C'est cette délibération que le procureur général entendait voir annulée. La cour rappelle que la commission Règles et usages du Conseil national des barreaux a, à cet égard, rendu un avis le 22 novembre 2007 déclarant incompatible le port d'un insigne quelconque sur la robe, le jugeant incompatible avec le serment. Cet avis tendrait à prohiber le port de tout badge qui ne fait pas partie des attributs du costume d'audience de l'avocat, ce dernier, lorsqu'il revêt son costume et le porte à l'audience, ne pouvant en définitive porter aucun insigne, en dehors des décorations officielles qui lui ont été accordées. Mais, pour autant, selon les juges, cet avis ne constitue qu'une recommandation et le conseil de l'Ordre d'un barreau n'excède pas ses attributions, lorsqu'en raison d'un mouvement de protestation durable, des avocats, selon leur appartenance syndicale ou à titre personnel revêtaient, spontanément ou sur consignes, des insignes divers pour les porter sur leurs robes, en prenant l'initiative de délibérer sur la pratique constatée, l'opportunité de l'interdire ou d'y remédier, en harmonisant son mode d'expression et éventuellement ses abus. Cette délibération ne porte pas atteinte au serment qui lie les avocats en leur demandant d'exercer leurs fonctions, notamment avec dignité et indépendance (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E1051E73, N° Lexbase : E6563ETA et N° Lexbase : E9310ETY).
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