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N3987BU9
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par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne
le 09 Octobre 2014
Ainsi, par exemple, le Conseil constitutionnel a censuré l'article L. 3132-24 du Code du travail (N° Lexbase : L0479H9M) prévoyant un effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical (Cons. const., décision n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4068MII). De tels recours avaient, en quelque sorte, un effet suspensif définitif à l'encontre des autorisations d'ouverture temporaire le dimanche, compte tenu de l'effet et de la durée de la suspension, d'une part, et du caractère temporaire de l'autorisation accordée, d'autre part. Le Conseil y a décelé une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et d'équilibre des droits des parties. Un élément de bonne (mauvaise, en l'occurrence) administration de la justice met ainsi en cause la constitutionnalité d'un tel effet suspensif. Voilà de quoi engager le débat de constitutionnalité sur des dispositions prévoyant une suspension automatique qui, sous l'effet de recours systématiques, conduisent à la perte du bénéfice du dispositif légal.
Se trouve censuré, sur le fondement du principe d'égalité, le deuxième alinéa de l'article 272 du Code civil (N° Lexbase : L8783G8S), qui exclut du calcul de la prestation compensatoire (tant pour l'appréciation des ressources que pour l'appréciation des besoins) les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre du droit à la compensation d'un handicap (Cons. const., décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 N° Lexbase : A6403MPT).
Les droits de procédure sont une nouvelle fois à l'honneur. C'est sur le fondement du droit à un recours effectif que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-4 du Code de procédure pénale ([LXB=L1875H3T)]) prévoyant la destruction d'objets saisis sur décision du procureur de la République (Cons. const., décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN). L'absence de recours empêchait le propriétaire des biens concernés de contester la réunion des conditions prévues pour la destruction.
Une nouvelle QPC relative aux visites et saisies, cette fois dans les lieux de travail (Cons. const., décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4069MIK), conduit à la censure des dispositions de l'article L. 8271-13 du Code du travail (N° Lexbase : L3452IMS) adoptées le 26 novembre 1912.
Par ailleurs, il est constant que le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle. Le législateur est donc libre d'organiser ou non un appel. En revanche, s'il décide d'ouvrir l'appel, il ne peut priver l'accusé de l'appel qu'il a régulièrement formé tout en prévoyant l'exécution immédiate de la peine, au seul motif que le condamné en première instance s'est soustrait à l'obligation de comparaître lors de l'examen de son appel. Tel est le sens de la décision n° 2014-403 QPC du 13 juin 2014 (N° Lexbase : A5442MQM) s'agissant de dispositions prévoyant la caducité de l'appel de l'accusé en fuite, lesquelles n'ont pas résisté au test de proportionnalité opéré par le Conseil sur le terrain du recours juridictionnel effectif.
Le droit fiscal n'est pas en reste, notamment par la censure notable du troisième alinéa de l'article L. 209 du LPF (N° Lexbase : L7620HEX) s'agissant des frais engagés pour la constitution des garanties de recouvrement des impôts contestés (Cons. const., décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 N° Lexbase : A0200MQH). Le Conseil a aussi considéré qu'une différence de régime fiscal méconnaissait le principe d'égalité devant la loi dans le régime applicable aux sommes ou valeurs reçues par l'actionnaire ou l'associé personne physique, dont les titres sont rachetés par la société émettrice (Cons. const., décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 N° Lexbase : A6294MRK).
Il convient surtout de relever une série de décisions en matière de droit des collectivités territoriales. On notera à nouveau l'effectivité du principe de libre administration des collectivités territoriales à l'encontre des procédures contraignantes de rationalisation des périmètres des EPCI. Le Conseil a ainsi censuré l'article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9118INZ) issu de loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ), concernant le rattachement d'office d'une commune à un EPCI à fiscalité propre (Cons. const., décision n° 2014-391 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5361MKR). En imposant à une commune une telle intégration, même dans le cas où cette commune a exprimé sa volonté de rejoindre un autre groupement de coopération intercommunale, de telles dispositions méconnaissent l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L0904AHX). Les dispositions censurées n'étaient pas limitées dans le temps et ne prévoyaient aucune consultation de la commune faisant l'objet d'un tel rattachement.
On relèvera tout spécialement la décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, relative à la répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres au sein des EPCI à fiscalité propre (N° Lexbase : A6295MRL), et tout particulièrement à la possibilité d'un accord de répartition entre les communes membres. C'est cette dernière méthode, dérogatoire et optionnelle, qui se trouvait visée. Le Conseil a considéré qu'"en permettant un accord sur la détermination du nombre et de la répartition des sièges des conseillers communautaires et en imposant seulement que, pour cette répartition, il soit tenu compte de la population, ces dispositions permettent qu'il soit dérogé au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ; que, par suite, elles méconnaissent le principe d'égalité devant le suffrage et doivent être déclarées contraires à la Constitution". Un des éléments contestés de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, portant réforme des collectivités territoriales, se trouve ainsi censuré. On peut penser que la légitimité du fait communal se trouve renforcée par cette décision retentissante. Les assemblées (inter)communales sont certes des assemblées particulières, mais elles n'en restent pas moins des assemblées démocratiques au sein desquelles le principe d'égalité devant le suffrage doit s'imposer. Comme le souligne le Conseil dans ses commentaires, un dispositif qui permettrait à tous les conseils municipaux d'un EPCI de s'accorder à l'unanimité pour déroger à l'égalité devant le suffrage serait tout autant contraire à ce principe : l'égalité devant le suffrage est avant tout un droit qui protège les électeurs, non les élus.
La décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0198MQE) constitue une nouvelle QPC en matière de finances locales, plus particulièrement du fonds de péréquation horizontale spécifique à la région IDF. Le dispositif de plafonnement de la croissance du prélèvement sur les ressources des communes qui était contesté, bien qu'évolutif de 2012 à 2015, n'était pas limité dans le temps et créait une différence de traitement substantielle et pérenne entre les communes contributrices.
I - Champ d'application
A - Normes constitutionnelles invocables
1 - Droits et libertés des collectivités territoriales
Dans sa décision n° 2014-392 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5362MKS), le Conseil s'est, pour la première fois, prononcé sur la question de l'applicabilité des exigences de la libre-administration des collectivités territoriales aux provinces de la Nouvelle-Calédonie. En effet, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 (loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 N° Lexbase : L3311I4E), le titre XIII relatif aux institutions de la Nouvelle-Calédonie se distingue des articles de la Constitution applicables aux collectivités territoriales, y compris aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution (N° Lexbase : L0906AHZ). On pouvait ainsi douter que le principe de libre-administration des collectivités territoriales, qui trouve son fondement dans l'article 72 de la Constitution (titre XII), puisse être appliqué de plein droit à la Nouvelle-Calédonie. C'est d'ailleurs ce que confirme le Conseil dans sa décision dans un premier temps de raisonnement.
Cela étant, dans un second temps, le Conseil a rappelé que les provinces de la Nouvelle-Calédonie voient leur statut fixé par la loi organique, laquelle prévoit expressément qu'en tant que collectivités territoriales, elles s'administrent librement par des conseils élus (1). Fallait-il appréhender cette (simple) mention organique comme ouvrant droit à invocabilité en QPC ? On pouvait sérieusement en douter. D'une part, il est clair que de telles dispositions organiques ne constituent pas en elles-mêmes des "droits et libertés que la Constitution garantit", elles demeurent formellement des normes distinctes. D'autre part, si la loi organique fait partie des normes dont le Conseil constitutionnel vérifie le respect par la loi ordinaire, il n'en résulte pas pour autant qu'elles devraient être assimilées à la Constitution elle-même au sens et pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ). On le sait, une loi qui méconnait une disposition organique est contraire à la Constitution car elle méconnait la règle en vertu de laquelle les lois ordinaires doivent respecter les lois organiques. Mais cela ne suffit pas à considérer que les normes contenues dans la loi organique doivent être regardées comme constituant par elles-mêmes des "droits et libertés que la Constitution garantit".
En contournant partiellement ces obstacles, le Conseil a jugé que le législateur organique a "étendu aux institutions de la Nouvelle-Calédonie les dispositions du titre XII", "sans que cette extension soit contraire aux orientations de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 auxquelles le titre XIII confère valeur constitutionnelle", précise le Conseil. Ce raisonnement demeure constructif, pragmatique et finaliste. Il peut toutefois s'appuyer sur une logique antérieure qui consiste, pour l'application de dispositions constitutionnelles telles que l'article 39 (N° Lexbase : L0865AHO) ou l'article 24, alinéa 4, (N° Lexbase : L0850AHX) à assimiler la Nouvelle-Calédonie à une collectivité territoriale. On peut aussi y voir le souci de veiller à l'unité matérielle du principe de libre-administration. Quoi qu'il en soit, la décision n° 2014-392 QPC autorise ce qu'on pourrait qualifier d'invocabilité par extension organique. Est-ce valable s'agissant des dispositions organiques prises en application de l'article 74 pour les collectivités d'outre-mer ?
2 - Portée de la Charte de l'environnement
Le Préambule de la Charte de l'environnement n'est pas invocable en QPC. Tel est l'enseignement de l'importante décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8792MKT). Certes, les sept alinéas qui composent ce Préambule ont bien valeur constitutionnelle, ce qui ne faisait pas débat. Mais, compte tenu de leurs termes mêmes, aucun d'eux n'institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Les cinq premiers alinéas formulent tout au plus des constats, les deux derniers énoncent des objectifs. Sur ce dernier point, le sixième alinéa fait écho aux articles 1 et 2 de la charte, lesquels sont parfaitement invocables ; le septième et dernier alinéa fait, quant à lui écho, à son article 6, fixant l'objectif de promotion du développement durable qui n'est pas invocable sauf à être combiné.
Le Préambule de Charte se distingue donc du Préambule de la Constitution de 1946 et même de l'incipit de ce Préambule qui réaffirme solennellement les droits de la Déclaration de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et dont le Conseil constitutionnel a, en outre, déduit le principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation. Cette différence de traitement est peu harmonieuse mais compréhensible. Elle tient à la teneur indécise des énonciations contenues dans le Préambule de la Charte : il s'agit de considérations générales, idéologiques ou scientifiques, sur le lien entre humanité et environnement, de simples constats, voire des évidences sur la diversité biologique et l'évolution de l'Humanité, mais sûrement pas des droits ou des libertés ayant une portée juridique suffisamment établie, notamment pour les générations futures dont certaines associations se revendiqueraient dépositaires.
B - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC
Le contrôle des lois adoptées par la voie du référendum a toujours été refusé par le Conseil constitutionnel. Leur injusticiabilité en QPC était donc prévisible, mais non clairement déterminée (2). Elle vient d'être fixée expressément par la décision n° 2014-392 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5362MKS) sur renvoi d'une question jugée nouvelle par la Cour de cassation en tant, précisément, qu'elle visait des dispositions issues d'une loi référendaire (3).
Le Conseil a précisé "que l'article 61-1 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions législatives, sans préciser si cette compétence s'étend à l'ensemble des textes de caractère législatif ; que toutefois au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les dispositions législatives qu'elle a entendu viser dans son article 61-1 ne sont pas celles qui, adoptées par le Peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60 (N° Lexbase : L0889AHE), constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". Puis, après avoir relevé "qu'aucune disposition de la Constitution ou d'une loi organique prise sur son fondement ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité aux fins d'apprécier la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit d'une disposition législative adoptée par le Peuple français par la voie du référendum", il a jugé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de connaître des dispositions de la loi adoptée par voie de référendum.
Il s'agit là d'une stricte transposition d'une jurisprudence constante posée par la décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 (N° Lexbase : A7807AC7), d'autant plus attendue qu'elle se trouve renforcée par la nouvelle procédure référendaire -lex specialis- introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi n° 2008-724 de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK). Il en va aussi de l'unité des contrôles a priori et a posteriori, que ni le constituant, ni le législateur organique n'avaient pour intention de déstabiliser pour réserver cette compétence à la QPC. On peut toutefois penser qu'il convient de réserver le cas où, sans remettre en cause la constitutionnalité ab initio de la loi référendaire, un changement de circonstances de fait ou de droit soulèverait une question qui, étant postérieure à l'adoption de la loi par référendum, ne pourrait être regardée comme tranchée par la peuple français. Un tel changement de circonstance a été reconnu dans la décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : A8775ACY).
II - Procédure devant le Conseil constitutionnel
A - Interventions devant le Conseil constitutionnel
Comme souligné lors de précédentes chroniques, les observations en intervention des tiers à l'occasion d'une QPC transmise au Conseil constitutionnel sont de plus en plus courantes, ce qui témoigne du caractère abstrait et d'intérêt collectif de l'examen que le Conseil opère et, dans le même temps, suscite. Il en est ainsi, par exemple, de plusieurs demandes en intervention d'associations, lesquelles peuvent intervenir en défense de la loi comme deux d'entre elles dans l'affaire n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK).
Ces interventions sont surtout de plus en plus utiles et mieux dirigées, notamment lorsqu'elles soulèvent des griefs nouveaux au regard de ceux développés par la partie requérante ou le Gouvernement. On peut relever, à cet égard, l'intervention de la société X qui soutenait un grief complémentaire dans l'affaire n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4068MII), tiré en l'occurrence de l'exigence de sécurité. L'association Y a fait de même dans l'affaire n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8793MKU) en ajoutant, par une demande ciblée, une seconde branche au grief d'incompétence négative soulevé par le requérant. De façon générale, on perçoit que la stratégie des interventions est mieux rôdée.
Devant le succès grandissant des interventions, le Conseil constitutionnel est régulièrement amené à affiner les conditions et modalités de leur recevabilité.
Il est parfois conduit à faire un tri assez draconien. Ce fut le cas dans l'affaire n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 concernant les plantations en limite de propriétés privées. L'intervention de l'association a été écartée faute de justifier d'un intérêt spécial, sans que cela ne soit mentionné aux visas, ou dans l'historique retracé par la greffière lors de l'audience publique.
Surtout, une partie intervenante ne saurait modifier par ses conclusions l'objet de la QPC renvoyée au Conseil constitutionnel. L'affaire n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH) concernant les conditions de recours au travail de nuit a été l'occasion de le rappeler. L'intervenant ne pouvait, en l'espèce, solliciter l'énoncé d'une réserve d'interprétation sur le créneau horaire qui définit le travail de nuit, et donc contester la définition même du travail de nuit, alors que ces textes n'étaient pas ici renvoyés.
B - Contrôle de l'incompétence négative
L'incompétence négative devient un outil habituel dans la jurisprudence QPC, dans l'usage duquel le Conseil fait preuve d'une jurisprudence mieux établie pour sanctionner la méconnaissance, par le législateur, de l'étendue constitutionnelle de ses attributions.
Par un moyen soulevé d'office tiré de ce grief, le Conseil a censuré le paragraphe III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B) (Cons. const., décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8256MIM). Dans cette disposition, le législateur s'était contenté de définir le portage salarial en le rattachant au régime du salariat et en consacrant les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. Pour le reste, il renvoyait à la négociation collective la mission de fixer le régime juridique du portage salarial, ce qui revenait à permettre aux partenaires sociaux de réglementer librement le portage salarial. Cette décision rigoureuse de censure est à mettre en rapport avec la nature particulière du portage, structure intermédiaire en rupture avec plusieurs aspects généraux et fondamentaux du droit du travail. La définition apportée par le législateur demeurait superficielle au point d'apparaître comme une subdélégation inconstitutionnelle aux partenaires sociaux.
Il est à noter qu'une nouvelle incompétence négative a été sanctionnée en matière de régime applicable aux personnes privées de leur liberté, domaine dans lequel le contrôle du Conseil est plus strict. Elle vise l'habilitation législative inscrite à l'article 728 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4466AZG), dans sa rédaction postérieure à la loi n° 87-432 du 22 juin 1987, relative au service public pénitentiaire (N° Lexbase : L5154ISP), et antérieure à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (loi n° 2009-1436 N° Lexbase : L9344IES) qui l'a abrogé (Cons. const., décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5363MKT). On sait que l'absence d'encadrement législatif a permis, en cette matière, le développement d'un infra-droit pénitentiaire de nature administrative, qu'il s'agisse du régime de l'isolement, de la fouille, ou des conditions de travail au sein des prisons, etc. L'absence de limite législative protectrice des droits fondamentaux des détenus encourait une censure assez prévisible. Avec cette QPC, le Conseil constitutionnel a approfondi sa jurisprudence sur ce point. Il a formulé un principe selon lequel les personnes détenues bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention. Il a ajouté que c'est au législateur qu'il incombe de procéder à la conciliation entre les deux logiques qui peuvent s'opposer : d'une part, l'exercice de ces droits et libertés, et, d'autre part, la sécurité du système pénitentiaire et les finalités de l'exécution des peines privatives de liberté.
Une nouvelle censure sur le fondement de l'article 7 de la Charte de l'environnement, touchant cette fois l'article L. 222-2, alinéa 1er, du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7793IML) concernant le schéma régional éolien (Cons. const., décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 N° Lexbase : A8793MKU), s'inscrit dans le prolongement de la décision OGM en matière de principe d'information du public (4). Le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé la charge contraignante de cette disposition : il impose que le législateur fixe lui-même les conditions et limites dans lesquelles s'exerce le principe de participation du public, sans pouvoir se contenter d'en fixer le principe en renvoyant au décret le soin d'en fixer les modalités. Avec une certaine rigueur, le Conseil a écarté l'argumentation subsidiaire selon laquelle le principe de participation du public était assuré par d'autres dispositions législatives.
C - Effets dans le temps de la décision du Conseil constitutionnel
1 - Application immédiate aux instances en cours
Dans l'affaire précitée n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014, censurant les dispositions relatives à l'effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical, le Conseil précise que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision. Cette censure présente un effet corrélatif, celui de rendre applicable immédiatement les règles habituelles du contentieux administratif relatives à l'absence d'effet suspensif des recours devant les juridictions administratives. Il est donc possible de former un recours en référé-suspension contre les arrêtés préfectoraux en question.
Le Conseil censure aussi avec effet immédiat les dispositions de l'article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales relatives au rattachement d'office d'une commune à un EPCI à fiscalité propre (Cons. const., décision n° 2014-391 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5361MKR). Il est vrai qu'une telle censure n'implique pas de grand bouleversement sur l'ordonnancement juridique de l'intercommunalité, l'essentiel ayant été achevé par l'application des textes antérieurs. La censure est donc applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision.
La même solution a été appliquée dans la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5363MKT). Le Conseil constitutionnel a noté que le législateur était déjà intervenu par une loi postérieure afin de remédier à cette inconstitutionnalité. De sorte que l'application immédiate de la censure de l'article dans sa rédaction antérieure n'entraînait pas de conséquences manifestement excessives.
Il en est de même dans la décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 (N° Lexbase : A6403MPT). Le Conseil a toutefois ôté tout effet rétroactif en précisant que "les prestations compensatoires fixées par des décisions définitives en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité". La décision du Conseil constitutionnel ne peut donc constituer un motif pour demander la révision de prestations compensatoires fixées par des décisions définitives.
Le Conseil fait preuve d'une grande précision dans l'aménagement des effets dans le temps de l'inconstitutionnalité. Ainsi, l'application immédiate est aussi la solution retenue dans la décision n° 2014-403 QPC du 13 juin 2014 (N° Lexbase : A5442MQM), mais elle conduit le Conseil à faire oeuvre de reconstruction procédurale. En effet, cette censure risquait de placer les juridictions dans une impasse : la fuite de l'accusé ne permettant plus de déclarer son appel caduc, son recours doit être examiné et un nouveau procès se tenir, malgré son absence. Or, le procès devant la cour d'assises statuant en appel ne peut être mené qu'en présence de l'accusé, puisque la loi exclut l'application de la procédure du défaut en matière criminelle en appel. Aussi, dans l'attente d'une éventuelle intervention du législateur qui pourrait retenir une solution différente, le Conseil a précisé "qu'afin de permettre le jugement en appel des accusés en fuite, il y a lieu de prévoir que, nonobstant les dispositions de l'article 380-11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8657HWK), ils pourront être jugés selon la procédure du défaut en matière criminelle". Selon les commentaires officiels, cette solution permet d'éviter que l'abrogation à effet immédiat crée une situation de blocage. Elle rejoint la pratique qui accepte de recourir à la procédure par défaut devant la cour d'assises statuant en appel lorsque l'appel émane du ministère public à titre principal et que l'accusé ne se présente pas.
La définition des effets dans le temps des décisions de non-conformité peut s'avérer fort complexe, particulièrement s'agissant de la maitrise des effets que la disposition censurée a produit avant la déclaration d'inconstitutionnalité. La décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014 (N° Lexbase : A6295MRL) en témoigne, quant à l'éventuelle remise en cause de la fixation du nombre et de la répartition des sièges dans une communauté de communes ou une communauté d'agglomération décidée avant cette décision. Au terme d'une décision instructive quant à la méthode d'analyse utilisée, le Conseil a procédé à un aménagement très fin de l'effet immédiat de sa censure, d'une part pour préserver le plus possible l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité à la solution des instances en cours, et d'autre part pour garantir le respect du principe d'égalité devant le suffrage pour les élections à venir. Sur ce dernier point, le Conseil va jusqu'à souligner qu'il "y a lieu de prévoir la remise en cause du nombre et de la répartition des sièges dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération au sein desquelles le conseil municipal d'au moins une des communes membres est, postérieurement à la date de la publication de la présente décision, partiellement ou intégralement renouvelé". Ce qui revient à obliger que soient tirées immédiatement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel.
Dans la décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8257MIN), le Conseil a aménagé assez strictement les effets de l'application immédiate de sa censure. Il a jugé que, d'une part, "elle n'ouvre droit à aucune demande en réparation du fait de la destruction de biens opérée antérieurement à cette date", et que, d'autre part, "les poursuites engagées dans des procédures dans lesquelles des destructions ont été ordonnées en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité". Ce haut degré de restriction permet en réalité de maintenir au mieux le principe de l'application immédiate de l'inconstitutionnalité prononcée, et d'éviter le prononcé d'un report ad futurum.
2 - Abrogation à effet différé (report de la déclaration d'inconstitutionnalité) et préservation de l'effet utile
On sait que les critères exacts qui conduisent le Conseil constitutionnel, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, à moduler les effets dans le temps de ces décisions, ne sont pas toujours parfaitement établis. Régler la question des effets dans le temps de sa déclaration d'inconstitutionnalité est un enjeu parfois fort complexe, plus encore lorsque le report ad futurum doit se concilier avec la préservation de l'effet utile et la détermination de la règle applicable pendant la période transitoire. Le Conseil constitutionnel livre de nouveaux développements sur ce point.
Dans la décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 précitée, le Conseil censure avec effet différé au 1er janvier 2015 une disposition qui aurait pu avoir des incidences négatives quant à la recherche d'auteurs d'infractions. On retrouve une logique identique à celle retenue dans les précédentes affaires en matière de visite et perquisition, ou même de garde à vue. Le Conseil ajoute "que les poursuites engagées à la suite des opérations de visite domiciliaire de perquisitions ou de saisies mises en oeuvre avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité". Il s'agit de réserver le bénéfice de la déclaration d'inconstitutionnalité aux cas dans lesquels les opérations de visite domiciliaire, perquisition et saisie ne seraient pas suivies de poursuites. Il convient d'être attentif à la réception de cette décision par la Cour de cassation, laquelle avait remis en cause ce report à propos de la présence d'un avocat lors de la garde à vue.
Un même report a été décidé dans la décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8256MIM) s'agissant de la censure d'une disposition relative au "portage salarial" pour incompétence du législateur. Il s'agit de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité. A défaut, un vide juridique aurait résulté de la remise en cause des accords collectifs auxquels renvoyait inconstitutionnellement la loi.
Le report prononcé dans la décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0198MQE) est exemplaire des difficultés que le Conseil est amené à prendre en considération pour aménager dans le temps les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Cela tient à la nature même de la procédure incriminée, en l'occurrence au mécanisme de prélèvement annuel sur les communes contributrices et aux modalités de calcul du plafonnement. Une censure sèche aurait conduit à réviser le montant des prélèvements, notamment pour l'année en cours. Le report présente alors un double intérêt : permettre de ne pas remettre en cause les prélèvements opérés au titre de l'année 2014 et des années antérieures, et donner au législateur la possibilité d'intervenir à l'occasion des textes financiers à venir.
Une censure ne crée pas toujours l'obligation pour le législateur d'intervenir postérieurement à l'abrogation des dispositions contestées, même si des droits accordés par ces dispositions sont supprimés. Le choix du report est alors de bonne politique "afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité" pour reprendre le considérant désormais classique du Conseil (5). Le Conseil estime, en effet, qu'il ne lui appartient pas d'imposer au législateur celle des solutions conforme aux exigences constitutionnelles qui aurait sa préférence.
Dans sa décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014, relative au schéma régional éolien (N° Lexbase : A8793MKU), le Conseil a estimé que la remise en cause des effets produits par les dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives, et ce en raison du nombre élevé de schémas adoptés selon une procédure non conforme. Il a précisé que "les mesures prises avant cette date sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité", ce qui signifie que les schémas adoptés avant la décision d'inconstitutionnalité ne sont pas remis en cause. On observera que, dans cette affaire, l'état du droit résultant de l'abrogation est susceptible de demeurer sans pour autant appeler nécessairement une nouvelle intervention du législateur. Il appartient donc au législateur d'apprécier, d'ici le 1er janvier 2015 fixe le Conseil, s'il entend substituer aux dispositions déclarées contraires à la Constitution un dispositif spécial de participation du public pour l'élaboration des schémas, ou s'il laisse produire tous ses effets à l'abrogation de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 222-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7793IML), ce qui aurait pour effet de rendre l'article L. 120-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6346IXC) et la règle générale qu'il contient applicable à l'élaboration de ces schémas.
La même logique préside dans la décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0200MQH). L'abrogation en cause supprime pour certains contribuables le droit à imputation des frais de garantie engagés lors du sursis de paiement de l'imposition contestée. Une censure à effet immédiat aurait eu pour effet de priver tous les contribuables ayant engagé des frais de garantie à l'occasion d'une action contentieuse à l'encontre de certaines impositions de la possibilité d'obtenir cette imputation. Pour le reste, il appartient donc au législateur de faire le choix, soit de mettre un terme à toute forme de récupération des frais de garantie quand la demande d'un contribuable est rejetée, soit, à l'inverse, d'appliquer les mêmes règles de récupération des frais de garantie constitués lors du sursis de paiement.
Cette affaire présente un intérêt complémentaire. L'abrogation à effet différé posait la question de la préservation de l'effet utile de la décision pour la solution des instances en cours, et notamment pour celle à l'occasion de laquelle la QPC a été soulevée, dès lors qu'aucune conséquence manifestement excessive ne pouvait résulter d'une imputation des frais engagés lors de la constitution de garanties sur les intérêts de retard (tant en raison de la faiblesse des sommes en jeu que du faible nombre d'affaires). Alors que, jusqu'à maintenant, il recourait principalement à la technique du sursis à statuer du juge jusqu'à l'intervention de la loi remédiant à l'inconstitutionnalité (6), le Conseil inaugure une nouvelle voie plus directive afin de préserver, par une réserve d'interprétation transitoire, l'effet utile de sa décision. En l'espèce, il a jugé que "les frais de constitution de garanties engagés à l'occasion d'une demande de sursis de paiement formulée en application du premier alinéa de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4684ICH) avant l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, avant le 1er janvier 2015 sont imputables soit sur les intérêts moratoires prévus par l'article L. 209 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L7620HEX), soit sur les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0141IW7) dus en cas de rejet, par la juridiction saisie, de la contestation de l'imposition". Cette réserve neutralise les effets inconstitutionnels de la disposition en cause jusqu'à son remplacement par la loi nouvelle. Elle s'articule avec le fait que l'abrogation différée permet au législateur de choisir la solution juridique ayant sa préférence, soit qu'il intervienne et fasse bénéficier tous les contribuables contestant une imposition du même remboursement des frais de garantie, soit qu'en l'absence de toute nouvelle disposition législative, s'instaure un régime privant tous les contribuables du remboursement des frais engagés pour constituer des garanties lorsque la contestation d'une imposition en sursis de paiement est rejetée.
Le report couplé à la préservation de l'effet utile par voie de réserve d'interprétation transitoire se retrouve, dans une version plus affinée encore, dans la décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 précitée. Là encore en matière d'égalité devant l'impôt et la loi fiscale, le Conseil constitutionnel censure, en l'espèce, un dispositif législatif instaurant un régime fiscal dérogatoire taxant les rachats d'actions au régime des plus-values. L'effet de cette censure laisse au législateur le choix soit de conserver le régime fiscal hybride de taxation, lequel serait généralisé à l'ensemble des rachats d'actions, soit, à l'inverse, de prévoir en toute hypothèse un autre régime fiscal (le cas échéant, le régime fiscal dérogatoire censuré qui serait généralisé), soit d'instaurer des régimes fiscaux distincts selon des critères de taxation objectifs et rationnels et en lien avec l'objectif poursuivi. Comme dans la décision n° 2014-400 QPC, le Conseil a énoncé une réserve d'interprétation pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'abrogation à effet différé, permettant l'application du régime le plus favorable. Plus encore, dans la mesure où cette réserve portait pour partie sur une période au cours de laquelle le législateur est susceptible de modifier les règles applicables (pour l'année fiscale 2014, en vertu de la règle dite de la petite rétroactivité fiscale), le Conseil a été conduit à décomposer la réserve d'interprétation en deux catégories : l'une applicable en toute hypothèse, pour la période antérieure au 1er janvier 2014, l'autre applicable sous réserve d'une éventuelle modification des dispositions législatives pour prévoir un dispositif différent mais conforme aux exigences constitutionnelles, pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2015, date de l'abrogation à effet différé.
Chacun appréciera l'extraordinaire complexification de la gestion dans le temps des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Le Conseil se dote ici d'un outil très performant (mais nécessairement intrusif) pour limiter les conséquences du report et concilier ce report avec l'objectif de préservation de l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité. Il témoigne de l'importance de son office régulateur dont il entend pleinement se saisir.
3 - Déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé
Une déclaration d'inconstitutionnalité peut être sans effet. La décision n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK) nous en donne une illustration inédite. Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la QPC, le Conseil constitutionnel était confronté à une situation dans laquelle des dispositions législatives méconnaissant une exigence constitutionnelle étaient, sans avoir été modifiées ou remplacées, "devenues" conformes à cette exigence du fait de l'entrée en vigueur d'autres garanties légales.
Devant cette situation originale, le Conseil procède en deux temps, dont la dissociation révèle sous un autre jour la distinction à faire entre inconstitutionnalité et abrogation. D'une part, le Conseil constate que les dispositions législatives nouvelles mettent fin à l'inconstitutionnalité constatée. De sorte qu'il n'y a plus lieu de prononcer l'abrogation des dispositions contestées pour ou en raison de la période antérieure à l'entrée en vigueur des modifications "constitutionnalisantes". D'autre part et surtout, se pose la question de la remise en cause des effets passés. En effet, par principe, l'inconstitutionnalité antérieure demeure susceptible d'entraîner la remise en cause des décisions prises sur le fondement des dispositions contestées. Il appartient donc au Conseil de déterminer si celle-ci constituerait des conséquences manifestement excessives. Exercice à haut degré de concrétisation de son contrôle s'il en est. En l'espèce, ainsi que l'explique le commentaire officiel, le Conseil a relevé que huit arrêtés adoptés en application des dispositions contestées étaient concernés... ce qui a été jugé comme excessif, sans qu'on puisse précisément déterminer le point de bascule.
Quoi qu'il en soit, sans effet abrogatif et privé d'effet pour remettre en cause les actes antérieurs, la déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé est finalement, de droit puis de fait, dépourvue de toute portée. Est-ce à dire qu'elle est inutile ? Sans doute pas. Certes, les décisions antérieures prises sur leur fondement des dispositions inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Mais l'inconstitutionnalité est constatée pour la période visée, elle pourrait, par exemple, justifier d'éventuels recours en responsabilité...
(1) Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L6333G9G), art. 3.
(2) Nos obs., Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, n° 54.
(3) Cass. soc., 20 février 2014, n° 13-20.702, FS-P+B (N° Lexbase : A7751MES).
(4) Cons. const., décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (N° Lexbase : A2111D93).
(5) Not. Cons. const., décisions n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 (N° Lexbase : A3844HHT), n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 (N° Lexbase : A1900HMC) et n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 (N° Lexbase : A7832HYQ).
(6) Pour un point, nos obs., Les effets dans le temps des décisions QPC. Le Conseil constitutionnel, maître du temps'' ? Le législateur, bouche du Conseil constitutionnel ?, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2013, n° 40, pp. 63-83.
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