La lettre juridique n°586 du 9 octobre 2014 : Fiscalité immobilière

[Doctrine administrative] Le feuilleton des plus-values immobilières des particuliers n'est pas terminé !

Réf. : BoFip - Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ)

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N3997BUL

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par Franck Llinas, Avocat Associé, Arsene Taxand

le 09 Octobre 2014

Il y a presque un an jour pour jour (1), nous vous faisions part dans cette revue d'une énième réforme des plus-values immobilières qui, certes, globalement, allégeait la fiscalité afférente aux plus-values réalisées sur les cessions d'immeubles, droits immobiliers ou parts dans une société à prépondérance immobilière, mais qui l'alourdissait au contraire pour les cessions de terrains à bâtir. En particulier, les commentaires de l'administration fiscale introduits au BoFip, le 9 août 2013 (2) (légalisés ensuite par la loi de finances pour 2014 (3)), permettaient de ramener le délai de détention de 30 à 22 ans pour bénéficier d'une exonération totale d'imposition des plus-values. Le délai pour bénéficier d'une exonération totale de prélèvements sociaux était, quant à lui, maintenu à 30 ans.

Par ailleurs, une exonération exceptionnelle supplémentaire de 25 % était offerte pour toute cession de bien immobilier ou de droit portant sur ce bien réalisée entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 (applicable sur l'assiette imposable tant pour l'impôt sur le revenu que pour les prélèvements sociaux). Il s'agissait d'une mesure tendant à favoriser un "choc d'offre" pour enrayer l'augmentation des prix de l'immobilier.

En revanche, les cessions de terrains à bâtir étaient non seulement exclues du dispositif d'abattement exceptionnel de 25 %, mais ne bénéficiaient également plus d'abattement pour durée de détention pour les cessions réalisées après le 1er mars 2014. Le Parlement pensait à l'époque pouvoir ainsi lutter contre la rétention du foncier (entraînant sa cherté) en invitant les propriétaires de terrains à bâtir à les céder avant cette date afin de bénéficier encore d'une fiscalité allégée.

Dans ces colonnes, nous regrettions, d'une part, qu'au lieu d'inciter les propriétaires à vendre à des conditions fiscales encouragées, le législateur les incitait à vendre rapidement pour ne pas subir l'assommoir fiscal. Nous doutions, d'autre part, de l'efficacité de cette stratégie.

Il semble que l'efficacité de la mesure ne se soit pas confirmée et nous assistons à un revirement complet opéré par la politique annoncée en fin d'été par le Premier ministre, Manuel Valls.

C'est une bonne chose !

Avant même l'adoption d'une loi, l'administration fiscale a publié ses commentaires par voie de mise à jour de sa base BoFip en date du 10 septembre 2014 (4). Nous assistons donc cette année encore à l'émergence d'une nouvelle norme du droit : l'administration fiscale commente un texte qui n'a pas encore été voté. Ces commentaires l'engagent pourtant dans la mesure où les contribuables peuvent s'en prévaloir tant que les commentaires ne sont pas rapportés. Le jeu peut donc être dangereux ! Il est vrai que le le projet de loi de finances 2015 présenté le mercredi 1er octobre 2014 en conseils des ministres, reprend les mesures commentées par l'administration fiscale qui pourraient donc être votées en fin d'année, validant ainsi a posteriori la position de Bercy.

Qu'en est-il exactement ?

Le dossier de presse relatif au projet de loi de finances pour 2015 explique que, dans le cadre du plan de relance de la construction de logements et face au constat que le régime fiscal actuel en matière de plus-value incite à la rétention du foncier, le Gouvernement propose deux mesures importantes qui visent spécifiquement les terrains à bâtir.

D'une part, l'administration commente l'instauration d'une mesure, qu'elle présente comme pérenne, visant à rétablir la cohérence entre les cessions d'immeubles et les cessions de terrains à bâtir. En effet, à compter du 1er septembre 2014, toute cession de terrain à bâtir sera régie par les mêmes règles d'abattement en raison de la durée de détention que celles applicables aux autres cessions d'immeubles ou de droits y afférent pour la détermination de la plus-value imposable. Ainsi, les cessions de terrains à bâtir détenus depuis au moins 22 ans seraient complètement exonérées d'impôt sur le revenu (abattement de 6 % par année de détention au-delà de la 5ème et 4 % au titre de la 22ème année). Il faudra attendre en revanche 30 ans pour être complètement exonéré de prélèvements sociaux (1,65 % par année de détention au-delà de la 5ème année, puis 1,60 % au titre de la 22ème année et enfin 9 % par année de détention au-delà de la 22ème année). On ne peut que saluer ce retour à l'équité ! Pour la simplicité du mécanisme, on aurait pu espérer également que la durée de détention soit la même pour l'impôt sur le revenu et pour les prélèvements sociaux. Les besoins en matière de recettes fiscales ont certainement eu le dernier mot.

D'autre part et de façon plus temporaire, un abattement exceptionnel supplémentaire de 30 % est instauré pour les cessions de terrain à bâtir qui répondent à certaines conditions. L'administration fiscale précise qu'il s'agit des terrains à bâtir au sens de la TVA sur les opérations immobilières définis au 1° du 2 du I de l'article 257 du CGI (N° Lexbase : L1381IZ8). Sont visés ici les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9350IZC). Pour être éligible au dispositif, la cession doit être engagée par une promesse de vente ayant acquis date certaine entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015 et soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la 2ème année suivant celle de la signature de la promesse de vente. L'administration précise qu'il devra s'agir d'une promesse passée en la forme authentique ou, lorsque passée par acte sous seing privé, elle aura acquis date certaine au sens des dispositions de l'article 1328 du Code civil (N° Lexbase : L1438ABU) (enregistrement de l'acte notamment). En d'autres termes, il faut que la promesse de vente soit signée au plus tard le 31 décembre 2015 et que la vente soit définitivement conclue dans les deux ans, soit le 31 décembre 2017 au plus tard, pour les promesses signées le 31 décembre 2015. Cet abattement supplémentaire de 30 % est applicable, pour la détermination de l'assiette nette imposable, après prise en compte de l'abattement pour durée de détention calculé dans les conditions mentionnées ci-avant.

Par ailleurs, il est précisé que l'abattement exceptionnel de 30 % est applicable pour la détermination de l'assiette imposable tant à l'impôt sur le revenu qu'aux prélèvements sociaux. Il s'agit donc d'une mesure forte qui pourrait effectivement inciter les propriétaires à anticiper ou provoquer des arbitrages sur leur patrimoine foncier. Avec un afflux important de foncier sur le marché, les prix pourraient être revus à la baisse, c'est en tous les cas le souhait du Gouvernement, ce qui permettrait aux promoteurs de réaliser des programmes immobiliers moins onéreux et donc d'améliorer l'accessibilité à la propriété des primo-accédant en particulier.

Ce dispositif n'est toutefois pas applicable en cas de cession réalisée dans le cercle familiale restreint (conjoint, partenaire lié par un PACS, concubin notoire, ascendant ou descendant...).

Enfin, et même si l'on doit saluer cette mesure, on regrettera que la mesure exceptionnelle visant la cession d'immeuble applicable jusqu'au 31 août 2014 n'ait pas été reconduite dans les mêmes conditions que celles applicables aux cessions de terrain à bâtir.


(1) Nos obs., Une énième réforme des plus-values immobilières des particuliers, Lexbase Hebdo, édition fiscale n° 545, du 24 octobre 2013 (N° Lexbase : N9054BTI).
(2) BoFip-Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ) et BOI-RFPI-PVINR-20-10 (N° Lexbase : X6780ALP).
(3) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW).
(4) BoFip-Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ).

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