La lettre juridique n°585 du 2 octobre 2014 : Fonction publique

[Chronique] Chronique de droit de la fonction publique - Octobre 2014

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N3840BUR

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par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et Avocat à la cour

le 02 Octobre 2014

En juillet 2014, le Conseil d'Etat a rendu trois décisions méritant d'être signalées. Dans un arrêt du 16 juillet, il assouplit les conditions dans lesquelles un suicide ou une tentative de suicide d'un agent peut être reconnu imputable au service (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 361820, publié au recueil Lebon). Le même jour, une décision considère que le recours à un détective privé n'est pas déloyal lorsqu'il s'agit de rapporter la preuve d'une faute disciplinaire (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 355201, publié au recueil Lebon). Enfin, le 23 juillet 2014, le Conseil a rejeté le recours formé par plusieurs syndicats de fonctionnaires à l'encontre du décret n° 82-447 du 16 février 2012 (N° Lexbase : L0991G89), modifiant les règles d'exercice du droit syndical (CE 1° et 6° s-s-r., 23 juillet 2014, n° 358349, publié au recueil Lebon).
  • Le suicide (ou la tentative) intervenu sur le lieu et dans le temps du service doit être déclaré imputable à ce celui-ci (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 361820, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4411MUW)

La problématique du suicide (ou de sa tentative) des agents publics est complexe (1). Elle s'inscrit dans le contexte de prévention et de lutte contre les risques psychosociaux au travail, qui constituent une priorité du Gouvernement et ont donné lieu à la signature d'un accord transversal le 22 octobre 2013 (2). Au plan juridique, les employeurs publics sont tenus de respecter l'obligation, issue de l'article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3097INZ), de prendre "les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Lorsque le risque se réalise, la question de l'imputabilité d'un suicide au service s'avère importante puisque le statut général des fonctionnaires instaure un régime de protection sociale et de retraite particulier pour les victimes d'accidents de service ou leurs ayants-droits (3).

La jurisprudence du Conseil d'Etat se montrait, jusqu'à l'arrêt du 16 juillet 2014, assez prudente sur le reconnaissance de l'imputabilité des suicides au service. De manière générale, un accident est rattaché au service lorsqu'il "est survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou au cours d'une activité qui constitue le prolongement du service" (4). En présence d'un suicide ou d'une tentative, le Conseil d'Etat estimait, traditionnellement, que le caractère volontaire de cet acte excluait qu'il put être rattaché au service, sauf circonstance particulière. C'était le cas dès lors que l'autolyse a eu "pour cause déterminante un état maladif se rattachant au service" (5) ou résultait d'un surmenage intensif auquel l'agent avait été soumis en raison des modifications importantes apportées dans le service (6). Il en allait de même lorsque l'administration a créé une situation matérielle et psychologique favorable à l'accomplissement d'un acte suicidaire (7), parfois dans des conditions proches du harcèlement moral (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 6 quinquies N° Lexbase : L6938AG3) (8). En revanche, la circonstance qu'une maladie dépressive aurait pu se trouver aggravée par la surcharge de travail à laquelle l'agent estimait être confronté et par la perspective de mutations qu'il n'aurait pas souhaitées est insuffisante pour faire regarder son suicide comme ayant une origine dans le service (9).

L'arrêt rapporté marque un assouplissement de cette position. Désormais, le juge administratif applique au suicide les critères généraux de qualification des accidents de service. Ainsi, l'évènement sera reconnu imputable dès lors qu'il sera survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice, ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions, ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal. Lorsque ces conditions seront réunies, l'administration, pour s'opposer à une demande d'imputabilité, devra rapporter la preuve d'une faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service.

Ainsi, lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service, il doit être déclaré imputable au service. En l'espèce, une fonctionnaire territorial, a tenté de se suicider le 28 avril 2009 sur son lieu de travail et pendant ses horaires de service. En dépit de l'avis favorable de la commission de réforme, qui avait conclu à l'existence d'un lien unique, direct et incontestable entre l'évènement du 28 avril 2009, et le service, le maire de la commune avait refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet événement.

La présomption d'imputabilité au service du suicide intervenu sur le lieu et dans le temps de service constitue un rapprochement avec la position adoptée par la Cour de cassation dans le domaine des accidents du travail, qui a jugé que le suicide survenu au temps et au lieu de travail implique une présomption d'imputabilité posée par les dispositions de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD) (10).

Si l'agent s'est suicidé (ou a tenté de le faire) en dehors de ses lieu et temps de travail (ou du prolongement normal de ceux-ci), il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de déterminer si le suicide ou la tentative de suicide présentent un lien direct avec le service, c'est-à-dire que l'agent (ou ses ayants-droits) devront rapporter la preuve du caractère déterminant du service dans le passage à l'acte.

On notera également que l'arrêt commenté prend soin de préciser que, quelle que soit l'hypothèse, il appartient toujours au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

  • La preuve des manquements disciplinaires par l'administration : entre liberté et déloyauté (CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 355201, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4410MUU)

L'article 19 du Titre I du Statut général des fonctionnaires (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, précitée) pose le principe suivant lequel "le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination". Au plan procédural, le statut général consacre le caractère contradictoire de l'instance disciplinaire, notamment grâce à la communication du dossier à l'agent visé, l'assistance d'un défenseur et l'intervention, pour les sanctions les plus importantes, de l'avis du conseil de discipline. Dans le cas général, cette instance débute avec la transmission, par l'autorité disciplinaire, du rapport rédigé à l'intention du conseil de discipline. Ce document présente une importance considérable dans la mesure où cet "acte de poursuite" doit comporter un exposé détaillé des faits reprochés à l'agent et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. De plus, l'agent pourra prendre connaissance de ce rapport, dans le cadre de la consultation de son dossier, et il pourra formuler des observations et produire des pièces (ou faire citer des témoins) pour en contester la teneur.

L'administration a donc tout intérêt à disposer, dès ce stade, d'éléments de preuve suffisamment formalisés. Cette exigence apparaît d'autant plus grande qu'en matière disciplinaire, la charge de la preuve des fautes incombe à l'administration (11). En effet, le conseil de discipline n'est pas tenu de recourir aux pouvoirs d'instruction qui lui sont conférés par le statut général (12), notamment son pouvoir d'enquête, et il n'est pas exclu qu'il rende un avis de "non-sanction" en présence d'un dossier administratif insuffisamment étayé.

Les conditions dans lesquelles l'administration peut satisfaire à cette exigence probatoire ne sont pas régies par le statut général des fonctionnaires. La jurisprudence a eu l'occasion de préciser qu'il est possible de confier à un agent du service le soin de collecter les pièces nécessaires à l'instruction du dossier et à la rédaction du rapport destiné au conseil de discipline (13). Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat n'avait eu à censurer que l'absence de partialité de la personne chargée de l'enquête. L'arrêt rendu le 16 juillet 2014 l'a conduit à étendre son contrôle, tout en maintenant la marge de manoeuvre des personnes publiques.

Dans cette affaire, un fonctionnaire territorial critiquait les conditions dans lesquelles le maire d'une commune avait prononcé sa révocation, confirmant en cela un avis du conseil de discipline de recours, après avoir constaté qu'il exerçait sans autorisation une activité lucrative privée par l'intermédiaire de deux sociétés (14). L'agent reprochait à la commune d'avoir fait appel à une agence de détectives privés, cette dernière ayant réalisé des investigations et rédigé un rapport reposant sur des constatations matérielles du comportement de l'agent public à l'occasion de son activité et dans des lieux ouverts au public. C'est sur la base de ce rapport que l'administration avait saisi le conseil de discipline d'une demande de sanction.

Selon l'agent sanctionné, ce mode d'administration de la preuve était déloyal, dans la mesure où il avait été suivi et observé à son insu. Le Conseil d'Etat rejette -comme l'avait fait le juge d'appel (15)- le moyen après avoir indiqué, dans un considérant de principe, "qu'en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen ; que toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; qu'il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir".

Ainsi, l'administration de la preuve a des limites. En l'espèce, le Conseil d'Etat estime que les constats réalisés par le détective privé ne traduisent pas un manquement de la commune à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent et qu'ils peuvent donc légalement constituer le fondement de la sanction disciplinaire litigieuse. Si, comme cela est souvent le cas, la consécration d'un "principe" (même s'il ne s'agit pas ici d'un principe général du droit) s'accompagne du rejet de la requête, la liberté d'action des employeurs s'en trouve limitée.

La solution dégagée par le Conseil d'Etat doit être rapprochée de la position des juridictions judiciaires. Depuis un arrêt d'Assemblée plénière du 7 janvier 2011 (16), la Cour de Cassation a consacré un principe de loyauté dans l'administration de la preuve, duquel il ressort que les procédés clandestins ne peuvent servir à constituer une preuve contre un tiers (17). S'agissant des filatures, leur admission varie selon le type de contentieux. La première chambre civile de la Cour suprême (18) estime que, si la filature organisée par l'assureur pour s'assurer de la réalité du préjudice est une atteinte à la vie privée de l'assuré, cette atteinte est proportionnée dès lors qu'elle est organisée sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, sans provocation aucune à s'y rendre. De son côté, la chambre sociale considère illicite les filatures clandestines de salarié, même en dehors des locaux de l'entreprise (19). Elle a néanmoins admis qu'une cour d'appel retienne comme mode de preuve licite un constat dressé par un huissier qui s'est borné à effectuer dans des conditions régulières, à la demande de l'employeur, des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d'éclairer ses constatations matérielles (20). Le contentieux de la fonction publique se veut donc plutôt libéral pour les employeurs puisqu'il ressort de l'arrêt commenté qu'une "simple" filature, sans provocation, constitue un mode de preuve loyal que le juge ne peut rejeter en tant que tel.

  • Modalités de la répartition des facilités reconnues aux syndicats de fonctionnaires de l'Etat (CE 1° et 6° s-s-r., 23 juillet 2014, n° 358349, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7256MUB)

Les accords de Bercy du 2 juin 2008 sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ont eu, notamment, pour incidence de modifier en profondeur les conditions de représentativité des syndicats de fonctionnaires. Ces accords ont été transposés dans le statut général par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (N° Lexbase : L6618IM3). Jusqu'à présent, l'article 9 bis du Titre I du Statut général, issu de la loi du 16 décembre 1996, relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire (N° Lexbase : L1809ASS), posait le principe de la représentativité de certains syndicats à l'aune de leurs résultats aux élections professionnelles. Ainsi, étaient "regardés comme représentatifs de l'ensemble des personnels soumis aux dispositions de la présente loi les syndicats ou unions de syndicats de fonctionnaires qui : 1° disposent d'un siège au moins dans chacun des conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; 2° ou recueillent au moins 10 % de l'ensemble des suffrages exprimés lors des élections organisées pour la désignation des représentants des personnels soumis aux dispositions de la présente loi aux commissions administratives paritaires et au moins 2 % des suffrages exprimés lors de ces mêmes élections dans chaque fonction publique. Cette audience est appréciée à la date du dernier renouvellement de chacun des conseils supérieurs précités. Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, ne sont prises en compte en qualité d'unions de syndicats de fonctionnaires que les unions de syndicats dont les statuts déterminent le titre, prévoient l'existence d'organes dirigeants propres désignés directement ou indirectement par une instance délibérante et de moyens permanents constitués notamment par le versement de cotisations par les membres".

A la suite de la réforme, la notion de représentativité (21) disparaît au profit de conditions légales objectives. Ces conditions sont, d'une part, le dépôt légal des statuts depuis au moins deux ans et, d'autre part, le respect des valeurs républicaines et d'indépendance. Sont également recevables à présenter des candidats aux élections professionnelles les organisations syndicales de fonctionnaires affiliées à une union de syndicats de fonctionnaires qui remplit les conditions précitées. La loi de 2010 prévoit, toutefois, que seules certaines organisations syndicales pourront participer aux négociations professionnelles (article 8 bis du Titre I du Statut général). Ces organisations sont celles disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation.

Afin de tenir de compte de cette évolution, le Gouvernement a modifié, par décret, certaines dispositions du décret n° 82-447 du 28 mai 1982, relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique (22). Plusieurs syndicats de fonctionnaires ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir diverses dispositions du décret n° 2012-224 du 16 février 2012 (N° Lexbase : L1856ISK), notamment en ce qu'il détermine les conditions dans lesquels les syndicats peuvent bénéficier d'avantages matériels. Le Conseil d'Etat rejette la requête après avoir précisé les pouvoirs conférés au Gouvernement pour organiser, dans l'intérêt du service, l'exercice de la liberté syndicale.

Le syndicat requérant soutenait, en premier lieu, que le pouvoir réglementaire avait excédé sa compétence en réservant la mise à disposition d'un local syndical et la faculté de tenir des réunions mensuelles d'information durant les heures de service aux organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein du comité technique (au niveau du service ou du groupe de service concerné) ou d'au moins un siège au sein du comité technique ministériel ou du comité d'établissement public de rattachement. De même, il reprochait au décret de prévoir que le contingent global de crédit de temps syndical est réparti, pour une moitié, entre les organisations syndicales représentées au comité technique ministériel, en fonction du nombre de sièges qu'elles détiennent, et, pour l'autre moitié, entre toutes les organisations syndicales ayant présenté leur candidature à l'élection du comité technique ministériel, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues.

Il était fait grief au Gouvernement d'avoir empiété sur le domaine de la loi (23), tel qu'il résulte de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 (N° Lexbase : L0860AHC). Il ressort, en effet, de ce texte que le législateur est compétent pour fixer les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat et déterminer les principes fondamentaux du droit syndical. Pour rejeter la requête sur ce point, le Conseil d'Etat souligne que le Législateur est intervenu, par l'intermédiaire de la loi du 5 juillet 2010 (art. 8 bis du Titre I du Statut général), pour poser un critère de représentativité syndicale au titre de la mise en oeuvre du principe de participation des travailleurs, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail (point n° 4) (24). Bien que ce critère soit attaché à une modalité particulière du droit syndical (la négociation d'accords professionnels), le juge administratif considère qu'elle autorise le pouvoir réglementaire à prendre les mesures d'organisation du droit syndical dans les services en se référant au critère légal de représentativité. Le décret attaqué ne substitue pas un nouveau critère à celui de l'article 8 bis. Il se borne à faire usage de ce critère pour attribuer des facilités syndicales (locaux, droit de réunion d'information mensuelles et crédit-temps), compte tenu soit des nécessités du service, soit de l'objet même de ces facilités (25). Ainsi, la rénovation du dialogue social ne se traduit pas par l'accès illimité et strictement égal de l'ensemble des organisations syndicales à ces facilités.

Le Conseil d'Etat rejette également le moyen tiré de l'atteinte à des principes de valeur constitutionnelle : la liberté syndicale et le principe de non-discrimination entre organisations syndicales. Sur ce point, on rappellera que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 pose le principe suivant lequel "tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix". La jurisprudence n'hésite pas à se référer explicitement à ce texte (26). Dans son point n° 6, l'arrêt commenté justifie également la protection de la liberté syndicale par deux instruments internationaux : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme du 4 novembre 1950 (articles 11 et 14) ainsi que, ce qui, à notre connaissance est nouveau, l'article 5 de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 (27). Cela implique que le juge n'exclut pas, si nécessaire, d'écarter une disposition législative dans le cadre de son contrôle de conventionnalité. Pour autant, en l'espèce, il rejette l'argument avancé par les requérants. Il considère, en effet, que le pouvoir règlementaire a agi en fonction de l'intérêt du service en réservant à certaines organisations la mise à disposition de locaux et la possibilité d'organisation des réunions d'informations d'information pendant les heures de service. En revanche, l'arrêt (point n° 7) relève que décret attaqué maintient le droit, au profit de toute organisation syndicale, à l'intérieur des bâtiments administratifs, de tenir des réunions statutaires ou d'information en dehors des heures de service, d'afficher et de distribuer des documents d'origine syndicale et de collecter les cotisations syndicales. Quant au crédit d'heures syndicales, dont la répartition est liée pour partie au résultat aux élections, il n'apparaît pas non plus discriminatoire dès lors que les organisations reconnues représentatives par la loi disposent de responsabilités particulières dans la conduite des négociations professionnelles.


(1) Faisant le point sur la jurisprudence antérieure à l'arrêt du 16 juillet 2014, v. A. Slimani, Le suicide entre acte volontaire et responsabilité de l'administration, AJFP, 2014. 164.
(2) Cf. circulaire du Premier ministre du 20 mars 2014, fixant les conditions de mise en oeuvre du plan national d'action pour la prévention des risques psychosociaux dans les trois versants de la fonction publique (N° Lexbase : L9647IZC).
(3) Voir Titre I du Statut général, art. 57-2 et C. pens. retr., art. L. 28 (N° Lexbase : L2643IZW).
(4) CE 2° et 7° s-s-r., 31 mars 2014, n° 368898, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6439MIC).
(5) CE 2° et 4° s-s-r., 26 février 1971, n° 76967, publié au Lebon (N° Lexbase : A7702B8R).
(6) TA Marseille, 18 janvier 1974 : publié au Lebon.
(7) CAA Lyon, 2ème ch., n° 93LY01298, publié au Lebon (N° Lexbase : A3935BGT) ; CE, Sect., 28 juillet 1993, n° 121702, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0302ANI), AJDA, 1993. 746 , obs. J. Moreau, RFDA, 1994. 575, note P. Bon.
(8) CAA Marseille, 2ème ch., 3 juillet 2007, n° 04MA01271 (N° Lexbase : A6755DXH), AJDA, 2007, p. 1950 : conditions de travail de nature à alimenter objectivement le sentiment d'exclusion ressenti par l'intéressé.
(9) CE 7° s-s., 25 avril 1997, n° 163213, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9439ADX).
(10) Cass. civ. 2, 14 mars 2007, n° 05-21.090, F-D (N° Lexbase : A7058DUX) ; Cass. civ. 2, 12 juillet 2012, n° 11-22.134, F-D (N° Lexbase : A8026IQC).
(11) CE, 8 juin 1966, Banse, publié au recueil Lebon, p. 1011.
(12) Décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L1001G8L) ; décret n° 89-677 du 18 septembre 1989, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux (N° Lexbase : L3750G8E) ; décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L5776G9S).
(13) CE, 10 juillet 1963, Hôpital-hospice Georges-Renon, RDP, 1964, p. 427.
(14) L'article 25 du Titre I du Statut général pose le principe de l'interdiction, sauf dérogation autorisée par l'administration, de l'exercice d'une activité accessoire lucrative.
(15) CAA Versailles, 6ème ch., 20 octobre 2011, n° 10VE01892 (N° Lexbase : A0431IRE), AJDA, 2012. 1412, note S. Guérard.
(16) Ass. plén., 7 janvier 2011, P+B+R+I, n° 09-14.316 et 09-14.667 (N° Lexbase : A7431GNK), Bull. Ass. plén., n° 1, D., 2011. 562, obs. Chevrier.
(17) Voir par exemple Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-30.266, FS-P+B (N° Lexbase : A4789IQG), Bull. civ. V, n° 208, Procédures, 2012, comm. n° 286, obs. Bugada, D., 2012. 2826, obs. Delebecque (enregistrement par dictaphone).
(18) Cass. civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-17.476, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3196IWB), Dalloz, 2013, p. 227, note Dupont.
(19) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401, publié (N° Lexbase : A0745A4D), Dr. soc., 2003. 225, D., 2003. 1305, note Ravanas, D., 2003. 1858, note Bruguière.
(20) Cass. soc., 6 décembre 2007, n° 06-43.392, F-D (N° Lexbase : A0451D34). Voir également Cass. soc., 3 décembre 2008, n° 07-43.301, F-D (N° Lexbase : A5300EBW).
(21) Qui subordonne le droit de présenter des candidats aux élections professionnelles.
(22) Bien qu'antérieur au statut général actuel, ce décret constitue toujours le socle juridique de l'exercice du droit syndical dans la fonction publique de l'Etat (cf. décret n° 84-954 du 25 octobre 1984, relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique de l'Etat N° Lexbase : L2760I4Y).
(23) CE 17 décembre 1997, n° 181611 (N° Lexbase : A5850ASH), AJDA, 1998.362, concl. Combrexelle, note Nouel, D. 1998.591, note Jorion : "il appartient au pouvoir réglementaire de fixer les modalités d'organisation d'un service public de l'Etat, sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte aux matières ou principes réservés au législateur".
(24) Au point n° 8, l'arrêt précise, en revanche, que l'article 9 bis du Titre I du Statut général ne définit pas les critères de la représentativité des organisations syndicales, mais se borne à fixer les conditions requises pour qu'une organisation puisse se présenter aux élections professionnelles.
(25) CE 3° et 8° s-s-r., 29 janvier 2003, n° 238069, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0464A7C).
(26) CE, Ass., 16 décembre 2005, n° 259584, publié au Lebon (N° Lexbase : A0979DM9) ; CE 1° et 6° s-s-r., 3 juin 2013, n° 344595, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3357KGG).
(27) En revanche, l'arrêt déclare inopérant le moyen tiré de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le décret attaqué n'étant pas pris pour la mise en oeuvre du droit européen. Quant au non-respect de la loi Convention 87 de l'OIT, elle n'est assortie d'aucune précision.

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