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N2047BUD
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par Bernard Thévenet, Conservateur des hypothèques honoraire, Avocat au barreau de Lyon
le 08 Mai 2014
En vertu de l'article 200 du CGI (N° Lexbase : L1606IZI), ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % (ou 75 % dans certains cas) de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France. Les dons éligibles sont ceux effectués au profit des organismes limitativement désignés par la loi.
II - Organismes concernés
Les organismes désignés par l'article 200 du CGI sont les suivants :
- à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public ;
- à la défense de l'environnement naturel ;
- à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
Ouvrent également droit à la réduction d'impôt, les dons versés :
Concernant certains de ces organismes, il peut être utile de consulter les précisions apportées par l'administration fiscale (BOI-IR-RICI-250-10-20-10-20121001 N° Lexbase : X6992ALK).
III - Conditions à remplir par les organismes désignés à l'article 200 du CGI
A - Exercer l'activité en France
Il n'est pas nécessaire que l'organisme bénéficiaire ait son siège en France. Mais pour que les dons ouvrent droit à la réduction, il faut qu'il exerce en France une activité répondant aux conditions définies à l'article 200 du CGI.
Sont également éligibles à la réduction d'impôt, les dons et versements effectués au profit d'organismes (agréés par l'administration fiscale) dont le siège est situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscales. L'agrément est accordé lorsque l'organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions susmentionnées.
B - Présenter un intérêt général
Les organismes bénéficiaires doivent également présenter un intérêt général, c'est-à-dire :
- avoir une activité non lucrative, étant précisé que l'existence d'activités lucratives ayant fait l'objet d'une sectorisation ne remet pas en cause la qualification d'intérêt général d'une association ou d'une fondation. Pour bénéficier de l'avantage fiscal, les versements doivent cependant être affectés directement et exclusivement au secteur non lucratif de l'organisme bénéficiaire. Cette dernière condition ne peut être considérée comme remplie que si l'association dispose d'une comptabilité distincte pour les secteurs lucratif et non lucratif, y compris si elle souhaite soumettre l'ensemble de ses activités à l'impôt sur les sociétés ;
- avoir une gestion désintéressée ;
- ne pas agir au profit d'un cercle restreint de personnes. Il en serait ainsi des organismes qui auraient pour objet, par exemple, de servir les intérêts d'une ou plusieurs familles, personnes ou entreprises, de faire connaître les oeuvres de quelques artistes ou des travaux de certains chercheurs. C'est ainsi que les associations d'élèves ou d'anciens élèves n'entrent pas dans les prévisions des articles 200 et 238 bis (N° Lexbase : L4617ISS) du CGI, dès lors qu'elles ont principalement pour vocation de créer des liens de solidarité entre leurs membres et d'assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux. Or, ces objets n'entrent dans aucune des catégories mentionnées ci-dessus, qui sont d'interprétation stricte et limitativement énumérées par la loi. Cette doctrine a été validée par le Conseil d'Etat qui a considéré qu'alors même que d'autres dispositions du CGI exonèrent de TVA les services qu'elle rend, eu égard à son absence de but lucratif et aux conditions désintéressées de sa gestion, une association d'élèves ou anciens élèves d'une école, dont l'objet principal est la défense des intérêts matériels et moraux du cercle restreint de ses membres et la création de liens de solidarité entre eux, n'entre pas dans le champ des dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI (CE 3° et 8° s-s-r., 7 févr. 2007, n° 287949, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9652DTN). De la même façon, les associations d'anciens combattants ne peuvent être réputées d'intérêt général puisqu'à travers la défense des intérêts de leurs membres, elles leur procurent au moins indirectement une contrepartie tangible et qu'elles fonctionnent, du fait même des objectifs poursuivis, au profit d'un cercle restreint de personnes. La même doctrine s'applique aux "amicales des retraités et veuves de la profession X", dès lors que ces associations ont pour objet de défendre les intérêts moraux et matériels de tous les ressortissants de la profession en question, et de ce fait, fonctionnent, du fait même des objectifs poursuivis, au profit d'un cercle restreint de personnes.
Cette doctrine sur le cercle restreint est généralement confirmée par les juges administratifs. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a validé un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui avait considéré "que les actions mises en oeuvre par l'association Union sociale maritime consistent, pour l'essentiel, en un suivi social, effectué par des assistantes sociales salariées, de demandes qui lui sont présentées, pour le compte des différents financeurs, par des salariés, des pensionnés ou des organismes maritimes, en matière d'accès aux droits, de prévention, de problèmes financiers ou d'emploi ; qu'il suit de là que l'association Union sociale maritime, chargée de missions relevant du champ de la protection sociale des gens de mer, s'adresse à un public de bénéficiaires potentiels, composé d'inscrits maritimes actifs, de pensionnés et de leurs familles et exclusivement défini par son rattachement à une profession ; qu'ainsi, l'association Union sociale maritime ne peut être regardée comme une oeuvre ou organisme d'intérêt général au sens des dispositions précitées du b du 1 de l'article 200 et du a du 1 de l'article 238 bis du CGI" (CAA Nantes, 1ère ch., 25 mai 2009, nº 08NT01141, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2775ELD).
Cela étant, l'administration fiscale a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de considérer comme fonctionnant au profit d'un cercle restreint de personnes, une association gestionnaire de classes hors contrat qui, tout en conservant son caractère propre, satisfait notamment aux conditions d'enseignement et d'accueil des élèves mentionnées à l'article L. 442-1 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9566ARQ), c'est-à-dire qui respecte la liberté de conscience des élèves et qui est ouvert à tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances (nonobstant l'absence de contrat conclu avec l'Etat). L'administration précise que le don doit être effectué sans contrepartie directe ou indirecte au profit de son auteur et que, par conséquent, les frais de scolarité ne constituent pas des dons éligibles au régime du mécénat (rescrit 2011/34 du 6 décembre 2011 N° Lexbase : L3578IRX).
C - Conditions relatives à la nature des dons
N'ouvrent droit à réduction d'impôt que les véritables dons, c'est-à-dire les versements effectués sans contrepartie directe ou indirecte pour le donateur.
Sur cette notion de contrepartie, l'administration a précisé que l'existence d'une telle contrepartie s'apprécie en fonction de la nature des avantages éventuellement accordés à l'adhérent ou au donateur (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, n° 70 N° Lexbase : X8034AL7). Doivent être distingués les avantages au contenu purement institutionnel ou symbolique (distinguer un membre ou un donateur particulier de l'association en lui conférant un titre honorifique), d'une part, et les contreparties tangibles, sous forme de remise de biens ou de prestations de services, d'autre part.
Dans la première hypothèse, la simple attribution de tels avantages symboliques ne saurait priver les adhérents ni les donateurs du bénéfice de la réduction d'impôt.
Dans la seconde hypothèse, les versements effectués par les bénéficiaires des contreparties sont en principe exclus du champ d'application de la réduction d'impôt ou de la déduction du bénéfice imposable. Par dérogation à ce principe, il est toutefois admis que la remise de menus biens tels qu'insignes, timbres décoratifs, étiquettes personnalisées, affiches, épinglettes, cartes de voeux, etc., ne remette pas en cause l'éligibilité des versements au bénéfice de l'avantage fiscal lorsque les biens remis par l'organisme à chaque adhérent ou donateur au cours d'une même année civile ont une valeur totale faible, et qui présente une disproportion marquée avec le montant de la cotisation ou du don versé. Une telle disproportion sera caractérisée par l'existence d'un rapport de 1 à 4 entre la valeur du bien et le montant du don ou de la cotisation.
Ainsi, pour une cotisation ou un don de 65 euros, la remise d'un bien dont la valeur (la valeur du bien s'apprécie par référence à son prix de revient toutes taxes comprises pour l'organisme) n'excède pas 16 euros n'est pas de nature à remettre en cause l'éligibilité du versement au bénéfice de l'avantage fiscal. En revanche, pour une cotisation ou un don de 300 euros, la valeur des biens remis ne doit pas excéder un montant d'environ 65 euros.
D - Prise en compte des dépenses engagées par les bénévoles
En ce qui concerne la prise en compte des dépenses engagées par les bénévoles pour exercer leur activité associative, l'administration fiscale a indiqué (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, n° 170 et s.) que les frais dont il s'agit :
- doivent être engagés
- doivent être dûment justifiés, par des billets de train, des factures correspondant à l'achat de biens ou au paiement de prestation de services acquitté par le bénévole pour le compte de l'association, le détail du nombre de kilomètres parcourus avec son véhicule personnel pour exercer son activité de bénévole, des notes d'essence, etc.. Chaque pièce justificative doit mentionner précisément l'objet de la dépense ou du déplacement. A titre de règle pratique, le remboursement des frais de voiture automobile, vélomoteur, scooter ou moto, dont le bénévole est personnellement propriétaire, utilisés pour exercer l'activité de bénévole, peut être calculé en utilisant un barème spécifique publié chaque année par l'administration fiscale, sous réserve que la réalité, le nombre et l'importance de ces déplacements puissent être dûment justifiés. Le barème de l'année 2013 est le suivant : 0,34/km pour les voitures et 0,118 pour les vélomoteurs, scooters, motos.
- font l'objet d'une renonciation expresse à leur remboursement de la part du contribuable. L'abandon du remboursement des frais engagés doit donner lieu à une déclaration expresse de la part du bénévole. Cette renonciation peut prendre la forme d'une mention explicite rédigée par le bénévole sur la note de frais, telle que : "Je soussigné (nom et prénom de l'intéressé) certifie renoncer au remboursement des frais ci-dessus et les laisser à l'association en tant que don".
L'organisme doit conserver à l'appui de ses comptes la déclaration d'abandon ainsi que les pièces justificatives correspondant aux frais engagés par le bénévole.
E - Dons en nature
Il est admis que les dons en nature puissent donner lieu à réduction. Il s'agit par exemple de la remise d'oeuvre d'art ou de tout autre objet de collection présentant un intérêt artistique ou historique, étant précisé que le don suppose un transfert de propriété du donateur ou donataire. Dans ce cas, la valeur du don est déterminée lors de sa remise au donataire qui doit vérifier si l'évaluation du donateur correspond à la valeur réelle de l'objet en cause (BOI-IR-RICI-250-20-20120912, précité).
F - Abandons exprès de revenus ou produits
Les abandons exprès de revenus ou produits ouvrent également droit à réduction, étant précisé que les revenus ou produits auxquels les contribuables décident de renoncer au profit d'organismes d'intérêt général (prêts de locaux à titre gratuit, abandon de droits d'auteur ou de produits de placements) doivent néanmoins être assujettis à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.
IV - Montant des dons ouvrant droit à réduction
A - Cas des particuliers
Les versements effectués par les particuliers au profit des oeuvres ou organismes désignés à l'article 200 du CGI ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % ou 75 % (aide aux personnes en difficulté, maximum pris en compte : 521 euros) de leur montant retenu dans la limite de 20 % du revenu imposable. Il a été précisé que le revenu imposable s'entend de la somme des revenus catégoriels nets imposables, diminuée des déficits des années antérieures, de la CSG déductible et de toutes les charges déductibles du revenu global, avant déduction des abattements réservés aux personnes âgées ou invalides et à celles qui ont des enfants majeurs mariés rattachés et majorée des plus-values, revenus et gains taxés au barème selon le système du quotient avant application de celui-ci.
Afin de favoriser les dons d'un montant élevé, le report des sommes qui, en raison de leur importance, n'ont pas pu bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année de leur versement est autorisé sur les cinq années suivant celle de la réalisation du don.
Lorsque les dons consentis excèdent, l'année du versement, la limite annuelle de 20 % du revenu imposable du donateur, l'excédent est désormais reportable successivement sur l'année suivante et, le cas échéant, sur celles qui suivent, jusqu'à la cinquième inclusivement, les excédents les plus anciens sont retenus en priorité.
B - Cas des exploitants individuels
L'article 238 bis du CGI prévoit que les dépenses de mécénat réalisées par les entreprises individuelles donnent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % des versements pris dans la limite de 5 de leur chiffre d'affaires. Lorsque leur montant excède 5 du chiffre d'affaires, l'excédent est reportable sur cinq ans.
Ces dispositions sont indépendantes de celles applicables aux particuliers. Par suite, un exploitant individuel peut à la fois bénéficier de la réduction d'impôt afférente à ses dons réalisés à titre privé et de la réduction d'impôt relative aux dépenses de mécénat réalisées dans le cadre de son entreprise, dans la limite de 5 de son chiffre d'affaires, pour les versements qu'il fait figurer en comptabilité et qui ne constituent pas une charge déductible du revenu imposable. Bien entendu, le même versement n'ouvre droit qu'à une seule réduction d'impôt (BOI-IR-RICI-250-30-20120912, n° 170 N° Lexbase : X3925ALX).
V - Justifications à fournir
A - Délivrance d'un reçu
Les organismes qui reçoivent des dons doivent délivrer à leurs donateurs un reçu répondant à un modèle fixé par un arrêté attestant le total du montant et la date des versements ainsi que l'identité des bénéficiaires, sauf pour les versements correspondant au paiement d'une cotisation syndicale ainsi que pour les dons au profit d'associations cultuelles et de bienfaisance et des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle.
Ce reçu devait être joint à la déclaration des revenus afférente à l'année au cours de laquelle le versement était intervenu, sauf si la déclaration de revenus avait été souscrite par internet. A compter de l'imposition des revenus de 2012, déclarés en 2013, le contribuable n'est plus tenu de joindre les pièces justificatives à la déclaration de revenus. Il doit toutefois les conserver afin d'être en mesure de les communiquer à l'administration si celle-ci le demande (BOI-IR- DECLA-20-20130426 N° Lexbase : X6879ALD).
B - Reçu spécial pour les dons pour le financement des campagnes électorales et des partis politiques
Ces reçus sont détachés de carnets à souches numérotées, édités par la commission nationale des comptes de campagne et du financement politique (CCFP) et délivrés par elle aux mandataires des partis politiques et par les préfectures aux mandataires des candidats. Le reçu, qui doit être signé par le donateur, mentionne :
- le montant et la date du versement ;
- l'identité et l'adresse du domicile fiscal ou du lieu d'imposition du donateur ;
- les modalités de paiement (chèque ou espèces) ;
- ainsi que le nom et l'adresse du bénéficiaire du don, lorsque celui-ci, quel qu'en soit le montant, émane d'une personne morale ou, s'il est consenti par une personne physique (particulier, entrepreneur individuel), lorsque ce don est supérieur à 3 000 euros.
Pour garantir la confidentialité du bénéficiaire pour les dons inférieurs ou égaux à 3 000 euros consentis par une personne physique, les reçus délivrés pour ces dons ne mentionnent pas le nom du ou des candidats ou partis politiques bénéficiaires.
C - Remise en cause possible des avantages fiscaux attachés aux dons
Cette remise en cause est possible, dans le cadre d'une procédure contradictoire de rectification, si le contribuable n'a pas mentionné sur sa déclaration de revenus l'identité du bénéficiaire des dons ou des cotisations et le montant versé ou s'il ne justifie pas de la réalité des versements effectués et du respect des conditions particulières propres à la réduction d'impôt.
Par ailleurs, l'article 1378 octies du CGI (N° Lexbase : L0172IKL) prévoit une procédure de suspension du bénéfice des avantages fiscaux pour les dons effectués au profit de certains organismes, lorsque le contrôle de leurs comptes par la Cour des comptes révèle une non-conformité entre les objectifs poursuivis et les dépenses engagées ou en cas de refus de certification des comptes par un commissaire aux comptes (CGI Ann. II, art. 310 G bis N° Lexbase : L3481IQY à 310 G quinquies, instaurés par le décret n° 2011-556 du 20 mai 2011 N° Lexbase : L3434IQA).
La procédure doit être engagée par le ministre du Budget et a pour effet de priver les donateurs des avantages fiscaux qui s'appliquent normalement de plein droit à leurs dons, afin de priver de financement, au moins temporairement, les organismes défaillants. En outre, en cas de condamnation pénale de l'organisme, celui-ci fait l'objet d'une procédure automatique de suspension des avantages fiscaux (BOI-IR-RICI-250-40-20120912, n° 290 N° Lexbase : X6888ALP).
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