La lettre juridique n°567 du 17 avril 2014 : Droit de la famille

[Projet, proposition, rapport législatif] 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui

Réf. : Rapport du groupe de travail "Protection de l'enfance et adoption", 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui , rendu public le 11 avril 2014

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[Projet, proposition, rapport législatif] 40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/15827419-projetpropositionrapportlegislatif40propositionspouradapterlaprotectiondelenfanceetlado
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

le 17 Avril 2014

Ministère de la Famille. Le rapport intitulé "40 propositions pour adapter la protection de l'enfance et l'adoption aux réalités d'aujourd'hui" a été remis début février 2014 par le groupe de travail "Protection de l'enfance et adoption" (1), installé le 21 octobre 2013 par la ministre déléguée à la famille, Madame Bertinotti, dans le cadre de la préparation de la "loi famille". Il a été rendu public le vendredi 11 avril 2014 (2), comme le rapport du groupe de réflexion sur "De nouveaux droits pour les enfants" (3). Le rapport sur "La filiation et les origines" a été publié mardi 8 avril 2014 et celui du groupe sur "médiation familiale et contrats de coparentalité" sera rendu public le 30 avril 2014.

Débats. Par sa composition, le groupe Protection de l'enfance et adoption entendait réunir des points de vue variés sur des questions sensibles, mêlant universitaires et professionnels engagés sur le terrain, en provenance de disciplines complémentaires (juristes, sociologues, médecins, responsables de services ASE). Les propositions ont été élaborées à partir des échanges entre les membres du groupe. Si la majeure partie d'entre elles a fait l'objet d'un consensus, certaines propositions ont été très débattues. Le rapport fait alors état des réserves et nuances apportées par certains experts.

Mission. Le groupe de travail avait pour mission, selon le cahier des charges du ministère, d'appréhender les nouveaux besoins des enfants qui ne vivent plus temporairement ou à long terme avec leur famille d'origine, que ce soit dans le cadre de la protection de l'enfance ou de l'adoption et d'envisager notamment la modernisation, la simplification voire la création de nouveaux statuts protecteurs pour l'enfant. Quels que soient les parcours de l'enfant et son statut juridique, celui-ci doit bénéficier, ainsi que les adultes qui l'entourent, d'un accompagnement qui s'inscrive dans la durée et qui permette à l'enfant de mieux se construire en connaissant son histoire. Cette observation relative à la protection de l'enfance est également valable pour l'adoption. Les réalités de l'adoption, notamment internationale, ont considérablement évolué ces dernières années, rendant les démarches des adoptants plus complexes et plus longues. Pour réaffirmer le rôle protecteur de l'adoption pour l'enfant, il est nécessaire de recentrer le dispositif sur ce dernier afin de garantir que c'est bien son intérêt qui primera.

Axes. Ces différentes questions ont fait l'objet d'une réflexion collective des experts composant le groupe de travail, alimentée par de nombreux rapports et études relatifs à ces problématiques. Quarante propositions, prenant la forme de mesures techniques et précises (4), de réforme de la protection de l'enfance et de l'adoption ont ainsi été élaborées autour de trois objectifs :

- optimiser le dispositif de protection de l'enfance ;
- articuler les parcours et les statuts des enfants protégés ;
- accompagner l'adoption et la recherche des origines personnelles.

I - Optimiser le dispositif de protection de l'enfance

Après six ans de mise en oeuvre de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance (N° Lexbase : L5932HUA), il apparaît que le dispositif est susceptible de bénéficier d'un certain nombre d'améliorations permettant de le rendre plus cohérent et plus efficace notamment dans certains domaines.

Cohérence du dispositif de protection de l'enfance. Pour améliorer la cohérence du dispositif de protection de l'enfance, le groupe propose la création d'un Conseil national de la protection de l'enfance, placé auprès du Premier ministre et chargé de proposer au Gouvernement les orientations de la politique de protection de l'enfance et d'en suivre l'application. Dans le même sens, les experts suggèrent une révision du périmètre d'observation de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger (qui deviendrait l'Observatoire National de la Protection de l'Enfance) ainsi que des mesures destinées à renforcer la formation en protection de l'enfance et à améliorer la circulation des informations relatives aux enfants en danger entre les autorités judiciaires et administratives concernées.

Mieux repérer et diagnostiquer le danger. Le groupe de travail prête une attention particulière au repérage du danger dans le cadre médical. Le domaine médical est en effet un "maillon" particulièrement important de la protection de l'enfance : tous les enfants sont régulièrement examinés à un titre ou à un autre par un médecin, dans un cabinet libéral ou dans un service hospitalier. Cependant, les chiffres relatifs aux informations préoccupantes et aux signalements témoignent de la faible proportion des médecins parmi les auteurs de ces derniers. Il semble donc opportun que la loi prévoie un certain nombre de dispositions particulières pour faciliter le repérage et le diagnostic du danger en matière médicale. Il est ainsi proposé de désigner dans chaque service départemental de PMI un médecin référent "protection de l'enfance" qui serait en lien avec les médecins généralistes, pédiatres ou scolaires du département. Un outil informatique devrait également permettre l'analyse systématique du nombre de passages et des motifs de venue aux urgences de tous les enfants. En outre, une attention particulière doit être portée à l'égard des nouveau-nés dont la fragilité implique une protection spécifique contre certains comportements des adultes. Le rapport propose des mesures de prévention du syndrome du bébé secoué et des dispositions particulières pour mieux prendre en charge la mort inattendue du nourrisson. Sur ce dernier point, il est suggéré de systématiser l'autopsie pour distinguer les décès liés à une mort subite inexpliquée, ceux secondaires à une pathologie identifiable ou à une cause accidentelle et ceux liés à une maltraitance tout en assurant et un meilleur accompagnement des familles. Toutes les situations de mort inattendue du nourrisson doivent être prises en charge selon une procédure harmonisée entre les différents intervenants, efficace et homogène sur l'ensemble du territoire national.

Reconnaître la capacité du mineur victime âgé de 16 ans. Le groupe de travail considère que dans la mesure où le mineur victime d'une infraction pénale possède le discernement nécessaire, il devrait pouvoir exercer lui-même les droits de la partie civile dans le cadre de la procédure pénale relative à l'infraction dont il est victime ou au moins décider si une autre personne doit l'exercer en son nom. L'exercice des droits de la victime comporte en effet un aspect fondamental et personnel qui incite à favoriser la capacité du mineur placé dans une telle situation. La question de la capacité de l'enfant victime d'exercer son droit à réparation n'échappe pas à l'ambivalence de toute mesure relative aux enfants, et s'inscrit dans la recherche d'un équilibre entre la protection et l'autonomie du mineur. C'est pourquoi, dans un souci d'équilibre, il est proposé de tenir compte pour les mineurs victimes de seize à dix-huit ans de leur degré de maturité et de leur permettre de se constituer directement parties civiles dans la procédure pénale relative à l'infraction dont ils ont été victimes.

II - Articuler les parcours et les statuts de l'enfant protégé

Un certain nombre d'enfants retirés à leur famille dès leur plus âge restent placés dans le cadre de l'assistance éducative pendant une période longue, voire durant toute leur minorité. Deux types de critiques sont formulées relativement au parcours et au statut de ces enfants : d'une part, celles relatives à une trop grande instabilité du parcours des enfants placés et d'autre part, celles relatives à l'absence d'évolution du statut des enfants alors que leur situation le nécessiterait. Il convient donc, selon les besoins de l'enfant -qui peuvent varier au cours de sa vie-, à la fois de sécuriser le parcours de l'enfant placé lorsque c'est le maintien du placement qui est le plus conforme à son intérêt et d'articuler les parcours et les statuts de l'enfant protégé lorsqu'il est nécessaire de faire évoluer sa situation.

Offrir des garanties à l'enfant placé et aux adultes qui l'entourent. La sécurisation du parcours de l'enfant confié passe, tout d'abord, par l'instauration de garanties au profit de l'enfant et des adultes qui l'entourent. Le rapport propose ainsi de reconnaître les prérogatives de la famille d'accueil et d'encadrer les modifications des conditions de vie de l'enfant en cours de placement, en prévoyant que "lorsqu'une modification des conditions de prise en charge de l'enfant est envisagée de manière unilatérale par les services de l'Aide sociale à l'enfance, après plus de trois années au cours desquelles il a été confié à la même famille d'accueil, le juge des enfants doit donner un avis sur cette décision, après avoir entendu le mineur et les personnes concernées". Il conviendrait en outre de renforcer les droits de l'enfant protégé, en favorisant sa participation aux décisions qui le concerne dans ses relations avec le service de l'Aide sociale à l'enfance mais également dans le cadre de la procédure d'assistance éducative. Le rapport suggère qu'un avocat soit systématiquement désigné pour défendre les intérêts du mineur en cas de renouvellement de la mesure de placement. Le groupe de travail propose, en outre, qu'un album de vie constitué pendant toute la durée de l'accueil de l'enfant, consigne tous les évènements de vie marquants, les habitudes de vie, les personnes ayant pris soin de lui, mais aussi des photos ou tout autre élément pouvant participer à la construction de souvenirs du parcours de vie de l'enfant ; accessible à l'enfant durant toute la durée de l'accueil, cet album de vie lui serait remis à la fin du placement.

Poursuite de la prise en charge après l'accession de l'enfant protégé à la majorité. Les études sur le devenir des jeunes usagers de la Protection de l'Enfance montrent l'importance de l'accompagnement des jeunes majeurs pour favoriser leur accession à l'autonomie. Le cadre juridique actuel ne prévoit pourtant qu'une possibilité d'aide laissée à l'appréciation de la collectivité départementale et à l'appréciation individuelle des cadres de la Protection de l'Enfance. Ainsi le groupe de travail propose que tout mineur accueilli en protection de l'enfance, pendant une durée d'au moins trois ans avant l'âge de sa majorité, bénéficie d'un rendez-vous avec le représentant du Conseil général au moment de sa majorité pour faire un bilan de son parcours, envisager les conditions d'accès à l'autonomie et arrêter les modalités d'accompagnement tant éducatif que financier pour la poursuite du projet d'insertion. Pour les mineurs pris en charge dans le cadre d'une délégation d'autorité parentale, d'une tutelle d'Etat ou comme pupille de l'Etat, un mécanisme d'obligation alimentaire à la charge du Conseil général pourrait être envisagé au-delà de 21 ans pour, notamment, permettre la poursuite d'études.

Mieux adapter le statut de l'enfant protégé. Selon le rapport, la protection de l'enfance est, par nature et par hypothèse, évolutive. Il convient de favoriser son évolution en imposant une réflexion sur le statut de l'enfant protégé, particulièrement lorsqu'il est placé dans le cadre de l'assistance éducative, pour toujours lui offrir le projet de vie le plus apte à favoriser son développement. Ainsi doit-on questionner régulièrement le statut de l'enfant placé pour, le cas échéant, envisager d'autres statuts et lui proposer de nouvelles prises en charge. Le groupe de travail suggère, tout d'abord, de renforcer l'évaluation annuelle de la situation de l'enfant protégé et de questionner le statut de l'enfant placé sur le long terme. Lorsque le placement de l'enfant s'inscrit dans la durée, le juge des enfants devrait élaborer une motivation spéciale pour expliquer l'opportunité de maintenir ce placement au lieu de mettre en place une mesure plus pérenne telle qu'une délégation d'autorité parentale. Une communication au Parquet pourrait, en outre, avoir lieu pour que celui-ci examine l'opportunité d'une délégation de l'exercice de l'autorité parentale. Un recours plus important à la délégation de l'exercice de l'autorité parentale devrait cependant, selon le rapport, s'accompagner de la mise en place d'un suivi de l'enfant qui fait l'objet de cette mesure. La délégation d'autorité parentale permet, en effet, au délégataire d'effectuer tous les actes relatifs au mineur y compris les actes non usuels ; elle est particulièrement opportune lorsque les parents ne sont pas en mesure de consentir à ces actes.

Renforcer le rôle des tiers liés à l'enfant. Il paraît indispensable de proposer à l'enfant dont le retour dans sa famille est difficilement envisageable des nouveaux modes de prise en charge sur le long terme, alternatifs ou complémentaires à un placement de longue durée. Il s'agit de permettre à l'enfant de nouer des liens avec des adultes susceptibles de participer à sa prise en charge bénévole et évolutive, de manière adaptée à ses besoins. Ainsi le rapport propose-t-il de consacrer le droit de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsqu'il a résidé de manière stable avec ce tiers ou a noué avec lieu des liens affectifs (C. civ. art. 371-4 N° Lexbase : L8011IWM). Il faudrait également prévoir, selon le rapport, de permettre la saisine directe du juge aux affaires familiales par le tiers qui souhaite que l'enfant lui soit confié, le magistrat pouvant étendre les prérogatives de ce tiers aux actes non usuels.

Le juge des enfants doit pouvoir également, selon le groupe de travail, accorder un droit de visite et d'hébergement à un tiers. Le rapport propose, en outre, que soit institué un nouveau statut de tiers accueillant, qui pourrait, après avoir obtenu un agrément spécial, se voir confier par l'Aide sociale à l'enfance, un enfant pour un accueil durable et bénévole.

Améliorer le repérage du délaissement. Un des objectifs majeurs du rapport est de favoriser la reconnaissance du délaissement de l'enfant protégé afin de permettre de lui offrir ensuite un statut plus favorable. Le groupe de travail prône l'instauration dans chaque département d'un Comité de veille et d'orientation des enfants confiés, qui examinerait tous les six mois la situation des enfants de moins de deux ans, une fois tous les ans la situation des enfants de deux à six ans, et une fois tous les deux ans la situation des enfants de plus de six ans, et qui pourrait, notamment, rendre un avis tendant à modifier le statut juridique de l'enfant pour le mettre en adéquation avec la réalité vécue par l'enfant. Une autre mesure essentielle consisterait à transformer l'actuelle déclaration judiciaire d'abandon en déclaration judiciaire de délaissement, pour recentrer la déclaration sur les effets d'une situation de délaissement sur l'enfant et ne plus la subordonner au désintérêt volontaire des parents comme l'exige aujourd'hui la jurisprudence. Ainsi un nouvel article 650 du Code civil prévoirait que "L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, qui n'a pas bénéficié de la part de ses parents d'actes ou de relations nécessaires à son développement physique, psychologique et affectif, pendant l'année qui précède l'introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par un tiers, est déclaré judiciairement délaissé, si cette déclaration est conforme à son intérêt".

Faciliter l'adoption simple des enfants protégés. La mesure sans doute la plus novatrice, mais aussi la plus discutée, du rapport consiste à favoriser l'adoption simple des enfants confiés pour lesquels un retour dans leur famille est improbable, en évitant le parcours long et souvent difficile, qui passe par la déclaration judiciaire d'abandon puis l'admission en qualité de pupille de l'Etat. L'idée est de mettre en lien les personnes qui veulent adopter un enfant et les enfants dont les familles sont profondément carencées. Il s'agirait d'organiser un "apparentement" progressif, à partir d'un accueil de l'enfant par des personnes susceptibles d'établir, à terme, avec lui un lien durable, si les conditions en sont réunies. Les professionnels qui travaillent avec des candidats à l'adoption, notamment dans le cadre des enquêtes réalisées en vue de la délivrance des agréments pour adopter, estiment que certains couples ou certaines personnes pourraient correspondre à ce profil. Ces derniers pourraient accepter d'accueillir et d'élever un enfant sans certitude quant au fait qu'ils pourront un jour l'adopter et, surtout, en acceptant que cet enfant puisse conserver des liens avec ses père et mère ; la famille accueillante à titre bénévole devrait, en outre, au départ au moins, faire un travail de famille d'accueil car l'enfant serait d'abord placé sous le régime de l'assistance éducative. Dans le même temps, des liens pourraient être maintenus avec la famille d'origine si tel est l'intérêt de l'enfant. On pourrait envisager que, lorsque le tribunal de grande instance prononce l'adoption simple, il accorde aux parents "d'origine" un certain nombre de prérogatives, telles qu'un droit de visite et un droit de surveillance ou le droit d'être consultés pour les actes particulièrement importants. Cette faveur pour l'adoption simple impliquerait par ailleurs que les possibilités de révocation de celle-ci soient réduites. Il est à noter en outre que le rapport propose de permettre l'adoption simple des enfants recueillis dans le cadre d'une kafala et dont la loi personnelle prohibe l'adoption.

III - Accompagner l'adoption et la recherche des origines personnelles

De l'accouchement anonyme à l'accouchement secret. La question de l'accès aux origines personnelles des enfants dont la mère a accouché dans le secret est délicate et complexe car elle repose sur l'équilibre entre la protection de l'enfant au moment de sa naissance et le droit de l'enfant devenu adulte d'accéder à ses origines. Le rapport propose donc de favoriser cet accès sans remettre en cause le caractère protecteur, pour le nouveau-né et la femme qui accouche, de l'accouchement dans le secret. Concrètement, il s'agirait d'imposer à la femme qui accouche de communiquer son identité, tout en lui garantissant que celle-ci ne sera communiquée à l'enfant, par l'intermédiaire du CNAOP, qu'avec son accord. Les membres du groupe, à l'unanimité, se prononcent en faveur du maintien du dispositif actuel qui garantit à la femme ayant accouché dans le secret que son identité sera conservée dans le dossier de l'enfant et ne sera communiquée à ce dernier, à sa demande, que si elle consent à la levée du secret. Selon le rapport, il s'agit là d'un impératif de santé publique. En effet, ce dispositif garantit à la femme d'accoucher dans de bonnes conditions sanitaires ; il permet au nouveau-né de bénéficier des soins nécessaires à sa santé physique et psychique. Il est des situations dans lesquelles les femmes ne viendraient plus accoucher à l'hôpital si elles ne pouvaient plus le faire dans le secret ; il pourrait en être ainsi des femmes en situation irrégulière ou en très grande détresse. Il s'agit d'éviter les accouchements en dehors de tout suivi médical et les abandons d'enfants sur la voie publique. Le fait de demander à la mère de naissance de communiquer son identité permet, cependant, de favoriser l'accès aux origines personnelles puisqu'un plus grand nombre de femmes pourront être contactées par le CNAOP, sachant que parmi les femmes contactées jusqu'à présent par ce dernier, la moitié d'entre elles ont a accepté que leur identité soit communiquée à l'enfant. Le rapport propose en outre de renforcer les prérogatives du CNAOP pour faciliter ses recherches et d'améliorer l'accompagnement des mères de naissance notamment mineures.

Placer l'enfant au coeur du dispositif de l'adoption. Le rapport contient plusieurs mesures destinées à renforcer la conformité de l'adoption à l'intérêt de l'enfant. Ainsi en est-il de l'instauration d'un "bilan d'adoptabilité médico-psycho-sociale" systématique de l'enfant, qui aurait pour objet de déterminer si l'adoption est la solution adéquate pour l'enfant et quelles sont les caractéristiques et les aptitudes que devra présenter la famille à qui l'enfant est confié. L'agrément en vue de l'adoption pourrait également être redéfini selon la formule suivante: "L'agrément en vue d'adoption a pour finalité l'intérêt supérieur de l enfant en attente d'adoption. Il est délivré lorsque la personne candidate à l'agrément est en capacité de répondre aux besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs des enfants en attente d'adoption, compte tenu de la réalité de l'adoption". Le rapport propose aussi d'instaurer un écart d'âge maximum de 45 ans entre l'enfant et l'adoptant et de renforcer les droits de l'enfant dans la procédure d'adoption (audition systématique de l'enfant et désignation d'un administrateur ad hoc).

Assurer un accompagnement des adoptants avant, après et pendant l'adoption. Outre une meilleure préparation des adoptants aux réalités de l'adoption, le rapport propose de créer dans chaque région une "Consultation d'orientation d'accueil et de conseil en adoption", dont une vingtaine a déjà été mise en place en France. Ces consultations s'adressent aux parents et futurs parents adoptifs à différentes étapes de la vie familiale : avant l'adoption, lors de l'apparentement, pour décrypter le dossier médical transmis, évaluer la prise en charge qu'elle suppose et la vie quotidienne avec cet enfant, permettant ainsi aux éventuels adoptants de mesurer la difficulté du projet qu'on leur propose et de se projeter dans l'accueil de cet enfant ; dans les semaines qui suivent l'arrivée de l'enfant pour un bilan médical et également relatif à l'adaptation et à la relation parent-enfant ; après l'adoption, lorsque des difficultés d'ordre divers surviennent et qu'il est difficile de faire la part des choses entre ce qui est propre à l'enfant et ce qui relève de sa situation d'enfant adopté. Bien qu'elles soient plus souvent sollicitées dans le cadre de l'adoption internationale, ces consultations seraient aussi à destination des enfants nés en France. Elles pourraient jouer un rôle plus important dans cette dernière hypothèse si l'objectif visant à valoriser l'adoption nationale, notamment simple, est atteint à moyen ou court terme. Le groupe de travail propose en outre que le mineur adopté puisse bénéficier pendant un an d'un accompagnement par le service de l'aide sociale à l'enfance à la demande de son ou de ses parents et qu'un tel accompagnement puisse être mis en place à tout moment si les parents le demandent. Ces mesures ont notamment pour objectif d'éviter les échecs de l'adoption. Le rapport prévoit également que, dans l'hypothèse d'un échec, l'enfant puisse bénéficier d'une nouvelle adoption après avoir été admis en qualité de pupille de l'Etat.


(1) Composition du groupe de travail : Présidente : Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit et science politique de l'Université de Bordeaux, Directrice du Centre européen d'études et de recherches en droit de la famille et des personnes (CERFAP, EA 4600) et de l'Institut des mineurs, présidente de l'Observatoire départemental de la protection de l'enfance de la Gironde ; Rapporteure : Isabelle Corpart, Maître de conférences à l'Université de Haute Alsace ; Membres : Catherine Briand, Adjointe du chef du bureau de la protection de l'enfance, DGCS Ministère des Affaires sociales et de la Santé ; Françoise Dubreuil, Membre du Collège "Droits de l'enfant" auprès du Défenseur des droits, magistrat honoraire de la cour d'appel de Paris ; Frédérique Eudier, Maître de conférences à l'Université de Rouen ; Séverine Euillet, Maître de conférences en psychologie à l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense ; Pierre-Etienne Gruas, Directeur "Enfance famille" du Conseil général de la Gironde ; Marie-Christine Le Boursicot, Conseiller à la Cour de cassation ; Anne Oui, Attachée principale, chargée de mission auprès de l'ONED ; Pascal Pillet, Chef des urgences pédiatriques, CHU de Bordeaux ; Catherine Sellenet, Docteur en sociologie, psychologue clinicienne et juriste, Professeur en sciences de l'éducation, Université de Nantes ; Gilles Séraphin, Directeur de l'ONED.
(2) Cf. idm.u-bordeaux4.fr.
(3) Cf. www.rosenczveig.com.
(4) Le rapport contient un tableau récapitulatif des différentes mesures législatives et réglementaires correspondant aux 40 propositions de réforme.

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