La lettre juridique n°566 du 10 avril 2014 : Agent immobilier

[Textes] La loi "ALUR" et la négociation immobilière

Réf. : Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (N° Lexbase : L8342IZY)

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par Jean-Marie Moyse, Avocat à la Cour, Cabinet Moyse & associés

le 10 Avril 2014

La loi dite "ALUR" a été publiée au Journal officiel du 26 mars 2014. Un premier projet de loi étudié par l'ancienne majorité a été abandonné au grand dam des groupements, lesquels ont obtenu de la nouvelle majorité, la mise en forme d'une structure professionnelle proche d'un ordre professionnel réglementé. Cette loi a modifié les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi "Hoguet" (N° Lexbase : L7536AIX), laquelle règlemente les activités de négociation immobilière pour le compte de tiers tant en ce qui concerne l'étendu des personnes visées par la règlementation, les organismes de contrôle de la profession, les collaborateurs des agences, les contrats conclus avec des professionnels, les obligations constatées dans ces contrats. Les professions d'agent immobilier, d'administrateur de biens, de syndic de copropriété font donc l'objet de nouvelles dispositions légales en l'attente de dispositions règlementaires à intervenir par décret. Par ailleurs, les ventes de lot dépendant d'une copropriété vont être rendues difficiles en raison de l'obligation faite au professionnel d'annexer à l'acte de vente ou à l'avant-contrat des pièces permettant à un éventuel acquéreur, d'être renseigné sur l'état objectif et financier de l'immeuble dont dépend le lot de copropriété vendu (1). I - La nouvelle organisation des professions immobilières réglementées

Cette nouvelle organisation concerne tous les professionnels immobiliers règlementés à savoir les agents immobiliers, les administrateurs de bien, les syndics de copropriété.

A - Les raisons de la nouvelle organisation (loi du 2 janvier 1970, nouveaux articles 13 à 13-4)

Il convient de rappeler, ainsi que nous l'avions fait dans un précédent article (Gaz. Pal., 19/20 août 2011, n° 231 à 232, La négociation immobilière et ses incidences au regard de la loi et de la jurisprudence) qu'un syndicat d'agents Immobiliers représentatif, avait créé un Code de déontologie applicable à la transaction immobilière et à l'administration de biens.

N'ayant aucun moyen juridique d'obliger ses adhérents ou les tiers à respecter ces règles déontologiques, ses pouvoirs étant limités par l'article L. 2131-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2109H9Y) à la défense des intérêts collectifs de la profession, elle a demandé, et aujourd'hui obtenu, des pouvoirs publics, la création d'une structure nationale et de structures régionales, chargées d'élaborer et d'appliquer à toute la profession la déontologie et ceci sous peine de sanctions.

Comme nous l'évoquions dans l'article susvisé, une telle organisation est assimilable à un ordre professionnel virtuel, lequel est parfaitement inhabituel dans le secteur du commerce et de l'industrie : les ordres professionnels existants ne concernant habituellement que les professions civiles et libérales.

La composition paritaire de la commission nationale et des commissions régionales dont les membres seront nommés sur recommandation des groupements de la profession et les pouvoirs d'injonction et de sanctions qui leur sont reconnus, permettent de considérer que le législateur a donné naissance à une structure nouvelle, laquelle contrôlera désormais l'exercice de leurs activités, pour les commerçants qui en dépendent.

Cette structuration de la profession nous paraît s'harmoniser difficilement avec la Directive européenne dite "service" du 12 décembre 2006 (Directive 2006/123 N° Lexbase : L8989HT4), laquelle interdit qu'une activité commerciale de service puisse être autocontrôlée.

Nous nous trouvons donc en présence de dispositions posant de délicats problèmes d'adaptation par rapport au droit positif en vigueur, tant sur le plan national, que sur celui de la Communauté européenne.

B - Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière

Par analogie avec les ordres professionnels traditionnels, il est affirmé dans les articles 13-1 et suivants de la loi que le nouveau conseil a pour fonction de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités liées à la transaction et à la gestion immobilière.

Ce conseil aura pour mission de faire des propositions portant sur, la création d'un Code de déontologie pour les professionnels, les conditions d'aptitude professionnelle pour l'exercice des activités, les obligations de compétence, la formation continue, la désignation de personne de la profession ayant pris leur retraite susceptible de siéger dans la commission de contrôle régionale prévue par l'article 13-5 de la loi.

Ce conseil sera également consulté par le Gouvernement sur l'ensemble des projets législatifs ou règlementaires intéressants la transaction et la gestion immobilière.

Le conseil sera composé majoritairement de représentants des professionnels immobiliers qui seront proposés par les syndicats et unions de syndicats de professionnels représentatifs de la profession.

Le conseil comprendra également des représentants des consommateurs choisis parmi les associations ainsi que de plein droit des membres du Gouvernement. (article 13-2).

L'article 13-4 prévoit les sanctions qui pourraient être prises en cas de manquement au Code de déontologie, à la probité ou à l'honneur. Cet article prévoit que les manquements aux lois, aux règlements et aux obligations du Code de déontologie expose le professionnel à des poursuites disciplinaires.

L'article 13-5 prévoit, pour l'exercice de l'action disciplinaire, la création d'une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières en raison des faits commis dans son ressort.

Il est vraisemblable que le décret d'application portera création de commissions de contrôle sur la base d'une répartition départementale ou régionale.

En ce qui concerne la composition des commissions de contrôle, se trouveront a côté des retraités des professions immobilières, des représentants de l'Etat, un magistrat de l'ordre judiciaire, des membres d'une profession juridique ou judiciaire qualifiés dans le domaine de l'immobilier, des représentants des clients (dirigeants d'associations de consommateurs).

Des sections spécialisées pourront être créées au sein de la commission en fonction des activités professionnelles concernées.

Il résulte du rapprochement de toutes ces dispositions que les membres du Conseil national seront nommés sur proposition des groupes professionnels et que les membres des commissions régionales chargés d'appliquer des sanctions en cas de manquement déontologique, seront eux-mêmes nommés sur proposition du conseil, ce qui conforte la prépondérance des groupes professionnels, dans les commissions.

La place importante des groupements professionnels au sein du conseil national, même tempérée par la présence de fonctionnaires de l'Etat ou des universités permet de craindre un éclairage corporatiste des dispositions déontologiques qui pourront être adoptées après avis de cet organisme.

Ce risque se trouve aggravé à travers les commissions régionales dont les membres sont recommandés par le Conseil national et qui seront chargés de sanctionner les manquements des agents immobiliers ou des administrateurs de biens, aux règles déontologiques ou professionnelles.

II - Les commissions régionales de contrôle

L'article 13-5 de la loi donne compétence aux commissions régionales, vraisemblablement une par département, ou interrégionales pour plusieurs départements, pour connaître de l'action disciplinaire en raison des faits commis dans leur ressort.

Les sanctions qui seront prononcées iront de l'avertissement jusqu'à l'interdiction temporaire ou définitive de l'exercice professionnel (article 13-8).

Plus gravement, il est prévu en cas d'urgence une mesure conservatoire, pouvant être prise par le président de la commission, portant sur la suspension de l'exercice des activités du professionnel faisant l'objet des poursuites, et ceci pendant une durée maximum de un mois sauf prorogation pouvant aller jusqu'à trois mois.

Conscient des risques que peut présenter le pouvoir juridictionnel de la commission, le législateur croit nécessaire de rappeler que les sanctions ne peuvent prononcées sans que la personne poursuivie ait pu prendre connaissance du dossier fondant les poursuites et ait été entendue préalablement par le président de la commission.

Cette même commission, en cas d'avertissement ou de blâme, pourra assortir la condamnation prononcée, par des mesures de sureté portant sur le respect d'obligations particulières qui lui seront imposées.

L'appel des décisions se fera devant les juridictions administratives sans la garantie par conséquent de la présence de magistrats de l'ordre judiciaire, juges traditionnels des libertés (article 13-9).

L'article 13-4 prévoit que les actions disciplinaires se prescrivent par cinq ans alors que, les infractions commises dans la loi du 2 janvier 1970 faisant l'objet des articles 14 et suivants de la loi sont des infractions pénales de nature délictuelles qui se prescrivent pas trois années.

Il existe donc une contradiction entre les règles de droit générales et les règles particulières résultant de la loi du 2 janvier 1970, un même délit pouvant se prescrire par trois années dans le cadre du droit commun alors que la prescription sera de cinq années devant la commission de contrôle.

A n'en pas douter, des questions prioritaires de constitutionalité vont être posées en raison de cette contradiction rompant l'égalité des citoyens devant la loi.

Ces dispositions appellent la plus grande réserve, alors que ces commissions, constituent des juridictions d'exception de nature paritaire, chargées d'appliquer non des règles générales résultant de la loi ou des règlements mais des règles particulières exclusivement réservées à l'exercice d'une activité professionnelle dans le secteur de la transaction et de la gestion de biens immobiliers.

Les textes fondant les poursuites, de même que les juridictions qui les feront appliquer, ont un caractère d'exception parfaitement inhabituel dans le paysage du droit français.

Les expériences vécues devant les juridictions d'exception ne permettent pas d'envisager sereinement la naissance à côté des juridictions de l'ordre judiciaire d'un ordre de juridiction particulier dont les règles de base et les sanctions seront élaborées et prononcées, par des personnes pouvant ne pas présenter toutes les garanties nécessaires pour le rendu d'une bonne justice.

Nous rappellerons également que la présence de concurrents commerciaux dans des organismes juridictionnels locaux peut poser des problèmes de partialité, incompatibles avec l'exercice d'une activité juridictionnelle.

Si l'on peut comprendre que des règles particulières puissent voir le jour pour des professions règlementées et que ces règles puissent résulter de la loi ou du règlement, leur application doit être faite, surtout au niveau des sanctions, par des juridictions impartiales qui ne peuvent être que des juridictions de droit commun habituées à protéger les libertés publiques et professionnelles et avec des durées de prescription des infractions unifiées.

Ce nouvel ordre juridictionnel d'exception peut donc paraître inadapté à une population de commerçants représentant environ 40 000 entreprises en France dont les activités sont parfaitement règlementées à travers la loi du 2 janvier 1970 et son décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (N° Lexbase : L8042AIP) et sanctionnés en cas d'infractions civiles ou pénales par les juridictions de droit commun, ou les tribunaux de commerce.

III - Le nouveau rôle des chambres de commerce et les cartes professionnelles

Alors que, traditionnellement, la délivrance des cartes professionnelles transaction et gestion immobilières étaient délivrées par l'Etat depuis la loi du 2 janvier 1970, elles le seront désormais par les chambres de commerce et d'industrie territorialement compétentes, lesquelles seront également habilitées à contrôler les aptitudes professionnelles et les garanties financières et d'assurances responsabilité civile professionnelle.

Les conditions de délivrance de la carte professionnelle et sa durée de validité feront l'objet d'un décret.

Anticipant déjà sur un risque de partialité pour l'examen des dossiers qui leur seront présentés, l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970 modifié prévoit que, lorsque le président de la chambre de commerce est lui-même agent immobilier ou administrateur de biens, c'est le vice-président de cette chambre qui examinera le dossier et délivrera la carte.

En effet, ainsi que le reconnaît lui-même le législateur, l'impartialité d'un organisme privé n'est jamais assurée contrairement aux garanties d'indépendance que présentent les pouvoirs publics.

Cet aveu implicite, nous permet de conclure qu'un risque de partialité sera toujours rencontré pour l'examen des dossiers qui seront présentés par les professionnels de l'immobilier devant les chambres de commerce.

A ce sujet, il convient de rappeler également la part prépondérante prise dans les syndicats par les structures importantes de transactions et de gestion immobilières à vocation nationale, lesquelles appellent les syndicats dont elles sont de gros contributeurs financiers depuis plusieurs années, à réclamer une règlementation autonome permettant de réduire le nombre de professionnels sur le marché afin d'augmenter la valeur de leurs fonds de commerce.

Cette règlementation n'est donc pas prise dans l'intérêt du boutiquier mais dans l'intérêt des structures nationales de l'immobilier tant en ce qui concerne leur rentabilité que leur valeur marchande, sur le marché privé ou en bourse.

Il peut paraître surprenant que cet aspect de la règlementation n'ait pas pris en compte les risques résultant d'une règlementation corporative et ait oublié les acquis de la Constitution française, laquelle a aboli toute forme de privilèges ou de corporatisme.

Outre le recours devant le Conseil constitutionnel qui peut être envisagé en raison de la création d'un ordre virtuel de commerçants inconnu dans notre droit et l'atteinte qui peut être portée à la liberté du commerce valant principe constitutionnel, des questions prioritaires de constitutionnalité risquent d'être posées portant sur les règles de droit applicables et le prononcé des sanctions par les commissions et la conformité des nouvelles dispositions avec le droit interne et la Directive européenne sur les services.

Il convient de noter que les textes qui serviront de base aux poursuites devant les commissions de contrôle, n'auront ni valeur de loi ou de règlement, alors qu'elles ne seront pas élaborées par le parlement ou le Gouvernement mais par des commissions professionnelles contrôlées par des groupements.

IV - Les modifications de détails de la loi du 2 janvier 1970

A - L'article 1-1 de la loi du 2 janvier 1970

- En ce qui concerne les syndics

Cet article a été modifié et vise désormais nommément, dans son 9°, les syndics de copropriété alors que ces derniers étaient déjà implicitement visés par l'activité générale de gestion de biens d'autrui.

- En ce qui concerne les locations saisonnières

Au regard de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970, énumérant les activités qu'elles règlementent et au regard de l'article 3 de la loi et 1er du décret du 20 juillet 1972, la pratique s'interrogeait avec des réponses diverses sur la possibilité pour un titulaire de la carte gestion immobilière de rechercher un candidat locataire et d'être rémunéré à l'occasion de la location consentie.

Il était soutenu que l'administrateur de biens ne pouvait conformément à la loi et à l'article 69 du décret du 20 juillet 1972 se livrer à une activité de transaction immobilière que d'une manière occasionnelle et sous réserve de gérer le bien objet de la transaction depuis plus de trois ans.

Désormais, les titulaires de la carte gestion immobilière, alors que cette possibilité se trouvait discutée auparavant, pourront pratiquer les activités de location saisonnière en nue ou en meublée dès lors que ces activités sont l'accessoire d'un mandat de gestion.

Cette disposition ne peut être qu'approuvée alors, qu'à notre connaissance, il n'existe aucune jurisprudence qui ait fait application de la règlementation dans un sens contraire aux nouvelles dispositions.

B - L'obligation de formation

L'article 3-1 prévoit que la délivrance ou le renouvellement de la carte professionnelle est subordonnée à la justification d'une formation continue reçue conformément aux dispositions d'un décret.

Cette obligation est étendue aux négociateurs immobiliers sans distinction de leur qualité de salarié ou de travailleur indépendant avec le statut d'agent commercial.

Les modalités de cette formation feront l'objet d'un décret.

Pour les agents commerciaux, ils devront désormais contracter une assurance personnelle au titre de la responsabilité civile professionnelle, dont la garantie s'ajoutera à celle donnée par leur mandant dans le cadre de leur propre contrat d'assurances (article 4-2).

Il convient de rappeler à ce sujet que, la plupart du temps, les agents commerciaux qui n'ont aucune existence autonome par rapport à leur mandant titulaire de la carte professionnelle, sont couverts par l'assurance de leur mandant lorsqu'ils travaillent pour son compte.

Le législateur a voulu dans l'intérêt de la protection du public que, désormais, les négociateurs immobiliers suivent une formation homologuée par décret, et que ceux qui n'ont pas la qualité de salarié ajoutent à cette obligation de formation une obligation d'assurances.

C - Les pouvoirs des agents commerciaux

Dans un précédent article (Les limites de l'intervention des négociateurs immobiliers ayant le statut d'agent commercial, Gaz. Pal., 24/25 février 2012, numéro 55 à 56), nous évoquions le statut spécifique des agents commerciaux et les limites de leurs interventions, lesquelles ne pouvaient concerner qu'un titulaire de la carte professionnelle transaction immobilière, à l'exclusion de tout autre mandant.

Dans le même article, nous évoquions le risque créé par les agents commerciaux exerçant leurs activités pour le compte d'une entreprise à vocation nationale, lesquels, sans aucune possibilité de surveillance de leurs activités par leur mandant éloigné du lieu de leur exercice professionnel, représentaient un risque pour le consommateur, leur compétence professionnelle n'étant ni surveillée ni garantie.

Nous évoquions à ce sujet la règlementation, des bureaux, succursales ou agences, en considérant que l'éloignement du titulaire de la carte professionnelle par rapport à son représentant agent commercial, faisait de ce dernier le responsable d'une succursale soumise à déclaration auprès de la préfecture en application de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970.

Il semblerait que le législateur nous ait donné raison puisqu'à côté des limitations de pouvoir déjà prévues par la règlementation en ce qui concerne la réception des fonds et les consultations juridiques et avant contrat, l'agent commercial se voit interdire la direction d'un établissement, d'une succursale, d'une agence ou d'un bureau.

Fort curieusement, le législateur prévoit que cette interdiction de direction d'une succursale ne serait pas applicable aux négociateurs qui se trouvaient habilités à le faire antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

Cette disposition nous paraît devoir viser les négociateurs salariés à l'exclusion des agents commerciaux, lesquels ne peuvent en tant que travailleurs indépendants assurer la direction d'une succursale dans un état subordonné.

D - La nouvelle réglementation des mandats

L'article 6 de la loi du 2 janvier 1970 se trouve modifié par une disposition précisant qu'en cas d'exclusivité conféré par le mandant, le mandataire devra insérer dans le mandat le détail des actions qu'il devra réaliser pour son accomplissement et les modalités suivant lesquelles il devra informer son mandant des actions réalisées pour son compte, le mandat devant également préciser la périodicité de ses informations.

Dans les mandats exclusifs figurent généralement une clause pénale sanctionnant le fait pour le mandant de traiter la vente de son bien pendant le cours de l'exclusivité soit directement soit avec le concours d'un tiers (article 6-1).

Le législateur a voulu modifier cette disposition en autorisant la présence d'une clause pénale mais en limitant ses effets à un montant maximum qui sera fixé par un décret d'application à paraître.

Ainsi, les prévisions du contrat ne feront plus la loi des parties, le montant des indemnités que pourra réclamer le mandataire étant limité dans leur montant, ce qui est de nature à faciliter les fraudes du mandant, lequel connaîtra par avance les dommages et intérêts dont il peut être redevable, le cas échéant, à l'égard de son mandataire.

E - Publicités des honoraires (article 6-1)

Toutes ces publicités devront comporter le montant TTC de la rémunération d'entremise à la charge de chacune des parties en précisant celles ou celui qui ont à la charge.

Pour les ventes, le montant de la rémunération doit être exprimé en pourcentage TTC du montant du prix demandé par le mandant et pour la location, la quote-part des honoraires TTC à la charge du locataire.

F - Limitation dans le temps des mandats (article 7)

Le mandat conféré à des fins non professionnelles à titre de mandat simple doit reproduire de manière lisible les dispositions du Code de la consommation concernant la possibilité de mettre fin à un contrat comportant une clause de tacite reconduction.

Pour les mandats exclusifs, le contrat doit reproduire de manière apparente les dispositions de l'article 78, alinéa 2, du décret du 20 juillet 1972 permettant de mettre fin au mandat à tout moment passé trois mois à compter de sa signature en respectant un préavis de quinze jours. De ce fait, le mandataire ne peut pas résilier le mandat pendant le cours des trois mois fermes, et ne pourra le faire qu'au terme de ce délai de trois mois, ce qui portera au minimum la durée du mandat à trois mois (durée ferme) et quinze jours (préavis).

G - Liens capitalistiques et juridiques

Les professionnels doivent informer leurs clients des liens capitalistiques et juridiques qu'ils peuvent avoir avec des établissements bancaires, des sociétés financières ou même des entreprises pouvant intervenir au profit de leurs clients.

Il en va de même des liens de même nature qu'ils peuvent avoir avec les dirigeants des entreprises.

H - Les marchands de liste

L'article 6-II est modifié et prévoit que pour les marchands de liste bénéficiant d'une clause d'exclusivité fixant une période pendant laquelle le propriétaire ne peut vendre ou louer par l'intermédiaire d'un autre professionnel ou par lui-même, le mandat conféré doit prévoir les conditions de remboursement des sommes payées par le client lorsque la prestation fournie ne correspond pas à celle prévue dans le mandat.

Les conditions d'application seront précisées par décret.

I - Sanctions pénales et administratives

L'article 14 de la loi est complété pour prévoir une sanction pénale de six mois d'emprisonnement et une amende en cas d'infraction à une interdiction définitive ou temporaire d'exercer la profession.

Les articles 17-1 et 17-2 de la loi prévoient une amende administrative sanctionnant la mise en location d'un logement frappé d'un arrêt d'insalubrité ou de péril.

Une amende est également prévue pour l'agent commercial qui ne mentionnerait pas cette qualité dans les documents lors de son intervention et pour le titulaire de la carte professionnelle, le fait de passer une publicité sans respecter les prescriptions légales.

J - Les actes de vente portant sur un lot de copropriété

Il convient de noter que la loi "ALUR" devient immédiatement applicable pour la partie de cette loi ne faisant pas l'objet d'un délai d'application ou se trouvant dans l'attente d'un décret d'application.

Désormais, de nombreux documents devront être annexés aux avant-contrats et aux actes de vente définitifs portant sur la vente d'un lot de copropriété, ainsi qu'il est prévu par les articles L. 721-2 (N° Lexbase : L8844IZL) et L. 721-3 (N° Lexbase : L8843IZK) nouveaux du Code de la construction et de l'habitation.

Il est prévu à l'article L. 721-2 l'obligation d'annexer à la promesse de vente ou à défaut à l'acte authentique de vente, et ceci en sus des diagnostics techniques, les documents suivants, dans le souci de parfaitement informer l'acquéreur de l'état de l'immeuble et des obligations qui vont peser sur lui en application du règlement de copropriété.

Il s'agit de :

"1° En ce qui concerne les documents relatifs à l'organisation de l'immeuble
"a) La fiche synthétique de la copropriété prévue à l'article 8-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5536AG7) fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
"b) Le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s'ils ont été publiés ;
"c) Les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, si le copropriétaire vendeur en dispose ;
"2° En ce qui concerne les documents relatifs à la situation financière de la copropriété et du copropriétaire vendeur
"a) Le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ;
"b) Les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur ;
"c) L'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs (sauf lorsque le syndicat comporte moins de 10 lots et a un budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs, inférieur à 15 000 euros au sens du deuxième alinéa de l'article 14-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
"d) Lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d'un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot.
"3° Le carnet d'entretien de l'immeuble ;
"4° Une attestation comportant la mention de la superficie de la partie privative et de la surface habitable de ce lot ou de cette fraction de lot, prévues à l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
"5° Une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété. Un arrêté du ministre chargé du logement détermine le contenu de cette notice ;
"6° Le cas échéant, le diagnostic technique global prévu à l'article L. 731-1 (N° Lexbase : L8837IZC) et le plan pluriannuel de travaux prévu à l'article L. 731-2 (N° Lexbase : L8838IZD)".

Documents à annexer à court ou moyen terme :

A court ou moyen terme, d'autres documents devront être annexés à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente à savoir une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété devra être établie et annexée, dès que le ministre chargé du Logement aura pris l'arrêté pour en déterminer le contenu.

Au plus tôt trois mois après la promulgation de la loi "ALUR", devra être annexée une attestation comportant la mention de la superficie de la partie privative et de la surface habitable de ce lot ou de cette fraction de lot, prévues à l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. A cet égard, il faut signaler que la superficie de la partie privative et de la surface habitable seront définies par décret en Conseil d'Etat.

A compter du 31 décembre 2016, pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 200 lots, il conviendra d'annexer à la promesse et à défaut de promesse à l'acte authentique de vente : la fiche synthétique de la copropriété prévue à l'article 8-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 50 lots, la fiche synthétique devra être annexée à compter du 31 décembre 2017, et pour les autres syndicats de copropriétaires à compter du 31 décembre 2018.

A compter du 1er janvier 2017, le cas échéant, le diagnostic technique global prévu à l'article L. 731-1 et le plan pluriannuel de travaux prévu à l'article L. 731-2 seront à annexer.

Il convient de noter qu'aucune sanction spécifique n'est prévue en cas de documents manquants, telle que la nullité de l'engagement des parties mais, quand bien même la promesse de vente est effectivement conclue, le délai de rétractation ou de réflexion de l'acquéreur prévu par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC) ne commencera à courir qu'à compter du jour ou la totalité des documents aura été communiquée à ce dernier.

En l'état, les documents qui doivent être joints à la notification purgeant le délai de rétractation de l'acquéreur sont à ce jour :

- le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ainsi que les actes les modifiant, s'ils ont été publiés ;
- les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, si le copropriétaire vendeur en dispose ;
- les documents relatifs à la situation financière de la copropriété et du copropriétaire vendeur (le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par le copropriétaire vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ; les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur ; l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs ; lorsque le syndicat des copropriétaires dispose d'un fonds de travaux, le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot).

Etant précisé que lorsque le syndicat des copropriétaires relève de l'article 14-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (moins de 10 lots et un budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs inférieur à 15 000 euros), les documents prévus par les paragraphes b et c n'ont pas à être communiqués.

La loi est entrée en vigueur et s'applique donc à toutes les ventes ou avant-contrats conclus depuis sa promulgation.

Si une promesse de vente avait été conclue avant l'entrée en vigueur de la loi, l'acte authentique de vente qui réitèrera la promesse n'est pas soumis à ces nouvelles obligations dans la mesure où les exigences d'annexion de documents ne concerne que les ventes qui n'ont pas été précédées d'un avant-contrat.

Il en irait de même pour la notification d'un avant-contrat établi avant l'entrée en vigueur de la loi et faisant l'objet d'une notification à l'acquéreur postérieurement à sa promulgation.

Il restera à prouver la date certaine de l'acte signé antérieurement à la promulgation de la loi ce qui ne posera pas de problème pour les actes authentiques mais en posera un pour les actes sous seing privé n'ayant pas acquis date certaine, soit par l'enregistrement, soit d'autres manières.

Il apparaît donc aujourd'hui de nouvelles complications en ce qui concerne la stabilité des relations contractuelles à l'occasion de la signature d'un avant-contrat portant sur la vente d'un bien immobilier en copropriété.

Les annexes qui devront être notifiées à l'acquéreur, en plus de l'avant-contrat signé par les parties, aux fins de purger son droit de rétractation sont nombreuses et volumineuses si l'on se réfère au poids du règlement de copropriété de l'immeuble et ses éventuels modificatifs.

Il convient également de craindre l'inertie du syndic gestionnaire ou même sa carence pour la production des documents.

Les sources de responsabilité pour les rédacteurs d'actes, vont être alimentées par de nombreux litiges tenant notamment à des retards d'exécution des promesses, ou leur rétractation par l'acquéreur, en raison de l'insuffisance des documents qui lui ont été notifiés.

Ces nouvelles dispositions s'ajoutant aux dispositifs de protection des emprunteurs immobiliers sans compter les droits de préemption, vont retarder la conclusion des ventes immobilières.

En ce qui concerne les droits de préemption, les nouvelles dispositions de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 (N° Lexbase : L6321G9Y), prévoient que, lors de la première vente d'un lot après la mise en copropriété de l'immeuble, le locataire ou l'occupant de bonne foi renonçant à acquérir l'appartement qu'il occupe au prix offert, le propriétaire devra désormais notifier à la commune les prix et conditions de la vente proposée, pour permettre à cette dernière d'exercer le nouveau droit de préemption qui lui est reconnu, dans les conditions prévues par le Code de l'urbanisme dans ses articles L. 211-1 et suivants (N° Lexbase : L3035IDR).

De ce fait, la première vente d'un lot de copropriété sera soumise à un délai de préemption du locataire de quatre mois s'il demande un crédit, suivi, s'il n'achète pas, d'une notification à la commune ajoutant un nouveau délai de préemption au profit de cette dernière d'une durée de deux mois, soit au total, plus de sept mois au moins, avant de pouvoir consentir une vente portant sur la première vente d'un lot de copropriété.

Conclusion

La partie la plus étonnante de cette nouvelle règlementation des professions immobilières porte sur l'exigence d'une déontologie exclusive et particulière à la transaction immobilière et à l'administration de biens.

Cette déontologie particulière nous paraît surprenante alors que la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972, nous semblent constituer un corps de règlementation suffisant pour la protection des professionnels et du public.

Les pouvoirs publics ont cédé à la pression des groupements immobiliers pour accepter la création d'un ordre virtuel des professions immobilières pouvant expliquer la prise d'une règlementation déontologique sanctionnée par un organe professionnel dédié sous la surveillance des juridictions administratives.

Ces dispositions d'exception semblent inhabituelles alors que l'entrée dans la profession fait l'objet d'un examen corporatiste de même que l'exercice de la profession et les condamnations sanctionnant les fautes.

Le remplacement des préfets par les présidents des chambres de commerce pour la délivrance des cartes professionnelles ne peut rassurer et donner aux professionnels le sentiment d'une impartialité garantie.

Enfin, un nouveau chemin de croix sera parcouru par les professionnels lors de la vente d'un lot de copropriété, avec de nombreuses stations chez les tiers pour recueillir la masse des documents qui devront être annexés à l'avant-contrat ou à l'acte de vente.

Il convient d'espérer que leurs souffrances seront récompensées autrement que par des sanctions disciplinaires sous le contrôle des juridictions administratives.


(1) Pour une présentation des autres dispositions de la loi "ALUR" du 24 mars 2014, relatives notamment aux baux d'habitation et à la copropriété, cf. Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Lagarde Bothorel & Associés - Avril 2014 - Loi "ALUR" : quels changements pour les baux d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 ?, Lexbase Hebdo n° 565 du 3 avril 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1672BUH) ; Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Lagarde Bothorel & Associés - Avril 2014 - Loi "ALUR" : quels impacts sur les locations meublées constituant la résidence principale du locataire ?, Lexbase Hebdo n° 566 du 10 avril 2014 - édition privée (N° Lexbase : N1764BUU) ; et les bulletins à venir.

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