La lettre juridique n°566 du 10 avril 2014 : Éditorial

Censure de la loi "Florange" : le législateur confronté à l'économie réelle

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 10 Avril 2014


Quand ils ne détricotent pas le linceul des Trente Glorieuses en attendant le retour de la croissance, partie l'on ne sait où depuis plus de vingt ans, les Gouvernements donnent l'illusion du mouvement et de l'action (ou plus volontiers de la réaction), à force de jeunesse, d'entrain, montant les escaliers de Matignon, quatre à quatre. "La trace d'un rêve n'est pas moins réelle que celle d'un pas" écrivait le regretté Georges Duby.

Mais, n'est pas Chaban-Delmas qui veut ! Et, même le petit général se sera cassé les dents sur sa "nouvelle société" qui n'était pas au goût de tout le monde et, notamment, des plus conservateurs. On pourra toujours dire que le mouvement était lancé et que les ricochets contemporains ne sont rien de moins que les fleurons de l'industrie française et les grandes lois sociétales et égalitaires de notre temps.

En attendant, d'aucuns confondent encore vitesse et précipitation : la censure de l'essentiel de la loi "Florange" en est, une nouvelle fois, un exemple patent. En vidant le texte de toute contrainte et de toute sanction en cas d'inobservation, le Conseil constitutionnel ne fait absolument pas de la résistance ; les Sages font montre, au contraire, de raison au regard du principe de la liberté d'entreprendre et de celui de la proportionnalité des peines. Le risque est grand, dans une économie mondialisée, à pénaliser l'action ou l'inaction des entrepreneurs et investisseurs. Le risque est d'autant plus grand quand la loi est mouvante et parfois inintelligible. L'ordre public de direction ne souffre plus "l'à peu près".

Alors certes, les nouvelles obligations de recherche d'un repreneur, qui visent à maintenir l'activité et à préserver l'emploi en favorisant la reprise des établissements dont la fermeture est envisagée lorsqu'elle aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, poursuivent un objectif qui tend à mettre en oeuvre l'exigence constitutionnelle du droit à l'emploi. Certes, l'obligation de communiquer des informations à toute entreprise concurrente se déclarant intéressée par la reprise de l'établissement dont la fermeture est envisagée n'impose pas la communication d'informations qui seraient susceptibles d'être préjudiciables à l'entreprise cédante ou qui porteraient sur d'autres établissements que celui dont elle envisage la fermeture, et ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Mais, que vaudra cette transparence, sans contrôle, ni contrainte adéquates ?

Au-delà du camouflet, qui sera vite camouflé sous un nouveau texte porté devant le Parlement "La Bruyère", c'est une méthode qui est, à nouveau, condamnée ; celle de la profusion et de la précipitation législatives. Pourtant, au cas d'espèce, la maturation de la loi, après un ANI et trois propositions, aurait dû conduire à ce que le texte final fut de meilleure facture afin d'avoir raison des objections pourtant prévisibles. Mais, le volontarisme législatif n'est pas tout.

Un nouveau pilote est dans l'avion, mais va-t-on arriver à bonne destination ? D'autant que l'on se souvient du sort de Chaban-Delmas, ayant par trop irrité le Président "bonhomme", avec son discours de présidentiable à la tribune de l'Assemblée nationale en 1969. Gageons que les querelles intestines n'affectent plus l'activité législative.

"Chaque époque rêve de la suivante" disait Walter Benjamin... Rien n'est moins certain.

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