Réf. : CA Versailles, 29 janvier 2014, n° 13/03001 (N° Lexbase : A1870MDM)
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N1265BUE
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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université de Bordeaux, Directeur de l'Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine - IRDAP
le 20 Mars 2014
La cour d'appel de Versailles, dans des circonstances qu'il convient bien sûr de prendre en compte, a jugé dans l'arrêt rapporté que la mission de l'administrateur provisoire tendant à refaire les comptes pour les années 2011 et 2012 et à les soumettre à l'approbation des associés n'implique pas l'examen du litige opposant les associés sur la répartition du résultat des exercices entre les associés. En revanche, les juges versaillais estiment que la demande de restitution de l'excédent de prélèvement effectué fin décembre 2012 par deux des associés entrait bien dans la mission de l'administrateur.
Le présent arrêt, en ce qu'il porte sur des aspects assez fréquents dans la vie des SCP, présente donc un double intérêt. D'une part, il permet de préciser la mission de l'administrateur provisoire au regard de l'établissement des comptes de la société (I) et, d'autre part, de lui reconnaître le pouvoir d'obtenir la restitution de sommes par les associés (II).
I - La mission de l'administrateur provisoire et l'établissement des comptes de la société
L'ordonnance de référé dont la réformation partielle était demandée à la cour d'appel de Versailles avait conféré à l'administrateur provisoire la mission de refaire les comptes de la société pour 2011 et imposé à deux des associés de restituer les sommes prélevées en décembre 2012. Ils font valoir qu'il n'y aurait pas lieu à référé du chef de ces demandes formées par l'un de leurs associés et, à tout le moins, constater l'existence de contestations sérieuses. En conséquence de quoi, les sommes litigieuses devraient être reversées aux deux associés concernés.
La difficulté sérieuse tiendrait, selon les appelants, à l'interprétation nécessaire de deux articles des statuts de la SCP, dont dépend le montant des droits à résultat pour 2011 et 2012 de l'avocat associé ayant fait l'objet successivement de la mesure de suspension provisoire d'exercice puis de l'omission du tableau. L'administrateur provisoire n'aurait pas de pouvoir pour trancher cette question qui relève de la compétence du Bâtonnier de l'Ordre des avocats, en application de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), qui dispose que tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à son arbitrage.
Pour les juges d'appel, un tel argumentaire ne saurait prospérer dès lors que la partie de la mission, tendant à refaire les comptes pour 2011 et 2012, consiste en une vérification de ces comptes. Elle n'implique pas l'examen du litige opposant les parties sur la répartition du résultat des exercices entre les associés. La position peut se comprendre dans la mesure où, l'administrateur provisoire est seulement désigné pour établir les comptes des deux années en cause et qu'il appartiendra aux associés de se prononcer sur l'approbation desdits comptes et surtout sur l'affectation des résultats. L'arrêt ne manque pas, d'ailleurs, de relever que l'administrateur devra convoquer les associés à cette fin, et que cette convocation entre "à l'évidence" dans sa mission. Si, lors de cette étape, les associés se trouvent en désaccord, notamment à propos de la détermination des droits aux bénéfices de l'associé sanctionné, il leur appartiendra alors de saisir le Bâtonnier afin qu'il exerce, sur cette question, le pouvoir que lui accorde la loi du 31 décembre 1971. Sous cette réserve logique, la mission de l'administrateur est bien d'établir les comptes sociaux et, pour ce faire, il est fondé à s'adjoindre un expert-comptable de son choix. Ce droit, formellement reconnu dans le présent arrêt, ne manquera pas d'être remarqué en ce qu'il s'avèrera souvent indispensable pour la bonne exécution de la mission confiée, es qualité, à un administrateur provisoire qui peut ne pas disposer des compétences comptables suffisantes pour l'établissement des comptes de la société.
II - La mission de l'administrateur provisoire et la restitution de sommes par les associés
L'arrêt commenté apparaît, également, comme favorable à la reconnaissance d'une plénitude des missions conférées à l'administrateur provisoire. Ici était en jeu la demande en restitution des sommes prélevées par les deux avocats retrayants en décembre 2012.
Pour les juges d'appel, confirmant en cela l'ordonnance du premier juge, une telle demande était fondée dans la mesure où elle permettait à l'administrateur provisoire de remplir pleinement sa mission. Dès lors qu'il résultait de l'examen des comptes que les sommes prélevées par les deux associés étaient supérieures au montant de leur compte courant d'associé, il en résultait, selon les termes de l'arrêt commenté, "une gêne à l'administration de la SCP, eu égard aux fonds dont elle dispose en compte auprès de la banque". La difficulté financière dans laquelle se trouvait ainsi placée la SCP apparaissait, d'ailleurs, à ce point évidente que les associés eux-mêmes avaient procédé, ultérieurement, à un reversement dans les comptes de la société d'une partie des sommes précédemment perçues.
Bien sûr, il ne saurait être retenu de cette position qu'entre dans les pouvoirs d'un administrateur provisoire, par principe, le droit de réclamer le reversement de sommes prélevées par des associés. Le fondement de ce droit est corrélé, en l'espèce, à la situation financière de la société et à la nécessité pour l'administrateur d'établir les comptes de l'année en cause. Une fois les comptes établis par l'administrateur, les associés seront à même de statuer, selon les clauses statutaires adéquates, sur l'affectation des résultats et donc sur la détermination du montant exact des sommes que les associés pourront prélever en représentation de leurs droits aux bénéfices dans la société.
Décision
CA Versailles, 29 janvier 2014, n° 13/03001 (N° Lexbase : A1870MDM) Liens base : (N° Lexbase : E9778ETC) et (N° Lexbase : E9973ETK) |
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