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N1381BUP
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Pareille aventure judiciaire était arrivée, en 1990, à la Géode de la Cité des sciences et de l'industrie, oeuvre d'Adrien Fainsilber et à la Grande Arche de la Défense, oeuvre de Johann Otto von Spreckelsen. Une jurisprudence qui fait oeuvre du rigorisme et qui dénie toute "liberté de panorama" ou panoramafreiheit, exception germanique au droit d'auteur reconnu aux architectes et sculpteurs sur leurs oeuvres lorsqu'elles sont situées dans l'espace public. En Allemagne, donc, on autorise la "reproduction par la peinture, le dessin, la photographie ou le cinéma d'oeuvres situées de manière permanente dans l'espace public, la distribution et la communication publique de telles copies" ; exit tout droit patrimonial en cas de reproduction. En revanche, le droit moral ou droit de suite de l'oeuvre reste intact : hors de question, alors, d'accepter quelque déviance dans l'interprétation ou la représentation de l'oeuvre. En France, on veut bien s'inspirer du dialogue social allemand ou de sa fiscalité, mais l'art censure l'art sui generis ! Pour un artiste du courant nabiste, qui relevait de l'orphisme, de l'ésotérisme et de la théosophie, cela ne manque toutefois pas de piquant.
Articles L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle et 9 de la Convention de Berne en poche, on se plait à imaginer l'ADAGP, la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, gestionnaire des droits patrimoniaux, se transformer en police de l'expression artistique, traquant non plus les seuls imagiers et autres photographes de cartes postales, mais tout amateur de photo, au book connecté, s'étant arrogé le droit sacrilège de détourner une oeuvre de Burren, de Botero ou un bronze de Dali, artistes conventionnels et adeptes de la censure s'il en était... On imagine le fructueux contentieux initié, en Absurdie, où les facétieux touristes faisant les marioles sur une sculpture originale perchée aux abords d'une autoroute ou sur un rond-point municipal, mais non moins fiers de les diffuser sur leur réseau social préféré, se réveilleraient avec l'âpreté d'une assignation en bonne et due forme... L'art peut être amoral voire immoral, mais les droits qui y sont attachés restent toutefois empreints d'une certaine religiosité...
Mardi, en Absurdie. Un ancien conseiller présidentiel était, lui, condamné à verser quelques 20 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée et pour, rien de moins, que d'avoir enregistré à son insu l'ancien couple présidentiel dans ses fonctions... Où l'on voit que l'intrigue est moins risquée que l'érotisme dans un pays où les combinazione ont mieux réussi leur greffe italienne que l'art de la Renaissance...
Mercredi. On apprenait simplement que les juges mettaient les avocats sur écoute pour connaître de leurs petites affaires avec leurs clients. En Absurdie, royaume de la Démocratie, des droits et des libertés, le secret professionnel, le secret des correspondances de l'avocat sont une absurdité en soi. Le droit de la concurrence a fait sauter le verrou, alors autant entrer par la grande porte de la violation des droits de la défense et écouter les conversations de l'avocat de l'ancien Président, toujours lui... Et parce que le comble du ridicule ne tue pas, pourquoi ne pas, en Absurdie, perquisitionner les locaux de l'Ordre des avocats pour obtenir l'éventuelle preuve d'une collusion entre le Bâtonnier d'alors et l'avocat irrégulièrement écouté ? Il ne faudrait tout de même pas croire que la profession puisse serrer les rangs face à une atteinte à ses fondements et à son bien le plus précieux. Faut-il avoir les oreilles grandes et la vue courte pour penser échapper au courroux légitime des sentinelles des droits et libertés !
Jeudi, en Absurdie. Le tribunal correctionnel de Paris relaxait le directeur des sites Demanderjustice.com et Saisirprudhommes.com qui était poursuivi pour exercice illégal de la profession d'avocat, déboutant, ainsi, le conseil de l'Ordre de Paris et le Conseil national des barreaux. Les magistrats parisiens ont considéré que les sites en cause remplissaient la tâche qu'ils se fixaient, à savoir permettre à une personne de saisir une juridiction où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire sans se déplacer et sans assistance ; une activité qui s'apparente pas, selon les juges, à un exercice illégal de la profession d'avocat. Parce que, bien entendu, fournir des modèles d'actes et les clés d'une procédure devant le tribunal d'instance ou le conseil des prud'hommes n'attente en rien au monopole judiciaire des avocats. CQFD ! Question de ressort et de champ de compétence : là où les avocats sont les plus utiles à la défense des justiciables, ils sont écartés et, bientôt, boutés hors du chemin par la foultitude de sites internet d'information ou de documentation qui s'y engouffreront, parce que de conseil et d'analyse il n'y en aurait point besoin. Mais, l'audit social et fiscal des entreprises et la gestion immobilière des baux commerciaux tombent, à coup sûr, dans le champ du périmètre du droit réservé et la compétence de l'auxiliaire de justice... Quand la cession de droits immobiliers revêt de celle des experts-comptables (cf. le projet de loi "ALUR")...
Et, l'on est que jeudi, en Absurdie....
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