La lettre juridique n°557 du 6 février 2014 : Éditorial

Le divorce conventionnel : la bonne idée qui cache la forêt

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Après la rupture conventionnelle dans l'entreprise, symbole de la pacification des séparations professionnelles voulue par le précédent Gouvernement, la rupture conventionnelle au sein des foyers : nouvelle trouvaille de la Chancellerie, pour éteindre l'incendie causé par une "déjudiciarisation" -notion réfutée par le Garde des Sceaux- du divorce par consentement mutuel. L'idée a de quoi séduire : il s'agit, ni plus ni moins, que de développer la médiation dans le cadre de ce type de séparation. Et, la médiation devrait, tout naturellement, se prêter volontiers à une séparation conjugale fondée justement sur le postulat du consentement et de la bonne volonté de chacune des parties. Resterait, dès lors, au juge à homologuer la convention du divorce pour donner force exécutoire à l'acte d'avocat, véhicule juridique constatant le divorce, réglant les conséquences financières, patrimoniales et familiales de ce dernier.

La mesure n'a rien de corporatiste, puisque les avocats sont, déjà, en charge de l'assistance des futurs divorcés au cours des procès. Ils n'ont donc rien à gagner, si ce n'est servir au mieux les intérêts de leurs clients et perdre des honoraires afférents aux audiences ainsi supprimées. Mieux, l'acte d'avocat ainsi homologué permettrait sans doute de raccourcir les délais de procédure et d'alléger la charge des magistrats, sans leur ôter leur pouvoir de contrôle de l'ordre public, du caractère univoque du consentement, comme du respect de l'équilibre des intérêts de chacun des divorcés.

Bien entendu, aux mots d'"acte d'avocat" et de "déjudiciarisation", les notaires sont montés au créneau. Pour eux, le problème le plus ardu à régler au sein d'un divorce par consentement mutuel serait... assurément la liquidation du régime matrimonial ! Or, le patrimoine, c'est leur affaire ! Puisqu'il serait, dans la majorité des cas, composé de la seule résidence péniblement acquise en commun. Et, l'acte authentique, ayant force exécutoire lui, pourrait ainsi couronner le tout !

Mais pour le coup, c'est bien la nature de l'acte notarial qui pourrait se retourner contre lui ; et qui expliquerait, aussi, pourquoi l'idée de confier ce divorce par consentement mutuel aux notaires, en 2011, a été abandonnée. Les juges n'ont aucunement l'intention de laisser le divorce, fût-il par consentement mutuel, hors de son contrôle, pas plus sous l'égide d'un officier ministériel que d'un auxiliaire de justice. Et, c'est là que l'acte d'avocat, par sa sanctuarisation certes, et ses garanties de sécurisation assurément, mais également par son allégeance à l'appréciation du magistrat, permet justement de ne pas "déjudiciariser" une séparation qui, même souhaitée de concert, demeure une rupture familiale.

On passera, également, sous silence, l'impertinence à faire entrer les notaires dans le jeu des affaires matrimoniales, autres que patrimoniales. Car, de toute manière, on divorce certes plus souvent, mais surtout plus jeune ! Au bout de cinq ans de vie commune, la seule communauté conjugale se réduit bien souvent... à un enfant perdu dans les querelles intestines du couple. Point de biens personnels, dont le sort est de plus en plus acté par le régime de la séparation des biens, point de résidence commune, dans un temps où l'on emprunte sur trente ans pour acquérir son logement, quand l'on ne doit pas déjà rembourser un vieux prêt étudiant.

L'enfant, centre des préoccupations de tous, et dont l'intérêt devra être mieux appréhendé et défendu par les avocats conseils au divorce par consentement mutuel : tel est justement l'objet des réflexions menées par le ministre délégué à la Famille. Il ne serait pas inintéressant alors de coupler une telle réforme du divorce par consentement mutuel, au projet de loi qu'elle devrait porter devant le Parlement -même aux calendes grecques, semble-t-il ?-.

Mais attention, le principe d'un divorce conventionnel, s'il peut séduire, ne dédramatisera pas la rupture conjugale pour autant ; pas plus que la rupture professionnelle conventionnelle ne dédramatise la séparation, certes consensuelle, mais d'une relation professionnelle dans laquelle le salarié, le plus souvent, a placé ses espoirs, son investissement, voire un grande partie de sa vie...

En outre, de la même manière que la rupture conventionnelle ne subit que le joug de l'administration du travail, alors que la Cour de cassation vient de rappeler que les syndicats et autres représentants de l'intérêt collectif ne peuvent pas prendre part à la querelle salario-patronale et ester en justice, le divorce conventionnel et son homologation judiciaire est un nouveau symbole de l'individualisme radical évoqué la semaine dernière dans ces colonnes. Il ne peut y avoir collectivisation du conflit individuel, conflit personnel donc, conflit qui nécessite l'appréhension de tous les particularismes. Or, ce sont ces particularismes auquel le juge devra veiller, pour que les droits et leurs défenses soient appliqués et défendus de manière, tout de même, harmonieuse.

Enfin, si on couple ce détricotage familial à la future loi sur l'égalité homme -femme visant, de manière légère, mais non anecdotique, à ce que l'administration s'adresse aux femmes mariées sous leur nom de jeune fille, par défaut... On actera, alors simplement, de l'intérêt gouvernemental à orchestrer, systémiquement, la flexibilité, non pas du marché du travail comme on aurait pu le penser, mais de la famille, du mariage.

Réformes pénales, réformes du droit de la famille, réforme du droit des contrats, simplifications des droits bancaire, financier, commercial, loi relative à la consommation, à l'égalité homme-femme, etc.. Et, tout cela, à vive allure ! Si seulement les membres du Gouvernement pouvaient retourner sur les bancs de l'école éléatique... Ils pourraient écouter Parménide leur vanter les vertus de l'immobilisme universel. Un immobilisme qui n'est pas signe du renoncement ou du conservatisme, mais un immobilisme qui serait la conséquence de la vérité, de la certitude, de l'être, pour en finir avec un mobilisme universel, action de la seule opinion, par définition incertaine... le non-être selon le poète grec.

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