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N0233BU8
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le 16 Janvier 2014
I - Procédures
Dans un arrêt du 14 novembre 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de deux sociétés qui avaient demandé l'annulation de saisies de données informatiques effectuées dans leurs locaux par la DGCCRF. Cette dernière avait obtenu une autorisation du juge des libertés et de la détention pour rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles. Les deux sociétés considéraient que les saisies étaient irrégulières en raison de leur "caractère global et disproportionné". La Cour a confirmé l'ordonnance du premier Président de la cour d'appel qui avait déclaré les saisies régulières dès lors que les fichiers saisis avaient été identifiés, inventoriés et copiés à destination des sociétés qui avaient pu prendre connaissance de leur contenu, et n'étaient pas étrangers "au but de l'autorisation qui avait été accordée" à la DGCCRF.
II - Droit d'auteur
Dans un arrêt du 14 novembre 2013, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'appel ayant débouté deux auteurs d'un logiciel de leur action en contrefaçon au motif que l'originalité du logiciel n'était pas caractérisée (CA Montpellier, 20 mars 2012, n° 11/01472 N° Lexbase : A1671IGY). En l'espèce, les développeurs estimaient que Microsoft avait reproduit et commercialisé le logiciel qu'ils avaient conçu. Pour la Cour de cassation, la cour d'appel avait bien relevé que le rapport d'expertise "se bornait à étudier les langages de programmation mis en oeuvre", "les algorithmes et les fonctionnalités du programme", mais que ces éléments, non protégés par le droit d'auteur, n'étaient pas de nature à justifier de l'originalité des composantes du logiciel.
Dans un arrêt du 26 novembre 2013, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi (cf. CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 12 septembre 2012, n° 11/05622 N° Lexbase : A5024ISU) d'une société de production de programmes de téléréalité qui avait intenté une action en concurrence déloyale contre une société concurrente. Cette dernière avait produit une émission de téléréalité qui présentait des ressemblances avec celle de la demanderesse. La Cour a considéré que "les similitudes relevées entre les formats étaient intrinsèquement liées au genre de la téléréalité d'enfermement et correspondaient aux codes usuels de la profession en ce domaine". De plus, elle a relevé que la concurrente "ne s'était pas placée dans le sillage de la [demanderesse] en profitant indûment de la notoriété acquise [...] par cette dernière".
Dans une décision en la forme des référés du 28 novembre 2013, le TGI de Paris a fait droit aux demandes de professionnels du cinéma fondées sur l'article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3536IEP) et a ordonné à des FAI et à des moteurs de recherches de bloquer l'accès au réseau de sites "allostreaming" et de les déréférencer. Le tribunal a considéré que ces sites portaient atteinte au droit de représentation des auteurs en proposant le visionnage d'oeuvres sans autorisation des titulaires de droit.
Dans un arrêt du 11 décembre 2013, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d'appel de Paris condamnant (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 27 mai 2011, n° 10/15109 N° Lexbase : A8271HS7) pour contrefaçon notamment le Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC) pour avoir autorisé la vente sur internet d'articles initialement publiés dans des revues sans l'accord de leur auteur. La Cour de cassation a relevé que la cession légale par l'auteur du droit de reproduction par reprographie au bénéfice d'une société de gestion collective en application de l'article L. 122-10 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3370AD8) excluait "toute utilisation à des fins commerciales". La Cour de cassation a de même considéré que la cour d'appel avait jugé à bon droit qu'en "reproduisant et en offrant à la vente les oeuvres [de l'auteur, les deux sociétés avaient] porté atteinte [à ses] droits patrimoniaux", l'article précité soumettant les copies aux fins de revente à l'accord de l'auteur.
III Cybercriminalité
Le 22 novembre 2013, le Conseil national du numérique (CNN) a rendu un avis défavorable sur l'article 1er de la proposition de loi, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée par l'Assemblée nationale le 29 novembre 2013, qui prévoit le blocage de sites de proxénétismes hébergés à l'étranger. Le CNN considère que "les dispositifs de blocage sont facilement contournables par les usagers" et conseille plutôt d'améliorer les moyens mis à disposition pour "réussir à saisir et punir les contrevenants" et "obtenir le retrait des contenus auprès des hébergeurs quand ils sont illicites".
Le 6 décembre 2013, le Conseil national du numérique (CNN) a rendu un avis sur l'article 13 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 (devenu article 20 après adoption de la loi par le Sénat le 11 décembre 2013 et publiée au JORF du 19 décembre 2013 : loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale N° Lexbase : L2087IZC). Ce dernier élargit le champ d'accès aux données de connexion et de géolocalisation conservées par les FAI et les hébergeurs. Le CNN considère que l'adoption de telles dispositions requiert une concertation préalable avec les autorités administratives indépendantes, dont la CNIL, ainsi qu'avec la société civile. Le CNN a décidé de se saisir de la question de la "protection des libertés et des droits fondamentaux" au regard de la révolution numérique et de lancer une concertation, afin de préparer l'élaboration d'une loi sur les libertés numériques.
IV - Droit de l'internet
Dans un jugement du 28 novembre 2013, le TGI de Paris a ordonné à Facebook de rétablir la page non officielle d'une série télévisée, bloquée sur demande du producteur de la série qui faisait valoir une atteinte à ses marques. Le TGI a considéré qu'une telle atteinte n'était pas constituée car il n'y avait pas eu d'"usage [de la marque] dans la vie des affaires", la page n'ayant pas été utilisée "à des fins commerciales". De plus, le jugement retient que le producteur connaissait l'existence de cette page et "profitait du travail d'animation" de son créateur. Le TGI a condamné le producteur à lui verser 10 000 euros pour indemniser le préjudice moral qu'il avait subi du fait de la fermeture de la page.
V - Données personnelles
Dans un arrêt du 20 novembre 2013, le Conseil d'Etat a rejeté la demande d'annulation pour excès de pouvoir d'articles du décret du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne (décret n° 2011-219 N° Lexbase : L4181IPK). Ce décret fixe la liste des données devant être conservées par les FAI et les hébergeurs au titre de l'article 6, II de la "LCEN" (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 N° Lexbase : L2600DZC), ainsi que les modalités de leur conservation. En application de l'article 32 de la loi "informatique et libertés" (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS) qui prévoit des exceptions au principe d'obligation d'information des personnes dont les données sont collectées, notamment dans le cadre de réquisitions judiciaires ou administratives, le Conseil d'Etat a précisé que c'était à bon droit que le décret "ne prévo[yait] ni d'informer, ni de recueillir le consentement des personnes concernées".
Le 22 novembre 2013, l'Association francophone des autorités de protection des données personnelles a adopté une "Résolution relative à la procédure d'encadrement des transferts de données personnelles dans l'espace francophone au moyen de règles contraignantes d'entreprise (RCE)". Ces règles contraignantes d'entreprise, qui prendront notamment la forme de codes de conduite internes aux entreprises, permettront le respect des principes généraux relatifs à la protection des données et la définition de garanties minimales. Un bilan sera présenté dans un an sur la mise en oeuvre de ces RCE.
VI - Cybersurveillance dans l'entreprise
Dans un arrêt du 14 novembre 2013, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d'un syndicat qui avait demandé l'annulation du scrutin des élections des délégués du personnel. En l'espèce, un salarié du service informatique était parvenu à prendre connaissance du vote de deux de ses collègues en se connectant à distance à leur poste informatique au moment où les intéressés votaient. La Cour a considéré que l'atteinte à la sincérité du scrutin n'était pas caractérisée au motif que "le technicien informatique de l'entreprise, soumis, aux termes des articles R. 2314-12 (N° Lexbase : L0452IAY) et R. 2324-8 (N° Lexbase : L0257IAR) du Code du travail, à une obligation de confidentialité, s'était connecté aux postes des salariés à leur demande expresse".
VII - Commerce électronique
Dans un jugement du 28 novembre 2013, le TGI de Paris a prononcé la nullité de la marque "VENTE-PRIVEE.COM" pour absence de caractère distinctif, faisant droit à la demande d'une société concurrente. Le TGI a en effet considéré que la marque était constituée de termes génériques, "le signe ne cré[ant] pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui la compos[aient]". De plus, il a estimé que la marque n'avait pas acquis "une distinctivité telle qu'elle lui permet[te] de s'approprier les termes génériques qui [devaient] rester disponibles pour tous les acteurs de la vie économique agissant dans ce secteur".
La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, publiée au Journal officiel du 7 décembre 2013, a modifié le Code monétaire et financier, notamment son article L. 152-1 (N° Lexbase : L9537IYU). Cet article prévoit désormais que l'obligation qui est faite aux personnes physiques de déclarer les sommes ou valeurs qu'elles transfèrent sans l'intermédiaire d'une banque ou d'un établissement assimilé, vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel Etat, s'étend également à la monnaie électronique. En effet, cet article, dans sa nouvelle rédaction, fait référence aux moyens de paiement décrits par la loi du 28 janvier 2013 (loi n° 2013-100, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière N° Lexbase : L0938IWN), contenant des dispositions relatives à la monnaie électronique.
VIII - Droit de l'informatique
La loi du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, a introduit dans le Livre des procédures fiscales l'article L. 96 J (N° Lexbase : L9432IYY), lequel dispose que "les entreprises ou les opérateurs qui conçoivent ou éditent des logiciels de comptabilité, de gestion ou des systèmes de caisse ou interviennent techniquement sur les fonctionnalités de ces produits [...] sont tenus de présenter à l'administration fiscale, sur sa demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s'y rattachent". Tout contrevenant à ces dispositions s'exposera à une amende de 1 500 euros par logiciel, par système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation aura été réalisée dans l'année.
IX - Acteurs de l'internet
Le 11 décembre 2013, la cour d'appel de Paris a jugé que Google bénéficiait du statut d'hébergeur dans une affaire relative à des liens commerciaux du service "AdWords". En l'espèce, un acteur avait intenté une action en responsabilité contre Google car un lien commercial renvoyait vers un article dévoilant des éléments de sa vie privée. La cour d'appel a considéré que rien dans les conditions générales de vente du service "AdWords" ne démontrait que Google était intervenue "dans les choix des mots clés ou dans la rédaction de l'annonce". Elle en a déduit que la société Google était hébergeur au sens de la "LCEN", et qu'elle n'avait donc aucune "obligation de contrôle a priori des contenus fournis par les annonceurs".
FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats
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