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par Sylvian Dorol, Commissaire de justice, Directeur scientifique de la revue Lexbase Contenitieux et recouvrement
le 27 Septembre 2024
Mots-clés : constat • nuisances • constatations • procès-verbal • drone • enregistrement déloyal
La revue Lexbase Contentieux et Recouvrement vous propose de retrouver la septième chronique portant sur le thème du constat et illustrée par les plus récentes décisions jurisprudentielles sous la forme d’un contenu original rédigé par Sylvian Dorol, correspondant également à l’évolution du Bulletin d’informations de VENEZIA, édité en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase.
I. Avis du commissaire de justice
Un procès-verbal de constat est la relation de faits qu’a connus personnellement le commissaire de justice. Il est connu qu’il reçoit force probante à condition que l’officier public et ministériel fasse état des faits de manière objective et sans en tirer de conclusion. Mais qu’en est-il de l’avis ?
La cour d’appel de Bordeaux a eu à répondre à cette interrogation. Après avoir rappelé que l'article 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 N° Lexbase : L8061AIE disposait que les huissiers de justice pouvaient être commis en justice pour effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, elle insiste sur le fait que ce texte a été abrogé et remplacé par l'article 1er, II, 2° de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 N° Lexbase : L4070K8A. Puis, elle édicte sa réponse : « Si la lecture du procès-verbal de constat dressé par Me [T] le 11 avril 2018 démontre que l'officier ministériel formule parfois des considérations subjectives, en indiquant que les consorts [Ab]-[E] se sont illégalement accaparés la parcelle n°[Cadastre 5], celles-ci ne seront tout simplement pas retenues par la cour sans pour autant que ses autres constatations objectives doivent également être écartées ».
En d’autres termes, et pour user d’une formule triviale, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Appliqué au constat, les juges considèrent que le procès-verbal de constat est une enveloppe, au sein de laquelle seules les constatations réalisées conformément aux exigences du législateur reçoivent force probante. Les considérations personnelles, même si elles ne doivent pas figurer au procès-verbal, ne reçoivent pas force probante et ne sont pas pris en considération par les magistrats. Il est cependant dommage que ce soit aux magistrats de rappeler aux commissaires de justice la portée de leurs actes.
II. Drone
Un drone, ça sert à quoi ? À plein de choses, dont à offrir un point de vue original au commissaire de justice constatant. Il peut constituer également la clé de voûte d’une stratégie probatoire originale comme en témoigne l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 4 juillet 2024.
En l’espèce, un propriétaire dispose d’un appartement avec vue sur mer. Un ensemble immobilier se construit devant, mais la vue est préservée grâce à une clause au terme de laquelle « que chaque propriétaire, ou locataire ... doit, à la première réquisition d'un autre propriétaire, faire élaguer ou couper les arbres se trouvant sur sa propriété et pouvant gêner ou nuire tant à l'ensoleillement qu'à la vue du terrain du plaignant ». Bien évidemment arrive ce qui devait arriver : un palmier pousse et obère la vue sur mer de la plaignante, comme il ressort d’un constat d’huissier qu’elle produit aux débats. Au terme de ce procès-verbal, le palmier est en effet dans l’axe de la vue sur mer. La partie adverse soutient cependant que le palmier n’occulte pas toute la vue, mais est seulement dans le champ de vision. Afin de le prouver, et parce qu’il était impossible d’accéder à l’appartement de la partie adverse, l’appelant recourt à un commissaire de justice équipé d’un drone, permettant de s’élever à hauteur de l’appartement et photographier la vue litigieuse.
Même si, finalement, l’appelant ne remporte pas, il faut retenir de cette décision une illustration de l’utilisation du drone dans un contentieux, autre que prendre de simples vues aériennes…
III. Enregistrement déloyal
Un salarié a déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques commises par son employeur. La victime a saisi la même juridiction d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Les deux instances ont été jointes.
Afin de prouver les faits, le salarié produit un enregistrement de l’altercation et sa retranscription par un commissaire de justice. La cour d’appel approuve la production de cet enregistrement et admis la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle et reconnu la faute inexcusable de l’employeur.
La Cour de cassation valide ce type de preuve en relevant que deux conditions sont réunies en l’espèce :
- caractère indispensable de la preuve ;
- caractère proportionné au but poursuivi
C’est là une confirmation de l’arrêt d’assemblée plénière du 22 décembre 2023 (Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 N° Lexbase : A27172AU) qui consacrait la recevabilité des preuves obtenues déloyalement.
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