Réf. : Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées N° Lexbase : L9340MMU
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par Étienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, Directeur scientifique de l’ouvrage Lexbase « Procédure civile », Directeur scientifique de la revue Lexbase Droit privé
le 26 Septembre 2024
Mots-clés : procédure civile • Magicobus • fins de non-recevoir • juge de la mise en état • tribunal judiciaire • audience de règlement amiable • ARA • pensions alimentaires • commissaire de justice
Annoncé depuis le début de l’année, le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées amorce une nouvelle politique de réforme de la chancellerie. Son contenu touche de nombreux aspects de la procédure civile, et de la vie des professions judiciaires. Sur la méthode, il consacre une nouvelle manière d’appréhender la réforme de la procédure civile, que la chancellerie a maladroitement intitulée « Magicobus ».
I. La méthode « Magicobus » : le début d’une ère nouvelle ?
Le terme « Magicobus » n’est ni un sigle mystérieux ni une référence savante. Il s’agit d’un emprunt à l’univers populaire de la saga Harry Potter. Dans l’esprit, et surtout dans la communication de la chancellerie, il désigne une façon particulière de réformer la procédure civile. Dans la circulaire de présentation du décret [1], le directeur des affaires civiles et du sceau évoque de façon générale une « nouvelle méthode « Magicobus » qui se caractérise par deux grands traits : d’une part les modifications adoptées par le décret sont issues de remontées des juridictions ou des professions judiciaires ; d’autre part, le rythme des réformes devient continu, puisque la chancellerie a annoncé son intention de publier un décret tous les semestres [2]. Les décrets « Magicobus » sont ainsi décrits par la direction des affaires civiles et du sceau comme des « vecteurs réglementaires ». On doit ici comprendre que ces textes sont conçus comme des véhicules particuliers de réforme, qui sont publiés à échéances régulières et qui portent des modifications de procédures civiles souhaitées par la profession (et non pas voulues par le pouvoir politique). La référence au « bus » qui satisfait les besoins de ses usagers est ainsi mieux comprise, même si ce bus n’a rien de magique. L’expression « Magicobus » est ainsi maladroite et se prête à toute sorte de jeux de mots dans les commentaires doctrinaux, ce qui éloigne ces textes réglementaires de leur véritable objectif.
Car l’objectif est ici essentiel. Cette nouvelle méthode de réglementation acte de façon implicite l’échec de la réforme de la procédure civile depuis le début des années 2000. Cet échec se décline dans les trois grands pans de la matière : l’appel, la première instance et l’amiable. Les gouvernements successifs ont échoué à accélérer et à améliorer la procédure devant la cour d’appel, laquelle n’a jamais atteint son objectif de réduction des délais. La procédure devant le tribunal judiciaire, issue de la fusion de certaines juridictions civiles, n’a pas non plus apporté les simplifications attendues. Les questions de compétence qui avaient présidé à cette fusion sont plus complexes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient avant et l’institution judiciaire a maintenu l’instruction devant le juge de la mise en état comme la voie principale contrairement aux vœux de la chancellerie qui souhaitait transformer profondément l’orientation des affaires et leur mise en état. Enfin, l’amiable, qui a donné lieu à un nombre impressionnant de lois et décrets, ne s’est pas imposé comme un mode ordinaire de règlement des litiges. Quels que soient les efforts déployés, la chancellerie a échoué à insuffler cette culture du règlement non juridictionnel du litige.
Les grandes réformes du 21e siècle n’ont pas modifié en profondeur la procédure civile. Dans cette matière, la politique du ministère de la Justice a rencontré une forte résistance, qui pourrait s’expliquer par le fait que les grandes réformes de la matière ont été initiées par le haut. La nouvelle méthode réglementaire est donc différente. Il ne s’agit plus de penser une nouvelle procédure civile, mais de corriger les défaillances ou les lacunes de la procédure actuelle. Pour identifier ces dysfonctionnements, les services du ministère se mettent à l’écoute de la pratique professionnelle. La physionomie de la réforme en est profondément bouleversée. D’une part, le nouveau texte (et ceux à venir) ont vocation à réformer par petites touches de très nombreux domaines de la procédure civile. D’autre part, ces modifications s’opèrent à flux tendu. L’idée est ici de traiter avec régularité et rapidité tous les défauts qui sont identifiés et dénoncés sur le terrain.
Si on peut reprocher à la chancellerie de manquer d’idées [3], il faut reconnaître que cette méthode présente de nombreux avantages. En premier lieu, elle ne bouleverse pas la manière de conduire le procès et garantit une certaine forme de stabilité. En deuxième lieu, elle vise à éviter que le stock de défaillances s’accumule dans les textes au fil des grandes réformes. En troisième lieu, elle est mieux reçue par les milieux professionnels qui en sont à l’initiative.
S’il est difficile de présenter ce décret « Magicobus 1 » dans un plan structuré, on peut tout de même considérer que le décret aborde des questions qui touchent au droit commun procédural et d’autres, qui concernent les procédures spéciales.
II. Les questions de droit commun procédural abordées par le décret
A. Le traitement des fins de non-recevoir en première instance
C'est la partie la plus importante du décret du 3 juillet 2024. Il s’agit là d’une réorganisation du régime des fins de non-recevoir qui avait été entièrement réécrit en 2019. Cet aspect du décret fait l’objet d’un commentaire spécifique auquel nous renvoyons [4]. Nous présentons ici les principales innovations et ce que cela va changer dans la pratique des fins de non-recevoir en procédure écrite.
En 2019, le pouvoir réglementaire a confié au juge de la mise en état la compétence de statuer sur les fins de non-recevoir. Il s’agissait de permettre le règlement de toutes les questions purement procédurales au stade de la mise en état afin que la formation de jugement ne se prononce que sur le fond du dossier. Il s’agissait également d’éviter qu’une action irrecevable (par exemple, prescrite) fasse l’objet d’un traitement procédural complet jusqu’à la juridiction du fond. L’intention était bonne, mais elle a conduit à un alourdissement de la charge de travail au stade de l’instruction du dossier. Certaines fins de non-recevoir étaient soulevées tardivement (à la fin de l’instruction) et certaines parties utilisaient l’appel immédiat comme une arme pour retarder la procédure. Les modifications visent donc à permettre au juge de la mise en état (JME) de mettre en œuvre sa compétence de façon plus efficace.
1/ Le JME peut renvoyer l’examen de la fin de non-recevoir à la formation de jugement, non seulement en raison de la complexité de l’affaire, mais également de l’état d’avancement de l’instruction (CPC, art. 789 al. 8 N° Lexbase : L9730MMC). Concrètement, cela signifie que lorsqu’une partie tente de prolonger l’instruction en soulevant une fin de non-recevoir alors que l’affaire est en état d’être jugée et que l’instruction est sur le point d’être close, le JME n’est pas tenu de statuer. La procédure suit son cours et la demande sera traitée en même temps que le fond du dossier. Les parties devront donc reprendre cette prétention dans leurs conclusions récapitulatives. La décision du JME est une mesure d’administration judiciaire dont un avis est donné aux avocats.
2/ L’appel immédiat de la décision du JME sur les fins de non-recevoir a aussi posé des difficultés, car il était utilisé par certains plaideurs de façon dilatoire. Désormais l’appel immédiat est réservé aux exceptions de nullité, incidents d’instance et fins de non-recevoir qui mettent fin à l’instance. Dans ces situations, l’appel immédiat se comprend logiquement. À l’inverse, s’il n’est pas mis fin à l’instance, l’appel de la décision du JME est différé (avec le jugement sur le fond CPC, art. 785 al. 6 N° Lexbase : L3371MIP). Ici, la réforme ne touche pas seulement les fins de non-recevoir, mais également les exceptions de nullité. Par ailleurs, l’appel sur les fins de non-recevoir sera traité selon la procédure ordinaire devant le conseiller de la mise en état et non plus, comme c’était le cas depuis 2020, selon la procédure à bref délai (CPC, art. 906 N° Lexbase : L7238LES).
3/ La fin de non-recevoir peut s’accompagner d’une question de fond. Par exemple, pour savoir quel est le délai de prescription de l’action, il faut déterminer auparavant quelle est la nature de cette action, question qui relève du fond. Depuis la réforme de 2019, le JME détient la compétence pour statuer sur cette question de fond. Cette compétence est maintenue, mais elle est transférée à l’article 125, alinéa 3, du Code de procédure civile N° Lexbase : L9729MMB, dans les dispositions communes à toutes les juridictions. Désormais, tout juge saisi d’une fin de non-recevoir peut trancher la question de fond préalable. Dans le texte initial de 2019, les parties pouvaient s’opposer à ce que le juge tranche la question de fond lorsque l’affaire ne relevait pas de la compétence du juge unique. Cette mention est supprimée de l’article 789 du Code de procédure civile, mais ce pouvoir d’opposition semble maintenu. Selon la circulaire c’est directement l’article L. 212-1 CPC (qui définit les matières relevant de la collégialité), qui permet aux parties de s’opposer à ce que le JME tranche une question de fond. Par ailleurs, de façon un peu radicale, la circulaire prétend que « le système de navette entre le juge de la mise en état et la formation de jugement est supprimé ». La navette a effectivement été supprimée de l’article 789 du Code de procédure civile, mais si la question de fond échappe au JME, car elle relève de la formation collégiale, rien ne précise quelle est la procédure à suivre. La question se pose alors de savoir si le juge doit refuser de statuer sur la fin de non-recevoir et renvoyer à la formation de jugement, ou s’il doit saisir le tribunal pour avoir une réponse sur la question de fond, avant de reprendre le dossier pour statuer sur la fin de non-recevoir. Sur ce point, la simplification a surtout provoqué un flou qui sera peut-être corrigé dans un prochain décret semestriel.
4/ La circulaire apporte une précision pédagogique sur un dernier point, qui concerne la date d’apparition de la fin de non-recevoir. Ce point fait l’objet d’une harmonisation introduite à l’article 802 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3376MIU. Cette disposition prévoit que les fins de non-recevoir, ainsi que les exceptions de procédure, incidents d’instances et demandes formées en application de l’article 47 CPC (dépaysement de l’affaire) qui sont révélés après la clôture de l’instruction sont recevables et peuvent faire l’objet de nouvelles conclusions. La circulaire va plus loin en distinguant deux types de situations. Lorsqu’une fin de non-recevoir est révélée avant la clôture, elle doit être soulevée avant l’ordonnance de clôture devant le juge de la mise en état à peine d’irrecevabilité. En revanche, lorsque l’irrecevabilité est révélée après la clôture, la demande peut faire l’objet de nouvelles conclusions. Il faut alors à nouveau distinguer deux situations. Le JME est compétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir jusqu’à l’ouverture des débats ou la date fixée pour le dépôt des dossiers. Après cette date, c’est la formation de jugement qui doit statuer sur cette fin de non-recevoir (CPC, art. 799 in fine N° Lexbase : L3373MIR).
Pour bien comprendre ce nouveau régime des fins de non-recevoir, il conviendra de lire attentivement la circulaire d’application, car le décret a certainement modifié de nombreux points, mais en supprimant et en déplaçant plusieurs alinéas, il n’a pas fait preuve d’une grande clarté. C’est là un des inconvénients de cette méthode : elle est difficilement lisible.
B. L’extension du champ d’application de l’audience de règlement amiable
L’audience de règlement amiable a été créée il y a un an par le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 N° Lexbase : L3217MIY. Cette création avait une vocation expérimentale, puisque cette procédure de règlement amiable du litige avec l’aide d’un juge était initialement réservée au tribunal judiciaire.
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de bilan statistique de cette procédure amiable, mais dans leur rapport au garde des Sceaux, publié au mois de juin dernier, les ambassadeurs de l’amiable évoquent « un vrai succès en marche » en indiquant notamment que l’ARA (l’audience de règlement amiable) a été appliquée de façon générale dans les juridictions notamment par son introduction dans les ordonnances de roulement [5]. La phase expérimentale étant en quelque sorte achevée, le rapport des ambassadeurs évoque le projet d’extension à la matière commerciale, mais également à la cour d’appel.
Cette étape d’extension débute ainsi avec le décret du 3 juillet, qui concerne les différentes juridictions statuant en matière commerciale. La possibilité de convoquer les parties à une audience de règlement amiable est désormais offerte :
- au président du tribunal judiciaire statuant comme juge des loyers commerciaux ;
- au tribunal de commerce
- au juge chargé d’instruire l’affaire du tribunal de commerce ;
- au président de ce tribunal statuant en référé, de même qu’au président de la chambre commerciale des tribunaux judiciaires d’Alsace-Moselle statuant en référé.
Cette ouverture de l’ARA à la matière commerciale traduit aussi un changement de conception de son domaine d’application. Ainsi, la circulaire d’application du 17 octobre 2023 prévoyait que l’ARA était ouverte uniquement dans les procédures écrites ordinaires et dans les procédures de référé devant le tribunal judiciaire. Cette limitation n’était pas inscrite dans le décret, mais la circulaire la justifiait par le fait qu’en procédure écrite « les justiciables ont rarement accès directement au juge ». Avec l’extension à la matière commerciale, l’ARA fait son introduction dans les procédures orales. La justification avancée par le ministère ne tient plus réellement et rien ne s’oppose vraiment à introduire l’ARA dans la procédure sans représentation obligatoire. Cette question n’est pourtant pas évoquée. En pratique, dans ces procédures, l’amiable relève des conciliateurs de justice et non du juge.
La méthode d’introduction de l’ARA au sein des juridictions judiciaires est particulière. En principe, il n’existe aucun obstacle à ce que l’ARA soit applicable à toutes les juridictions, mais sa mise en place nécessite un travail administratif au sein des juridictions qui nécessite que l’institution soit prête à accueillir cette procédure. Il est nécessaire de l’insérer dans l’ordonnance de roulement et, plus encore, de former les juges à s’approprier cette technique nouvelle de résolution des litiges. C’est probablement la raison pour laquelle seule la matière commerciale est concernée par le décret du 3 juillet. Il n’en reste pas moins que l’ARA constitue aujourd’hui, dans l’esprit de la chancellerie, un outil majeur de sa politique de l’amiable.
III. Les procédures particulières modifiées par le décret
En droit de la famille, lorsqu’un couple se sépare et qu’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants est décidée, le versement de cette pension alimentaire peut passer par l’intermédiation financière d’un organisme public. Cet organisme est chargé de percevoir la pension alimentaire auprès du débiteur et de la payer au créancier. La charge du recouvrement de la pension repose donc sur l’organisme. Cette procédure est aménagée à l’article 1074-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9741MMQ, qui est légèrement retouché par le décret.
En particulier, lorsque la séparation des parents est prononcée par un juge, le greffe doit transmettre un « extrait exécutoire » à l’organisme d’intermédiation. Le décret précise que cet extrait « reproduit l'en-tête et le dispositif du jugement. », qu’il est certifié conforme à la minute par le greffe et revêtue de la formule exécutoire.
Le décret aménage aussi la procédure dans l’hypothèse où le domicile du débiteur de la pension est inconnu. Le parent créancier qui doit alors signifier la décision de justice. Le greffe, quant à lui, doit transmettre à l’organisme débiteur l’extrait exécutoire dans les sept jours du prononcé du jugement.
Enfin, le décret précise que la signification au débiteur de la pension, par l’organisme d’intermédiation de l’extrait de la décision de justice, ou de la copie de la convention homologuée par le juge, ne fait pas courir les délais pour exercer les voies de recours.
Cette procédure figure dans le Code de la santé publique. Ce texte prévoit que le directeur de l’établissement où se déroule cette mesure doit transmettre au greffe des informations et des pièces nécessaires à l’audition du patient par le juge des libertés et de la détention qui contrôle cette mesure (CSP, art. R. 3211-33-1 N° Lexbase : L1444MCH). Le délai de transmission au greffe est raccourci. Il passe de 10h à 6h afin de faciliter le travail de préparation de l’audition par le greffe, puisque le juge est tenu de statuer dans un délai de vingt-quatre heures (CSP, art. R. 3211-39 N° Lexbase : L1449MCN).
La simplification profite ici au ministère public, lequel est dispensé d’assister à l’audience lorsqu’il est partie principale, à moins que le juge n’en fasse la demande (CPC, art. 1226 N° Lexbase : L3109LW3). Il s’agit là d’une dérogation à la règle plus générale de l’article 431 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3109LW3 selon laquelle le ministère public est tenu d’assister aux audiences dans les cas où il est partie principale.
La circulaire ne s’explique pas sur cette simplification, mais la raison semble évidente. Dans le contentieux de la protection, lorsque le procureur de la République agit en tant que partie principale, il s’agit généralement de pallier la défaillance des proches ou de répondre à une alerte d’un organisme médico-social (hôpital, assistant(e) social(e)). Le procureur peut également requérir un médecin pour obtenir un certificat médical. Le rôle du ministère public consiste donc à initier une procédure, à aider à réunir les pièces du dossier, mais ce dernier peut ensuite laisser au juge des tutelles le soin de choisir et d’adopter la mesure de protection la plus adaptée.
La procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation est adaptée aux procédures urgentes. Par principe, le juge qui sollicite l’avis de la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à la réception de l’avis. Cette procédure n’est toutefois pas adaptée, chaque fois que le juge doit se prononcer dans l’urgence. L’obligation de surseoir à statuer est incompatible avec le délai imposé au juge pour trancher le litige. En pratique, cela empêche le juge d’obtenir un avis, alors même que la position de la Cour de cassation pourrait présenter une utilité pour les contentieux à venir.
L’article 1031-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L2676K8M est ainsi modifié en prévoyant qu’il n’est pas sursis à statuer si le juge doit se prononcer dans un délai n’excédant pas trois mois ou dans l’urgence. Le sursis à statuer peut alors s’imposer devant la cour d’appel, sauf si cette dernière est elle-même obligée de respecter le délai imposé au premier juge. L’avis de la Cour de cassation risque d’intervenir après la décision de justice, ce qui peut constituer une difficulté si la décision est définitive. La procédure est donc davantage conçue comme une saisine pour l’avenir.
Les commissaires de justice peuvent exercer certaines activités accessoires. Ils peuvent être administrateurs d’immeuble, agents d’assurances ou médiateurs (décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021, art. 29 N° Lexbase : Z76251TP). Le décret du 3 juillet ajoute une nouvelle activité accessoire : intermédiaire immobilier en vue de la vente d’un bien dont ils assurent l’administration (s’ils ont reçu un mandat écrit du propriétaire) ;
On signale également qu’un autre décret n° 2024-659 du 2 juillet 2024 N° Lexbase : L9050MM7 relatif au contrôle des comptes de gestion leur permet d’exercer en tant que professionnel qualifié chargé de la vérification et de l'approbation des comptes de gestion de majeurs protégés.
La dernière retouche concerne la composition des juridictions disciplinaires des officiers ministériels, dont les membres sont nommés par arrêté du ministre de la Justice. Désormais, les magistrats et magistrats honoraires ne sont plus « proposés », mais « désignés » par les chefs de cour (décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, art. 29 N° Lexbase : L1594MDE).
IV. La péremption d’instance : la grande absente du décret
Au regard de ces différentes modifications, on comprend que l’ambition de ce premier décret dit « Magicobus » est finalement assez modeste. Si le régime des fins de non-recevoir est sensiblement modifié, pour le reste, les retouches sont très limitées. Il s’agit moins d’un texte de réforme, que d’un texte d’ajustements.
On peut ainsi regretter que certaines modifications ou clarifications majeures soient ignorées. Il en est ainsi de la péremption d’instance, qui a donné lieu à un important revirement de jurisprudence en mars 2024 [6], et pour laquelle de nombreux acteurs appellent à une clarification plus générale dans le Code de procédure civile [7]. Il s’agit en particulier d’introduire une règle selon laquelle le délai ne court pas à l’égard d’une partie qui n’a plus de diligence à accomplir.
À son origine, le projet de décret prévoyait une réforme timide du régime de la péremption, mais les arrêts du 7 mars 2014 ont conduit, soit à reporter, soit à renoncer à cette modification. Toutefois, ces arrêts se sont prononcés sur la péremption durant l’instance d’appel et il n’est pas possible de savoir si la solution sera appliquée telle quelle en première instance.
Il devient donc nécessaire d’introduire dans le Code de procédure civile une nouvelle règle selon laquelle la péremption ne court pas à l’égard de la partie qui a accompli toutes les diligences procédurales qui lui sont imposées. Une telle règle générale dispenserait ainsi les parties de demander au juge la fixation d’une date de clôture ou d’audience dans le seul but de voir le délai de péremption interrompu.
Sur cette question, il faudra donc attendre la fin de l’année 2024 et le décret du second semestre pour savoir si la chancellerie s’est saisie de cette question.
V. Entrée en vigueur
Le décret entre en vigueur le 1er septembre 2024 est, par principe, il est applicable aux procédures en cours.
Quelques aménagements sont prévus :
- la suppression de l’appel à bref délai de l’article 906 (ancien article 905 5° N° Lexbase : L3386MIA) pour les fins de non-recevoir est applicable aux appels introduits après le 1er septembre ;
- le nouveau délai dans la procédure de contrôle d’une mesure d’isolement est applicable aux saisines du juge postérieures au 1er septembre ;
- le pouvoir de désignation des magistrats dans les instances disciplinaires des officiers ministériels est entré en vigueur le lendemain de la publication du décret.
[2] M. Lartigue, La DACS, cheville ouvrière du volet civil du plan pour la justice, Gaz. Pal., 30 juillet 2024, n° 26, p. 5. ; Direction des affaires civiles et du sceau, Rapport d’activité 2023, p. 3.
[3] Cf. par ex. M. Barba, Magique procédure civile, Dalloz, 2024, p. 961.
[4] C. Bouland, Décret « Magicobus 1 » et traitement des fins de non-recevoir : le législateur joue-t-il aux apprentis sorciers ?, Lexbase Droit privé, septembre 2024, n° 994 N° Lexbase : N0193B3K.
[6] A. Martinez-Ohayon, Péremption d’instance en appel : la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence !, Lexbase Droit privé, mars 2024, n° 977 N° Lexbase : N8676BZD - Y. Ratineau, Péremption d’instance : faut-il vraiment se réjouir du revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation ?, Lexbase Droit privé, mars 2024, n° 979 N° Lexbase : N8845BZM.
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