Réf. : Cass. civ. 3, 28 mars 2024, n° 22-16.473, FS-B N° Lexbase : A24012X9
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 04 Avril 2024
► Le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine.
La solution n’est pas nouvelle, mais c’est la première fois à notre connaissance qu’elle est formulée aussi clairement en ces termes.
Pour rappel, l’article 646 du Code civil N° Lexbase : L3247ABU dispose que « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ».
Il est de jurisprudence constante que l’action en bornage est irrecevable dès lors qu’une délimitation des fonds est déjà intervenue, soit par la voie amiable, soit par la voie judiciaire (v. Cass. civ. 3, 16 novembre 1971, n° 70-11344, publié au bulletin N° Lexbase : A7666CHE et Cass. civ. 3, 17 juillet 1972, n° 71-10.414, publié au bulletin N° Lexbase : A8827CHE : jugeant que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu d'accueillir la demande en bornage dès lors qu’elle constatait l’accord antérieur des parties sur la délimitation de leurs propriétés).
Dans un arrêt du 19 janvier 2011, elle a toutefois précisé qu’« une demande en bornage judiciaire n’est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes » (Cass. civ. 3, 19 janvier 2011, n° 09-71.207, FS-P+B N° Lexbase : A2876GQL).
C’est donc dans la lignée de ces précédentes décisions, que la Haute juridiction vient préciser qu’il résulte de l'article 646 du Code civil que le bornage rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine.
Tel n’était pas le cas en l’espèce.
La cour d'appel d’Orléans (CA Orléans, 16 mars 2022, n° 21/02116 N° Lexbase : A70617QL) avait, d'abord, constaté, par motifs propres et adoptés, qu'un bornage amiable avait été réalisé et des bornes implantées en mars 1984, avant l'acquisition des parcelles par les parties.
Elle a, ensuite, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, souverainement retenu, au vu de l'analyse effectuée par un géomètre, d'une attestation et de photographies versées aux débats, que si les bornes avaient disparu, la limite résultant du bornage ne pouvait pas être regardée comme perdue, puisque les auteurs du propriétaire d’un des deux fonds (demandeur à l’action en bornage) l'avaient eux-mêmes consacrée en implantant sur l'emplacement de celle-ci, en 1989, une clôture grillagée que le propriétaire actuel avait ultérieurement remplacée pour partie par un mur.
Selon la Haute juridiction, ayant ainsi fait ressortir que la limite séparative n'était pas devenue incertaine, elle en avait, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et sans méconnaître les dispositions de l'article 647 du Code civil relatives au droit de se clore, exactement déduit que l'action en bornage était irrecevable.
On relèvera que, précisément, dans un arrêt en date du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que la présence d'une seule borne ne rend plus effective la matérialisation de la ligne séparative fixée lors d'un précédent bornage amiable, ce dont il résulte que la demande de bornage judiciaire était recevable (Cass. civ. 3, 6 juillet 2022, n° 21-17.217, F-D N° Lexbase : A51428AP).
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