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par Héloïse Briodeau - Elsa Loysier - Léna Oudjedour, Etudiantes en Master Droit de la Construction et de l’Urbanisme, UPEC
le 28 Février 2024
Mots-clés : construction • contrat d'entreprise • marché d'entreprise • marché de travaux • prix • requalification de contrat • nullité • honoraires • cotraitance • effet relatif du contrat • immixtion du maître d'ouvrage • exonération de l'entrepreneur • sous-traitance • réception • atteinte à destination • promotion immobilière • devis • délai raisonnable • responsabilité • constructeur • castor • EPERS » (éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire) • marché à forfait • assurances tous risques chantier
Le 15 février 2024, la commission ouverte « Marchés de travaux », présidée par Maître Juliette Mel, cabinet M2J Avocats, a organisé un colloque intitulé « La réforme du contrat d’entreprise en questions ». Il s’est agi de challenger l’un des rédacteurs de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, Monsieur le Professeur Pierre-Yves Gautier, Professeur en droit privé à l’Université Panthéon-Assas.
Les challengers étaient : Maître Manon Brauge, cabinet M2J Avocats ; Maître Gaël Balavoine, cabinet KAEM’S ; Maître Michel Vauthier, cabinet Vauthier ; Madame Marie-Laure Villemotte, Allianz OM ; Madame Thi-Minh Nguyen, cabinet M2J ; avec pour modérateur Maître Juliette Mel.
À titre préliminaire, le Professeur Pierre-Yves Gautier a souhaité replacer temporellement cette réforme des contrats spéciaux. La réforme du droit des contrats par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK a eu un fort impact et une incursion dans le droit des contrats spéciaux. Ainsi, deux projets de réforme ont été proposés, le premier naquit de la « Commission Henri Capitant » où les différents universitaires et juristes souhaitaient créer un droit des contrats spéciaux et des obligations spéciales. Puis le projet de la Commission nommée par la Chancellerie et présidée par le Professeur Stoffel-Munck ayant été sollicité en mars 2020.
La philosophie qui gouverne ces deux commissions est celle de garder la tradition civiliste émanant de Portalis, légiférer dans la continuité de la réforme de 2016, qui a considérablement modernisé le droit des contrats, ainsi que répondre au besoin d’un droit écrit mais sans trop écrire.
Plus précisément, le contrat d'entreprise est un contrat où il reste « beaucoup à construire ». Le Code civil de 1804 l'évoquait, mais de façon insuffisante alors qu'aujourd'hui, ce dernier fait l’objet d’une utilisation plus accrue notamment dans le domaine du droit de l’immobilier.
Toutefois, comme le rappelle le Professeur Pierre Yves Gautier, le projet de réforme ne souhaite pas se borner à légiférer les jurisprudences, mais vise à effectuer un travail de réflexion pour proposer des règles intelligibles pouvant gouverner les différents contrats spéciaux tout en ayant vocation à durer dans le temps, et ce, malgré les évolutions.
I. Le prix : définition et révision (intervention de Maître Manon Brauge)
À travers la problématique du prix, Maître Manon Brauge a souhaité poser diverses questions au Professeur Pierre-Yves Gautier afin de comprendre l'évolution de la notion de « prix » appliquée au contrat d'entreprise
L’article 1756 de l’avant-projet, 1790 du Code civil : |
Afin de répondre à cette question, le Professeur Gautier rappelle que même si la jurisprudence actuelle n'admet pas la conclusion d'un contrat d'entreprise à titre gratuit, la réforme pourrait amener différentes parties à conclure un contrat d'entreprise à titre gratuit puisqu'elle en prévoit la possibilité. La présomption simple d'onérosité du contrat d’entreprise n'empêche nullement ce dernier d'être conclu à titre gratuit. De plus, la disposition a été rédigée en hommage à la solidarité, précise le Professeur. Cette disposition est, toutefois, difficilement applicable au marché de travaux comme le souligne Maître Juliette Mel.
En effet, concernant ses dispositions le Professeur Pierre-Yves Gautier précise que même si la commission a choisi d’entacher le contrat de nullité absolue, il n'est pas convaincu et préfère la nullité de protection tout en précisant que le projet n'est pas gravé dans le marbre et continue d'évoluer. Il est vrai que la nullité absolue, imposant la démolition/reconstruction, n’est pas forcémenté adaptée aux marchés de travaux comme le souligne Maître Juliette Mel.
L’article 1762 de l'avant-projet |
Après l'analyse de cette disposition par Maître Manon Brauge, deux questions ont été posées au Professeur Gautier.
Le Professeur Gautier précise que cette question doit être également débattue d'un point de vue sociologique et économique. Le terme « honoraire » est, avant tout, attaché aux métiers d'avocats, d'architectes et de médecins. Mais il est nécessaire de préciser que si cette disposition vient à être légiférée sans modification, il sera important que le juge ainsi que les praticiens effectuent un travail d'interprétation concernant ce terme « honoraire » puisque l'objectif de la réforme est de poser des règles générales pouvant faire l'objet d'interprétation.
Néanmoins, pouvons-nous considérer que seule la réduction était admise et non l'augmentation du prix ?
Le Professeur Gautier précise qu'il est nécessaire de faire des observations dans le cadre de l’audit en cours. En effet, l'article 1169 du Code civil N° Lexbase : L0877KZI dispose que le contrat est entaché de nullité si la contrepartie est dérisoire. Il est fait observer que la solution de la nullité est une fonction mal adaptée, radicale et difficile à mettre en pratique dans le monde du droit de la construction.
Le Professeur Gautier rappelle que la réduction d'honoraires n'est pas liée à la mauvaise foi. La jurisprudence s’est, effectivement, fondée sur un critère objectif et n'est pas lié à l'inexécution de l'article 1223 du Code civil N° Lexbase : L1984LKP puisque le travail a été exécuté, mais le prix du contrat est cependant excessif.
L’article 1760 de l’avant-projet : « Le contrat d’entreprise est valablement formé sans accord préalable sur le prix. À défaut d’accord sur le prix, le juge le fixe en fonction de la qualité de l’ouvrage réalisé, des attentes légitimes des parties, des usages et de tout autre élément pertinent. » |
À travers l'analyse de Maître Manon Brauge, une question a été posée au Professeur Gautier concernant l'office du juge en matière de prix.
Il a été rappelé que l'article 1165 du Code civil N° Lexbase : L1982LKM prévoit la fixation unilatérale du prix et à défaut de détermination, le prix pourra être fixé judiciairement. La combinaison de ces deux dispositions prévoit qu’en l’absence d’accord sur le prix, le juge pourra s'immiscer dans le contrat et fixer unilatéralement le prix.
Afin de conclure ces éclaircissements, concernant la notion de prix, le Professeur Gautier a rappelé que deux mots d’ordre gouvernaient cet avant-projet : bilatéraliser ainsi que remplacer la nullité par une solution moins radicale.
II. L’exécution du contrat (intervention de Maître Gaël Balavoine)
Concernant l'exécution même du contrat d’entreprise, Maître Gaël Balavoine pose diverses questions relatives aux différents acteurs touchés par ce contrat et l'évolution que cette réforme peut apporter à chacun d’entre eux. Il structure ses propos en trois phases : la phase de la réalisation de l’ouvrage comprenant le sujet de la cotraitance ainsi que celui de l'immixtion du maître d’ouvrage, une deuxième phase concernant la sous-traitance et une troisième phase relative à la réception de l’ouvrage.
A. La cotraitance
L’article 1773 de l’avant-projet : « réservé » |
Tout d’abord, Maître Balavoine a interrogé le Professeur Gautier, concernant cet article “« réservé ». Ce dernier précise que cette réserve a pour but de tenir compte des différentes observations faites par les professionnels concernant la partie « réalisation de l’ouvrage ». Les professionnels du droit sont ainsi vivement invités à faire part de leurs remarques.
L’article 1764 de l’avant-projet : « Si plusieurs entrepreneurs concourent à la réalisation de l’ouvrage, chacun est tenu envers le client de coopérer avec ceux dont l’intervention s’imbrique avec la sienne. Sauf clause de solidarité, la cotraitance oblige conjointement les entrepreneurs à l’égard du client. » |
Il a été préalablement souligné par le Professeur Gautier que la cotraitance est définie comme « incitant les entrepreneurs à se coordonner ».
À la lecture de cet article, Maître Balavoine pose plusieurs questions concernant la cotraitance.
En premier lieu, le Professeur Pierre-Yves Gautier rappelle que le terme « imbriqué » est emprunté au latin « imbricatus » désignant un chevauchement. Il illustre son propos en prenant pour exemple, les tuiles d’un toit qui se chevauchent les unes avec les autres.
Au regard de l’article 1764, le terme « imbriqué » doit être considéré comme reflétant un état d’esprit des entrepreneurs les uns envers les autres. En effet, le Professeur Gautier rappelle que le but premier de ces acteurs du contrat d’entreprise n’est autre que l’achèvement d’un ensemble. Ainsi, dans le terme « imbriqué », est implicitement évoqué, l’objectif de coopération qui doit être perçu comme un objectif de moyen.
Une question subsiste cependant, quid des cas où les travaux ne seraient pas imbriqués ?
Le Professeur Pierre-Yves Gautier souligne qu’au sein du contrat d’entreprise, la question de l’effet relatif des contrats ne se pose pas puisque c’est une obligation légale qui s’impose aux contrats. Le contrat d’entreprise ne crée d’obligations qu’entre les parties.
L’hypothèse évoquée est celle du maître d’ouvrage qui engage ses propres entrepreneurs et ainsi, chacun va se concerter pour parvenir à définir son rôle.
Cependant, le Professeur Gautier évoque la création d’une obligation pour le maître de l’ouvrage même si ce sont deux contrats distincts entre l’entrepreneur, le maître d’œuvre et le maître de l’ouvrage. En effet, admettre cette nouvelle obligation reviendrait à créer une obligation tripartite qui serait parallèlement admise à celle d’obligation in solidum.
B. L’immixtion du maître d’ouvrage
L’article 1766 de l’avant-projet : |
Selon l’analyse de Maître Balavoine une question se pose concernant l’immixtion du maître d’ouvrage.
Le Professeur Gautier emploie le terme de « simplification de la preuve ». En effet, selon lui l’objet de cet article 1766 est de pré-constituer la preuve de l’immixtion du maître d’ouvrage et de permettre ainsi à l’entrepreneur d’obtenir son exonération.
La jurisprudence rappelle régulièrement les conditions d’applicabilité de l’une des causes d’exonération de la responsabilité des constructeurs, souvent invoquée par eux : l’immixtion fautive du maître d’ouvrage. L’article 1792 du Code civil prévoit en effet que les constructeurs peuvent s’exonérer, totalement ou plus généralement partiellement, de leur responsabilité décennale en démontrant l’existence d’une cause étrangère ayant contribué au dommage, telle que la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute du maître d’ouvrage.
Pour que cette exonération soit rendue possible, il est impératif, souligne le Professeur Gautier, que l’entrepreneur émette des réserves par tout moyen, autrement dit, qu’il exprime son désaccord concernant l’immixtion du maître d’ouvrage.
C. La sous-traitance
Les articles 1767 à 1771 de l’avant-projet : |
Le Professeur Pierre-Yves Gautier, au regard de cet article 1768, revient sur la jurisprudence « Besse ». L’arrêt du 12 juillet 1991 rendu par la Cour de cassation en Assemblée plénière est une jurisprudence fondamentale (Ass. plén., 12 juillet 1991, n° 90-13.602, publié N° Lexbase : A0297ABM). Cet arrêt apporte une solution aux divergences jurisprudentielles qui préexistaient, au sujet de l’effet relatif du contrat. L’effet relatif du contrat implique que vis-à-vis des tiers, le contrat ne leur est pas applicable. Il a, a priori, un effet relatif. L’arrêt « Besse » traite de l’effet relatif du contrat, régi par l’ancien article 1165 du Code civil. Selon cette jurisprudence, le maître d’ouvrage et le sous-traitant n’ont aucun lien contractuel.
L’article 1768 rompt avec la jurisprudence « Besse » en ce qu’il admet qu’il existe un lien contractuel entre le maître d’ouvrage et le sous-traitant - celui du contrat de sous-traitance, qui permet ainsi aux deux parties d’intenter une action l’une contre l’autre.
Ainsi, Maître Balavoine interroge le Professeur Gautier sur la pertinence d’une codification concernant la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 N° Lexbase : L5127A8E. Pour rappel, cette loi du 31 décembre 1975 permet au sous-traitant d’être protégé en mettant à la charge du maître d’ouvrage une obligation de contrôle des diligences de l’entrepreneur principal.
Le Professeur Gautier fait part de son enthousiasme quant à une potentielle codification de la loi de 1975 dans le Code civil et une modification de certaines dispositions compte tenu de l'importance de la sous-traitance dans le droit de la construction.
Selon le Professeur Gautier, l’idée concernant le régime de la sous-traitance est de contractualiser les rapports avec l’entrepreneur ainsi que le paiement du prix.
D. La réception
Les articles 1774 à 1778 de l’avant-projet :
Préalablement, le Professeur Gautier rappelle la définition de la réception prévue par l’article 1792-6 du Code civil, à savoir “«l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »
Maître Balavoine s’interroge sur ces articles concernant la réception.
L’article 1776 de l’avant-projet : |
Le Professeur Gautier déclare que l’inspiration pour ces articles s’est trouvée principalement dans le droit immobilier. La définition de la réception tacite n’a pas été donnée ; et le Professeur Gautier invite à se référer à la définition émise par la jurisprudence, dont la plus récente date du 18 avril 2019 (Cass. civ. 3, 18 avril 2019, n° 18-13.734, FS-P+B+I N° Lexbase : A3818Y9B).
L’appréciation de la réception tacite relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels recherchent si la volonté non-équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage est établie. La Cour de cassation a dégagé des règles d’appréciation faisant présumer cette volonté lorsque les deux critères suivants sont réunis : la prise de possession de l’ouvrage et le paiement de l’intégralité des travaux.
L’article 1777 de l’avant-projet : |
Le Professeur Pierre-Yves Gautier, à propos de la réception judiciaire, se réfère à la jurisprudence antérieure.
Afin de faire preuve de simplification, pourquoi ne pas entériner la jurisprudence constante s'agissant de la réception judiciaire au lieu de faire preuve d'innovation ?
À cette question, le Professeur Gautier précise que la philosophie de la Commission est avant tout de préciser les standards. Cependant, il est vrai que l'article de l'avant-projet de réforme n'est pas plus clair et nécessite des observations de la part des praticiens.
Le Professeur Gautier répond à cette question en insistant une fois de plus sur le fait que tout dépend du cas d’espèce.
L’impropriété à destination est définie à l’article 1792 du Code civil N° Lexbase : L1920ABQ comme étant un critère d'appréciation de la gravité d'un dommage pouvant entrer dans le cadre de la responsabilité décennale. En pratique, cette impropriété à destination se distingue entre sa dangerosité et son inaptitude.
Concernant les impropriétés mineures, le Professeur Gautier souligne que celles-ci ne devraient pas interdire la réception judiciaire.
III. L’impact sur la promotion immobilière (intervention de Madame Thi-Minh Nguyen)
Concernant l'impact de l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux sur le métier de promoteur immobilier, Mme Nguyen a interrogé le Professeur Gautier sur les questions relatives au devis ainsi qu’au délai raisonnable.
L’article 1759 de l’avant-projet : « Un devis peut être établi pour décrire l’ouvrage à réaliser et estimer son prix.Il ne donne pas lieu à rémunération, sauf convention contraire.Le devis engage l’entrepreneur pendant la durée fixée ou, à défaut, pendant un délai raisonnable. » |
Le Professeur Gautier souligne que le devis est, en pratique, applicable entre l’entrepreneur et le maître d’ouvrage. Le devis peut être considéré comme une offre et dans ce cas être considéré comme le contrat définitif.
Le Professeur rappelle qu’un devis peut estimer le prix, mais le reste du devis est régi par la liberté contractuelle. Tout dépend de ce que les parties ont décidé.
De plus, dans une interprétation plus extensive, le devis peut être considéré comme une promesse unilatérale d'entreprise.
L’article 1763 de l’avant projet : « L’entrepreneur est tenu de réaliser l’ouvrage convenu et de le délivrer au client dans le délai fixé ou, à défaut, dans un délai raisonnable. » |
Le Professeur Gautier rappelle que le délai raisonnable n’est pas légalement défini. Il appartient aux juges, en fonction des cas, de définir ce délai raisonnable, car tout est question de preuve.
Le terme « raisonnable » en droit civil est considéré comme un standard juridique, apprécié dans diverses branches du droit. Ce terme raisonnable fait l'objet d'une codification, dans son essence, au sein de l'article 1231 du Code civil N° Lexbase : L0932KZK. Il ne convient donc pas, comme l'a précisé le Professeur d'y faire une appréciation différente de celle connue en droit civil français.
IV. Les responsabilités (intervention de Maître Michel Vauthier)
Maître Vauthier a souhaité interroger le Professeur Gautier afin de comprendre l’évolution de ces nouvelles règles et savoir si celles-ci vont modifier les responsabilités déjà connues jusqu’alors. Il structure ses propos en se fondant sur deux notions fondamentales, la notion de « constructeur » et celle de « marché à forfait ».
A. La notion de constructeur
L’article 1792-1 actuel du Code civil N° Lexbase : L1921ABR : |
Afin de répondre à cette question, le Professeur Gautier rappelle qu’il existe toujours cette assimilation aux « castors » mais que cela suppose une formalité supplémentaire qui suppose la communication dans l’acte de vente de l’identité des constructeurs. En effet, l’idée est de responsabiliser les parties.
Le Professeur Gautier répond par la positive sur le principe, mais la question reste en effet à débattre ; alors que Maître Mel a précisé que la Cour de cassation commençait tout juste à s’y intéresser.
B. Le marché à forfait
L’article 1793 du Code civil N° Lexbase : L1927ABY : |
En effet, l’Association Henri Capitant proposait un « adoucissement » à l’article 1793 en proposant que, si le maître de l’ouvrage effectue des travaux extérieurs à la réalisation de l’ouvrage ou de la partie d’ouvrage initialement convenue, l’entrepreneur ne peut demander une augmentation du prix que si ces travaux ont été expressément commandés ou acceptés de manière non-équivoque. Le terme « de manière non-équivoque », a ouvert le champ à tout type d’échanges en cours de chantier et prévoyait également la possibilité d’obtenir un paiement pour les travaux voulus par le maître de l'ouvrage en cours de chantier qui n’étaient pas totalement prévus, dès lors que cela conduisait à un bouleversement de l’économie du contrat.
V. Les assurances (intervention de Madame Marie-Laure Villemotte)
Madame Villemotte a interrogé le Professeur Gautier quant aux apports de cette réforme. En effet, selon elle cette réforme va changer les choses du point de vue de l’assureur.
Le Professeur Gautier rappelle qu’il y aura nécessairement une adaptation à prévoir au regard des textes promulgués et au regard des assurances tous risques chantier avant et après la réception. Il précise, enfin, qu’il s’agit de la liberté contractuelle malgré une difficulté relative à la coordination entre « qui assure quoi » et « à quel moment ». Avec la pratique professionnelle et l’expérience, il sera possible de pallier ces difficultés.
L’article 1772 de l’avant-projet de réforme : |
Le Professeur Gautier évoque que la Commission n’avait pas la volonté, avec ledit article, de revenir sur le principe de l’unicité de la réception. Au regard des pratiques, il n’y a aucun bouleversement.
La Commission a la volonté de s’inscrire dans la tradition originaire du Code civil. Ce n’est pas parce que certaines situations n’ont pas été mentionnées qu’elles sont par défaut abandonnées. Au contraire, selon le Professeur, il y a une certaine continuité.
Il faut s’adapter au nouveau texte de l’article 1792-1 du Code civil. Le Professeur invite donc les praticiens à formuler leurs doléances puisque l’avant-projet n’a pas été encore promulgué, le but étant de créer un cadre juridique avant tout. Le contrat d'entreprise étant le contrat le plus flexible.
Et les débats auraient pu durer des heures encore…
Le Professeur Gautier rappelle que l’article 1195 a été exclu concernant l’article 1761 mais non par rapport à l’article 1793. Ce dernier est un article de droit spécial, qui peut par conséquent déroger au droit commun. De plus, le Professeur précise qu’il s’agit d’une reprise à droit constant.
Pour autant, l’articulation avec le CCAG/CCAP demeure complexe à mettre en œuvre avec ces nouvelles dispositions.
Bref, de quoi nourrir de nombreuses heures de réflexion et de belles plaidoiries !
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