Réf. : Cass. soc., 14 février 2024, n° 22-23.073, F-B N° Lexbase : A19252MA
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par Charlotte Moronval
le 28 Février 2024
► Le licenciement pour faute grave d’une salariée fondée sur le visionnage d’une vidéosurveillance de sécurité est justifié malgré le caractère illicite de la preuve, dès lors que celle-ci est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi.
Faits. En l'espèce, une caissière est licenciée pour faute grave, prise en flagrant délit de vol par les enregistrements de vidéosurveillance de l'entreprise.
La salariée saisit la juridiction prud’homale pour contester le licenciement, estimant le mode de preuve utilisé par l'employeur n'était pas recevable et ne pouvait justifier un licenciement.
En effet, le système de vidéosurveillance n'était pas licite, notamment du fait que l'information des salariés, concernant ce dispositif, n'était pas claire ni complète.
Position de la cour d’appel. Les juges du fond confirment le licenciement pour faute grave de la salariée.
1° La cour d'appel relève, d’abord, qu'il était démontré qu'après avoir constaté des anomalies dans les stocks, la société avait envisagé l'hypothèse de vols par des clients, d'où le visionnage des enregistrements issus de la vidéo protection, ce qui avait permis d'écarter cette piste.
2° Constatant, ensuite, que les inventaires confirmaient des écarts injustifiés, l'employeur avait décidé de suivre les produits lors de leur passage en caisse et de croiser les séquences vidéos, révélant ainsi dix-neuf anomalies graves à la caisse de la salariée en moins de deux semaines.
3° Elle a, enfin, retenu que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l'entreprise.
La salariée forme un pourvoi en cassation.
Solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR et de l'article 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D que, dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Doit en conséquence être approuvé, l'arrêt qui, après avoir constaté qu'il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance de la salariée et que cette surveillance, qui ne pouvait être réalisée par d'autres moyens, avait été limitée dans le temps et réalisée par la seule dirigeante de l'entreprise, a pu en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.
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