La lettre juridique n°960 du 12 octobre 2023 : Fiscalité du numérique

[Focus] Achat-revente d’actifs numériques : le BOFiP tire les conséquences de la loi de finances

Réf. : BOFiP, actualité, 28 juin 2023

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N7038BZP

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[Focus] Achat-revente d’actifs numériques : le BOFiP tire les conséquences de la loi de finances. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100402777-focus-achatrevente-dactifs-numeriques-le-bofip-tire-les-consequences-de-la-loi-de-finances
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par Sarah Maubert Mendez - Avocate associée, CENO Avocats

le 11 Octobre 2023

Mots-clés : actifs numériques • cryptomonnaies

L’administration fiscale est revenue, dans une mise à jour du 28 juin 2023, sur le régime fiscal des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à un professionnel suite à la loi de finances de 2022.


 

L’investissement en matière d’actifs numériques s’est largement développé au cours des vingt dernières années. En 2021, on dénombrait pas moins de cinq mille cryptomonnaies en circulation dans le monde. Face à ce développement, les législateurs ont été forcés de s’intéresser à la question pour proposer aux contribuables des règles sures et claires pour encadrer ces nouveaux schémas d’investissement.

En France, la doctrine fiscale préconisait initialement le recours à une règle générale d’imposition des plus-values lors des cessions d’actifs numériques. La jurisprudence du Conseil d’État, par une série d’arrêts du 26 avril 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 26 avril 2018, n° 417809, n° 418030, n° 418031, n° 418032, n° 418033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8851XLE), a ensuite pour la première fois procédé à une distinction entre les investisseurs occasionnels et les investisseurs habituels.

Lire en ce sens les conclusions du Rapporteur public sur cette affaire, R. Victor, Lexbase Fiscal, mai 2018, n° 742 N° Lexbase : N4093BXU.

Cette distinction a ensuite été reprise par la loi de finances pour 2019 et le Code général des impôts a gagné un nouvel article, le 150 VH bis N° Lexbase : L9043LQY, ce dernier permettant alors d’acter la distinction entre les investissements réalisés à titre habituel et ceux dont le caractère était simplement occasionnel.

Toutefois, cette distinction n’était pas pleinement efficace et, en début d’année dernière, la loi de finances pour 2022 (loi n° 2021-1900, du 30 décembre 2021, de finances pour 2022 N° Lexbase : L3007MAM) a finalement modifié le régime applicable en cas de cession d’actifs numériques par des personnes physiques instauré par la loi de finances pour 2019.

I. La nécessité d’un cadre législatif pour encadrer les pratiques

Face au développement exponentiel de l’investissement en matière de cryptoactifs, La loi de finances pour 2019 avait fait un premier pas en créant un régime fiscal propre aux cessions d’actifs numériques.

Dans l’éventualité où les particuliers réalisaient des opérations d’achat, vente ou échange d’actifs numériques à titre occasionnel, le régime applicable s’inspirait grandement du prélèvement forfaitaire unique. Les gains réalisés étaient alors imposés au taux de 12,8 %, augmentés de prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.

Pourtant, les critères permettant de distinguer les investisseurs occasionnels des investisseurs habituels n’étaient pas suffisamment clairs pour permettre aux contribuables de bénéficier d’une sécurité juridique complète.

L’administration fiscale précisait d’ailleurs que l’appréciation du caractère habituel ou occasionnel ne pouvait découler que d’un examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations étaient menées. Ce faisant, une certaine insécurité régnait puisqu’un contribuable réalisant chaque jour quelques opérations pouvait rapidement tomber dans le piège de l’habitude. Ce faisant, il se retrouvait alors pénalisé par l'application des règles d’imposition réservées aux investisseurs habituels.

Une modification des règles applicables était donc nécessaire pour clarifier les critères et permettre aux contribuables d’investir en conservant la maîtrise de leur imposition.

L’article 70 de la loi de finances pour 2022 a permis une clarification en insérant un 1° au 2 de l’article 92 du Code général des impôts N° Lexbase : L5577MAS désormais rédigé comme suit : « 1° bis Les produits des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel a ̀ ce type d'opérations ;
II.-Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2023. À compter du 1er janvier 2023, il était alors prévu que les gains de cession seraient imposés en fonction de la qualification dexercice à titre professionnel ou non de lactivité ».

Ce faisant, le législateur remplace alors le critère relatif à la qualification d’exercice à titre professionnel ou non par celui des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par un professionnel, transposant alors aux actifs numériques les critères retenus pour les autres activités de l’article 92 du CGI.

II. Le recours à une nouvelle distinction plus efficace

À compter du 1er janvier 2023, les nouveaux critères choisis par le législateur sont entrés en application. Dans ce nouveau régime, la distinction entre activités occasionnelles et professionnelles se fonde sur des critères qualitatifs, tels que la supériorité de la somme annuelle globale des plus-values provenant de l’activité au regard des autres revenus du foyer fiscal, l’utilisation d'outils professionnels ou encore la complexité des opérations réalisées.

En matière de taxation, le régime reste, peu ou prou, inchangé, puisque les gains qualifiés de « professionnels » (c.-à-d. dans des conditions analogues à celles d’un professionnel depuis le 1er janvier dernier) se voient taxés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux tandis que les gains issus d’un exercice « non professionnel » restent soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30% avec option possible pour le barème progressif après application d’un abattement de 305 euros.

Suite à ces modifications, la doctrine administrative a profité d’une modification de sa base BOFIP en date du 28 juin 2023 pour intégrer ce nouveau critère à deux endroits différents. 

Dans un premier temps, le BOI-BIC-CHAMP-60-50, dans son paragraphe 730, prévoit désormais expressément que, conformément aux dispositions de l’article L. 110-1 1° du Code de commerce N° Lexbase : L0093L8X, les personnes physiques exerçant une profession consistant en l’achat-revente d’actifs numériques réalisent une activité commerciale par nature dont les bénéfices sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (en application de l’article 34 du CGI N° Lexbase : L4844IQH).

Le BOFIP rappelle également que les personnes physiques agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé et réalisant des opérations sur actifs numériques sont imposées selon le régime prévu par l’article 150 VH du CGI, soit une imposition au prélèvement forfaitaire unique de 30% sauf option pour le barème progressif.

Cette doctrine expose enfin que les produits de ces opérations peuvent relever de l’article 92 du CGI, dans les cas de figure où les gains sont effectués dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité professionnelle ou lorsque les gains constituent la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle, on parle alors de « minage ».

Dans un deuxième temps, le BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40, dans son paragraphe 1080, précise quant à lui que, si l’article 92 permet de déterminer si les gains issus de l’opération d’achat-revente doivent être imposés dans la catégorie des BIC ou des BNC, il existe des cas de figure où les opérations d’achat, revente ou échange d’actifs numériques pourraient être effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité professionnelle sans pour autant que cette activité ne constitue l’activité professionnelle du contribuable, les produits seraient alors imposés comme des bénéfices non commerciaux. La doctrine précise que ce régime subsidiaire n’a vocation à s’appliquer que dans des cas d’espèce très exceptionnels.

La doctrine précise également qu’il faudra apprécier les conditions de réalisation des opérations en fonction d’un faisceau d’indices propre à chaque situation tel que l’importance des moyens matériels et informatiques utilisés par le contribuable, les techniques d’investissement et d’achat-revente ou encore les compétences et la formation professionnelle du contribuable.

Nul doute qu’il faudra guetter toute précision jurisprudentielle apportée relativement à ces indices afin de guider le contribuable dans les bonnes pratiques à adopter pour éviter une requalification de ses gains.

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