La lettre juridique n°296 du 13 mars 2008 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] L'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation décidément sous les feux de la rampe : la Cour de cassation précise, cette fois, les modalités de mise en oeuvre de la faculté légale de rétractation

Réf. : Cass. civ. 3, 27 février 2008, n° 07-11.303, M. Lionel Vigneron, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1773D7S)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

Il est des textes qui, en dépit de leur technicité leur imprimant volontiers un caractère un peu secondaire par rapport à d'autres paraissant plus essentiels, revêtent tout de même plus d'importance qu'on veut bien le croire. On pourrait ainsi, par exemple, penser à l'article 1840-A du Code général des impôts (transféré à l'article 1589-2 du Code civil N° Lexbase : L7718HEL par l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, art. 24 N° Lexbase : L4620HDH) dont on sait qu'il impose, sous peine de nullité absolue, l'enregistrement de toute promesse unilatérale de vente d'immeuble sous seing privé dans les dix jours de son acceptation (ou de toute cession sous seing privé d'une telle promesse dans les dix jours de sa date) : l'intérêt du texte a largement débordé la seule sphère fiscale puisqu'il a contribué à la construction du droit civil des promesses unilatérales de contrat. Sa mise en oeuvre a, en effet, permis d'opérer une distinction entre contrat préliminaire de réservation et promesse unilatérale de vente, d'une part (1), et, d'autre part, entre substitution de bénéficiaire et cession de promesse (2). Surtout, la mesure fiscale oblige les tribunaux à distinguer les promesses unilatérales des promesses synallagmatiques, notamment dans des hypothèses complexes dans lesquelles la promesse unilatérale serait contenue dans un protocole d'accord comportant un ensemble d'obligations réciproques (3). Dans un tout autre ordre d'idées, on pourrait relever que l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7089AB8) issu de la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L2053A4S), prévoyant une faculté de rétractation et un délai de réflexion au profit de l'acquéreur non professionnel d'un immeuble à usage d'habitation, présente, sans doute, un intérêt bien supérieur à ce que l'on est sans doute a priori tenté de croire.

L'occasion a souvent été donnée d'insister, ici même, sur l'importance des moyens modernes de protection du consentement, soit qu'il s'agisse, en amont, de l'émergence d'une obligation générale d'information et de conseil ou de la consécration, dans certaines hypothèses, d'un délai de réflexion, ou, en aval, de la reconnaissance, dans un certain nombre de cas, d'une faculté de rétractation permettant à l'une des parties de finalement sortir des liens du contrat conclu (4). Et l'on n'a pas manqué de voir dans ces mécanismes l'un des traits essentiels de l'évolution contemporaine du droit des contrats révélant, fondamentalement, une profonde mutation de la notion même de contrat et, en l'occurrence, le passage d'une conception subjective à une conception plus objective du contrat. On comprend mieux, dès lors, les enjeux qui s'attachent à la détermination du régime de ces différentes mesures.

Précisément, les dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation paraissent, coup sur coup, retenir particulièrement l'attention de la jurisprudence. On se souvient, sans doute, qu'un arrêt, que nous avions d'ailleurs signalé, rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 30 janvier dernier (5), dont la Haute juridiction avait entendu assurer une diffusion maximale, avait, dans le silence de la loi, tranché la question de savoir si les dispositions du texte pouvaient s'appliquer non pas seulement aux immeubles à usage d'habitation exclusivement, mais aussi aux immeubles à usage mixte (usage d'habitation et professionnel ou commercial) et avait, finalement, décidé de limiter l'application du texte aux seuls immeubles à usage d'habitation. La Cour avait, en effet, nettement affirmé que "l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation ne mentionnant dans son champ d'application que les immeubles à usage d'habitation, ses dispositions ne sont pas applicables aux immeubles à usage mixte". Il en était résulté, en l'espèce, "qu'ayant constaté que la promesse de vente portait sur un immeuble destiné non seulement à l'habitation mais aussi au commerce, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle n'était pas soumise au délai de rétractation prévu par ce texte".

Voici à présent qu'un nouvel arrêt de la même troisième chambre civile en date du 27 février dernier, lui aussi le plus largement possible diffusé puisqu'à paraître au Bulletin officiel des arrêts civils, en ligne sur le site de la Cour et promis aux honneurs de son prochain Rapport annuel, précise non plus le domaine d'application de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, mais les modalités de mise en oeuvre du texte. Il faut rappeler que, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY), le texte dispose, dans son premier alinéa, que "pour tout acte sous seing privé ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte", et précise, dans un deuxième alinéa, que "cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes". Or, toute la question, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 27 février dernier, était de savoir si la remise de l'acte (copie de la promesse synallagmatique de vente et d'un document informant l'acquéreur des dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation et de la faculté de rétractation dont il disposait) en mains propres par le promettant à l'acquéreur répondait ou non aux exigences du texte, étant entendu que l'acquéreur avait décidé, après la signature de la promesse, de ne pas donner suite à l'opération en invoquant, précisément, sa faculté de rétractation. Alors que le pourvoi faisait valoir que la remise en mains propres d'une copie du compromis de vente constituait une notification valable, au sens du texte, dès lors que la date de la remise n'était pas contestée, la Cour de cassation rejette le moyen aux motifs que "la remise de l'acte en mains propres ne répond pas aux exigences de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ; qu'ayant exactement retenu que le document remis le jour de la signature de la promesse de vente par le mandataire du vendeur ne remplissait pas la condition exigée par la loi d'un mode de notification de l'acte présentant des garanties équivalentes à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour la date de réception et de remise, la cour d'appel, sans violation du principe de la contradiction et sans dénaturation, en a déduit, à bon droit, que le délai de sept jours n'avait pas commencé à courir avant la dénonciation de la promesse par [l'acquéreur]". En un mois à peine donc, deux décisions importantes sont venues clarifier certaines des incertitudes générées par l'application de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, l'une dans le sens d'une restriction de son domaine d'application, l'autre dans le sens d'une certaine rigueur protectrice des intérêts du bénéficiaire de la faculté de rétractation offerte par le texte.


(1) Cass. civ. 3, 27 octobre 1975, n° 74-11.080, Société Noury c/ Mlle Jegu (N° Lexbase : A2346CK4), D., 1976, p. 97, note E. Frank.
(2) Cass. civ. 3, 19 mars 1997, n° 95-12.473, M. Bec et autre c/ Consorts Nieddu (N° Lexbase : A0377ACX), Bull. civ. III, n° 68, Rép. Defrénois, 1997, p. 1351, obs. D. Mazeaud.
(3) Cass. com., 15 janvier 2002, n° 99-10.362, Société générale d'archives c/ Société Sauvegarde de l'information, FS-P (N° Lexbase : A7987AX4), Bull. civ. IV, n° 12, Rép. Defrénois, 2002, p. 765, obs. E. Savaux. Adde, plus généralement, sur le problème des promesses unilatérales croisées ou d'une promesse unilatérale insérée dans une transaction : Cass. civ. 3, 26 juin 2002, n° 00-20.244, M. Michel Golliot c/ Société Profidis, FS-D (N° Lexbase : A0115AZB), Rép. Defrénois, 2002, p. 1231, obs. E. Savaux ; Cass. civ. 3, 26 mars 2003, n° 01-02.410, Société Soparco c/ Commune de Luçon, FS-P+B (N° Lexbase : A5896A7I), Bull. civ. III, n° 71 ; Ass. plén., 24 février 2006, n° 04-20.525, Société Soparco c/ Commune de Luçon, P (N° Lexbase : A3280DNS), RTDCiv., 2006, p. 301, obs. J. Mestre et B. Fages.
(4) Voir not., pour quelques exemples, en dehors des dispositions du Code de la construction et de l'habitation : C. consom., art. L. 121-23 (N° Lexbase : L6587ABL) et L. 121-25 (N° Lexbase : L6589ABN) (démarchage à domicile) ; C. consom., art. L. 311-15 (N° Lexbase : L6740ABA) (protection des consommateurs de crédit mobilier) ; C. consom., art. L. 121-20 (N° Lexbase : L1037HBZ) issu de la Directive européenne 97/7 du 20 mai 1997 sur les contrats à distance (téléachat et internet) (N° Lexbase : L7888AUP) ; C. consom., art. L. 121-20-12 (N° Lexbase : L6456G9Y) (issu de la Directive 2002/65 du 23 septembre 2002, sur la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs N° Lexbase : L9628A4D).
(5) Cass. civ. 3, 30 janvier 2008, n° 06-21.145, M. Mehmet Erdogan, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1712D48) et nos obs., Délai de rétractation du Code de la construction et de l'habitation et clause pénale, Lexbase Hebdo n° 294 du 28 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N2191BEU).

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