Réf. : Cass. soc., 13 septembre 2023, 2 arrêts, n° 22-17.340 N° Lexbase : A47891GH et n° 22-17.638 N° Lexbase : A47951GP, FP-B+R
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par Lisa Poinsot
le 19 Novembre 2023
► Les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non-professionnelle), ont le droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler ;
► En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an.
Telles sont les solutions énoncées par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a été saisie de nouveau de la question des droits à congés payés des salariés en arrêt et de la conformité du Code du travail français au droit de l’Union européenne.
Les faits. Dans la première affaire (n° 22-17.340), des salariés saisissent la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’acquisition de congés payés. Ils soutiennent les avoir acquis pendant la suspension de leur contrat de travail à la suite d’un arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle.
Dans la seconde affaire (n° 22-17.638), un salarié, victime d’un accident du travail puis licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, saisit la juridiction prud’homale notamment d’une demande de rappel d’indemnité de congés payés.
La procédure. Dans le premier cas (n° 22-17.340), la cour d’appel (CA Reims, 6 avril 2022, n° 21/00776) déclare que la Charte des droits fondamentaux est opposable dans les litiges entre particuliers et commande de laisser le droit national inappliqué. La cour d'appel en déduit que c’est à raison que les salariés réclament un droit à congés payés annuels, nés pendant leur période d’absence pour cause de maladie non-professionnelle. Elle relève également le droit des salariés à un congé annuel minimal garanti de 4 semaines.
Elle décide d’écarter partiellement les dispositions de l’article L. 3141-3 du Code du travail N° Lexbase : L6946K97 qu’elle juge comme contraires à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Dans la seconde situation (n° 22-17.638), la cour d’appel (CA Paris, 9 février 2022, n° 19/05052 N° Lexbase : A79497MD) présente la même solution. Toutefois, elle constate que le salarié, placé en congé maladie le 21 février 2014, ne peut prétendre à une indemnité de congés payés pour la période postérieure au 21 février 2015. Sur ce point, la cour d’appel retient que l’article 7 de la Directive n° 2003/88/CE N° Lexbase : L5806DLM n’est pas d’application directe en droit interne quand l’employeur n’est pas une autorité publique. Elle limite alors à une certaine somme la condamnation de l’employeur au titre de l’indemnité de congés payés en décidant que le calcul de cette indemnité ne pouvait prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail.
Au regard de ces décisions, des pourvois sont formés.
Le problème. L’enjeu porte principalement sur la conformité du droit du travail au droit européen en matière de droit d’acquisition de congés payés par le salarié lors de la suspension de son contrat de travail en raison d’un arrêt de travail lié à une maladie non-professionnelle et en matière de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail. En effet, comme le rappelle la Chambre sociale de la Cour de cassation dans chacune de ces décisions :
Rappel. La Cour de cassation a auparavant jugé que la Directive n° 2003/88/CE ne peut pas permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire. Dès lors, un salarié ne peut pas, au regard de l'article L. 3141-3 du Code du travail, prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l'article L. 3141-5 du Code du travail N° Lexbase : L6944K93 (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, FS-P+B N° Lexbase : A9780I94). |
La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation relève, dans chaque arrêt, que, s’agissant d’un salarié, le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non-professionnelle ou pour cause d’accident du travail. Les dispositions de l’article L. 3141-3 du Code du travail, qui subordonnent le droit à congés payés à l’exécution d’un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l’Union.
La Haute juridiction affirme par ailleurs qu’en application des articles L. 3141-1 N° Lexbase : L6948K99 et L. 3141-5 du Code du travail, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, ne permettent pas d’acquérir des droits à congés payés au-delà d’une durée ininterrompue d'un an.
👉 Si le législateur français tient compte à l'avenir de cette jurisprudence, quelles seraient les implications pour l'entreprise ?
Pour aller plus loin :
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