La lettre juridique n°957 du 21 septembre 2023 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Déclaration des créances : la lettre qui se borne à demander au créancier des pièces justificatives n'est pas une lettre de contestation

Réf. : Cass. com., 13 septembre 2023, n° 22-15.296, F-B N° Lexbase : A57381GM

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N6819BZL

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par Vincent Téchené

le 20 Septembre 2023

► La lettre du mandataire judiciaire au créancier se bornant à lui demander des pièces justificatives de sa créance en précisant qu'à défaut, il envisage de proposer au juge-commissaire le rejet de cette créance, n'est pas une lettre de contestation de l'existence, de la nature ou du montant de la créance, de sorte que le défaut de réponse du créancier dans un délai de trente jours ne le prive pas du droit de faire appel de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté la créance.

Faits et procédure.  Après la mise en redressement judiciaire d’une société le 26 mars 2018, un plan de redressement a été arrêté. Le 21 novembre 2018, le débiteur a porté à la connaissance du mandataire judiciaire une créance chirographaire d’EDF.

Le juge-commissaire a rejeté la créance aux motifs que, par une lettre du 10 décembre 2018, la créance avait été contestée et que la société EDF n'avait pas répondu dans le délai de 30 jours. La société EDF (le créancier) a donc interjeté appel.

Arrêt d’appel. La cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel du créancier pour ne pas avoir répondu dans le délai de 30 jours. Il convient de préciser que, pour statuer de la sorte, les juges d'appel ont relevé que la lettre du mandataire judiciaire mentionnait en objet « contestation de créance », informait le créancier que la créance déclarée était injustifiée dans la mesure où le débiteur ne lui avait remis aucun justificatif et qu'il convenait de lui transmettre un relevé de compte récapitulatif et une copie des factures déclarées, et qu'à défaut, il envisageait de proposer au juge-commissaire un rejet de la créance. En outre, la lettre rappelait les dispositions de l'article L. 622-27 du Code de commerce N° Lexbase : L7291IZ3.

Le créancier a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 622-27, L. 624-3, alinéa 2 N° Lexbase : L3982HB4, et R. 624-1, alinéas 2 et 3 N° Lexbase : L6267I3I du Code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par les articles L. 631-14 N° Lexbase : L9175L7X, L. 631-18 N° Lexbase : L3322ICZ et R. 631-29 N° Lexbase : L1012HZI.

La Cour rappelle à cet effet qu’une disposition privant une partie d'une voie de recours doit être interprétée strictement. En conséquence, la sanction prévue par les textes susvisés en cas de défaut de réponse du créancier dans le délai de trente jours suivant la réception de la lettre du mandataire judiciaire l'informant de l'existence d'une discussion sur sa créance ne peut être étendue au cas où le mandataire judiciaire se borne à demander au créancier des pièces justificatives de la créance en précisant qu'à défaut, il envisage de proposer au juge-commissaire le rejet de cette créance.

Aussi, pour la Haute juridiction, il résultait des constatations précitées de la cour d’appel que la lettre du 10 décembre 2018 n'était pas une lettre de contestation de l'existence, de la nature ou du montant de la créance au sens des textes susvisés. Ainsi, le défaut de réponse dans le délai de trente jours ne le privait pas du droit de faire appel de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté sa créance.

Observations. Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation. Elle a déjà clairement énoncé que la lettre se bornant à demander au créancier de joindre à sa déclaration des documents justificatifs sans lui faire connaître si la créance était discutée et, dans l'affirmative, sur quoi portait la discussion ne vaut pas contestation (Cass. com., 14 mai 1996, n° 94-15.314 N° Lexbase : A1428ABI). De même, la lettre par laquelle un mandataire judiciaire invite un organisme de Sécurité sociale à produire le titre exécutoire constatant sa créance et lui précisant qu'à défaut, il proposera son rejet, n'est pas une lettre de contestation au sens de l'article L. 622-27 du Code de commerce (Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-17.296, F-P+B+I N° Lexbase : A6856TA8, Ch. Lebel, Lexbase Affaires, n° 489, février 2017 N° Lexbase : N6665BWR).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La vérification des créances déclarées, Le contenu de la contestation, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0390EXQ.

 

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