Réf. : Cass. civ. 2, 6 juillet 2023, n° 21-21.768, F-B N° Lexbase : A367498L
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par Marie Le Guerroué
le 07 Septembre 2023
► N’est pas valable la convention qui fixe les honoraires de l’avocat en fonction de la réussite de la vente immobilière.
Faits et procédure. Une société avait demandé à une société d’avocats de l'assister à l'occasion de la vente d'un bien immobilier lui appartenant. Par une lettre du 4 juin 2014, qui a été approuvée et signée par la société cliente, l'avocat avait précisé les modalités de sa rémunération. Contestant les honoraires réclamés par l'avocat, la société cliente a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris. L'avocat a formé un recours contre la décision du Bâtonnier qui avait annulé la convention d'honoraires et fixé ses honoraires par application des critères énoncés à l'article 10 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ. Statuant après le renvoi par le premier président de l'affaire en formation collégiale, la cour d'appel avait déclaré la convention valable, avait sursis à statuer sur la demande en fixation de l'honoraire et avait ordonné la production d'une pièce. Lors de l'audience à laquelle l'affaire avait été renvoyée, le premier président de la cour d'appel a fixé l'honoraire dû à l'avocat.
En cause d’appel. Pour déclarer valable la convention d'honoraires conclue entre les parties, l'arrêt relève, d'abord, que la lettre de l'avocat du 4 juin 2014 était rédigée ainsi qu'il suit :
« Je vous rappelle que dans le cadre de mon intervention, de mon assistance, des conseils que je serai amené à vous donner, et uniquement en cas de succès, c'est-à-dire en cas de cession de votre bien immobilier [...], il me sera versé un honoraire global et forfaitaire de 100 000 euros HT, soit 120 000 euros TTC. Il est bien évident que si ce bien n'était en aucun cas vendu, ni à un tiers, ni à la ville conformément aux discussions que nous avons actuellement, aucun honoraire ne me sera dû quel que soit le travail effectué dans votre intérêt ».
Il énonce, ensuite, que la mission de l'avocat était de vendre un bien immobilier et que ses honoraires ne sont pas calculés en fonction du montant de la vente, ce qui constituerait un pacte de quota litis, mais qu'ils sont fixés forfaitairement, à la condition unique que la vente soit conclue. Il ajoute que les avocats sont autorisés à exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières par l'article 2 de la loi dite « Hoguet » de 1970 N° Lexbase : L7536AIX et le règlement intérieur du barreau de Paris. L'arrêt en déduit que la convention est valable, dès lors que, comme pour tout contrat d'agent immobilier, elle ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, mais uniquement de la réussite de la vente.
Réponse de la Cour. La Cour de cassation rend sa décision au visa de l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC applicable au litige, l'article 2 de la loi n° 70-9, du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678, du 20 juillet 1972 N° Lexbase : L8042AIP. Elle rappelle qu’il se déduit du premier de ces textes que, toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite (voir, déjà, Cass. civ. 2, 22 mai 2014, n° 13-20.035, FS-P+B N° Lexbase : A4958MML). Et que, est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Les dispositions de ce texte s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques. Elle ajoute également qu’il résulte des deux derniers textes précités que lorsque les avocats exercent l'activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.
Pour les juges du droit, en statuant comme elle l’a fait, alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ne sont pas applicables aux avocats dans leur activité de mandataire en transactions immobilières, d'autre part, qu'elle avait constaté que la convention prévoyait que l'honoraire n'était dû qu'en cas de succès de l'opération immobilière et n'avait ainsi été fixé qu'en fonction du résultat, la juridiction du premier président a violé les textes susvisés.
Cassation. La Cour casse et annule, par conséquent, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les mandats spéciaux, Les conditions du mandat en transactions immobilières de l'avocat, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E36883RZ. |
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