Réf. : Cass. crim., 14 juin 2023, n° 22-83.322, F-B N° Lexbase : A79959Z7
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par Adélaïde Léon
le 21 Juin 2023
► Dans le cas où plusieurs adresses sont déclarées par le prévenu appelant, il suffit, pour que la citation soit réputée faite à personne, que les formalités de l’article 558, alinéa 2 et 4, du Code de procédure pénale soient accomplies à l’une des adresses déclarées.
La Chambre criminelle procède par ailleurs à plusieurs rappels s’agissant de la motivation de la peine.
Rappel de la procédure. Le dirigeant d’une société est renvoyé devant le tribunal correctionnel sous les qualifications d’escroqueries aggravées, tentatives d’escroquerie aggravée et escroquerie, en récidive, abus de biens sociaux et travail dissimulé par dissimulation de salariés.
Le tribunal correctionnel a déclaré l’intéressé coupable des faits reprochés, commis de courant mai 2009 au 3 avril 2012 et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement dont douze moi assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve, devenu sursis probatoire, 600 000 euros d’amende, une interdiction définitive de toute activité de démarchage, a ordonné la confiscation des biens placés sous main de justice et a prononcé sur les intérêts civils.
Le prévenu a interjeté appel du jugement, ainsi que le procureur de la République et une partie civile, à titre incident.
Le 23 février 2022, jour de l’audience, l’avocat du prévenu a formulé une demande de renvoi faisant valoir qu’il avait été désigné tardivement et que son client n’avait pas reçu la citation.
En cause d’appel. Par arrêt du 23 mars 2022, la cour d’appel a écarté la demande de renvoi au motif que la citation à comparaître avait été délivrée le 23 novembre 2021 par l’huissier, ce qui laissait le temps au prévenu de préparer sa défense et que rien ne permettait d’affirmer que s’il était fait droit à la demande de renvoi, le prévenu comparaîtrait davantage devant la cour ou s’y ferait utilement représenter. Se considérant tenus par l’exigence de statuer dans un délai raisonnable, les juges ont souligné que les parties civiles, particulièrement âgées avaient légitimement le droit de voir aboutir le procès.
La cour a statué par décision contradictoire à signifier retenant que l’intéressé, régulièrement cité à l’une des deux adresses déclarées lors de la régularisation de son appel, n’avait pas comparu, alors que l’huissier avait délivré la citation à comparaître à cette adresse et ce à la date du 23 novembre 2021, ce qui laissait le temps au prévenu de préparer sa défense.
La cour d’appel a, pour escroquerie et tentative, en récidive, abus de biens sociaux, exécution d'un travail dissimulé, condamné le dirigeant à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, une interdiction professionnelle définitive, quinze ans d'interdiction de gérer, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt du 23 mars 2022.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief aux juges d’appel de s’être prononcés par arrêt contradictoire à signifier alors que le prévenu n’avait pas été cité à l’une des deux adresses qu’il avait régulièrement déclarées en formant l’appel.
Le pourvoi critiquait également l’arrêt d’appel en ce qu’il avait écarté la demande de renvoi, formée le jour de l’audience fondée sur la désignation tardive de l’avocat du dirigeant, alors que le prévenu n’avait pas reçu la citation, n’avait pas eu connaissance des dates d’audience et était retenu de telle sorte qu’il ne pouvait être présent devant la cour. Le pourvoi soutenait que la cour d’appel avait ainsi méconnu le droit du prévenu à l’assistance d’un défenseur.
Il est reproché à l’arrêt d’avoir prononcé une peine d’emprisonnement, l'interdiction d’exercer l’activité professionnelle de démarchage à titre définitif, la confiscation des biens placés sous main de justice et une peine d’interdiction de gérer pour une durée de quinze an sans s’expliquer sur la personnalité du prévenu ni sur sa situation personnelle.
S’agissant plus spécifiquement de la confiscation, il était fait grief au juge de n’avoir pas précisé sur quels biens elle portait et à quel titre ils avaient été confisqués.
Enfin, la peine d’interdiction de gérer ne pouvait, telle qu’elle était prévue à l’époque des faits, excéder une durée de dix ans.
Décision. La Chambre criminelle écarte les deux premiers moyens et casse l’arrêt en ses seules dispositions relatives aux peines.
S’agissant de la publicité de l’arrêt, la Chambre criminelle retient que le prévenu a effectivement déclaré deux adresses lors de l’appel. L’une située dans l’Essonne et l’autre en Algérie. Le 23 novembre 2021, l’huissier de justice s’est transporté à la première adresse. Il a constaté l’impossibilité de remettre l’acte à l’appelant en personne ou à une personne présente au domicile et a donc accompli les diligence prévues par les alinéas 2 et 4 de l’article 558 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2065IE9 (mention dans l’exploit des diligences et constatations et information de l’intéressé par LRAR, lettre simple ou avis de passage selon la procédure choisie).
Or, la Haute juridiction confirme que lorsque plusieurs adresses sont déclarées, il suffit, pour que la citation soit réputée faite à personne, que les formalités susmentionnées soit accomplies à l’une des adresses déclarées. C’est donc à bon droit que les juges d’appel on statué par décision contradictoire à signifier.
S’agissant de la demande de renvoi, la Chambre criminelle constate qu’il résulte de la procédure que le prévenu, qu’elle reconnaît comme avoir été régulièrement cité le 23 novembre 2021 pour l’audience du 23 mars 2022, n’a pas fait état de l’existence de circonstances insurmontables l’empêchant de bénéficier du temps nécessaire à l’organisation de sa défense notamment en faisant choix d’un avocat. C’est donc à bon droit que les juges d’appel ont rejeté sa demande de renvoi.
S’agissant de la peine, la Chambre criminelle rappelle qu’il résulte de l’article 132-9 du Code pénal N° Lexbase : L2124AMM et 464-2 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7239LPS que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d’emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu’il a tenu compte des faits de l’espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale et en établissant, au regard de ces éléments, que la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction serait manifestement inadéquate.
Les faits ayant été commis avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-117, du 6 décembre 2013, qui a porté la durée de la peine d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle de dix à quinze ans, la cour d’appel qui a retenu une durée de quinze an a prononcé une peine illégale.
Enfin, conformément aux articles 131-21 et 132-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC la cour d’appel aurait dû préciser sur quels biens portait la mesure de confiscation et à quel titre ils ont été confisqués et expliquer les éléments tenant à la personnalité et à la situation personnelle du prévenu qui ont justifié sa décision.
Faute d’une telle motivation, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt du 23 mars 2022 en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l’encontre du dirigeant.
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