Le Quotidien du 7 juin 2023 : Actualité judiciaire

[A la une] Arbitrage Tapie - Crédit lyonnais : la Cour de cassation pour dire « stop ou encore »

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par Vincent Vantighem

le 06 Juin 2023

Cela n’en finira donc jamais ? Trente ans après les faits, un an et demi après la mort de Bernard Tapie, la justice pénale a, une nouvelle fois, examiné, jeudi 1er juin, l’affaire de l’arbitrage controversé avec le Crédit lyonnais… Cette fois, c’est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire qui s’y est collé. La Cour de cassation. Et rien de moins que la Chambre criminelle pour tenter de démêler le fatras de décisions judiciaires civiles et pénales ayant émaillé ce dossier depuis le début des années 1990. Et si elle suit les préconisations de l’avocat général, elle pourrait bien décider, le 28 juin prochain, d’ordonner… un nouveau procès pénal.

Pour bien comprendre ce dossier, il faut repartir des bases. C’est-à-dire des années 1990. Nommé ministre par François Mitterrand, Bernard Tapie avait choisi de vendre la société Adidas au Crédit lyonnais. De faillites douteuses en accusations d’escroquerie, « Nanard » avait rapidement accusé la banque de l’avoir arnaqué dans cette affaire. Et après avoir porté l’affaire devant la justice ordinaire – laquelle lui avait donné raison puis tort – l’ancien président de l’Olympique de Marseille avait opté, en accord avec les autres protagonistes, pour la solution de l’arbitrage. C’est donc un tribunal arbitral privé qui a conclu, en 2008, que l’État devait verser 404 millions d’euros à Bernard Tapie. C’est surtout lui qui a remis deux sous dans la machine et relancé tout le processus judiciaire…

Car très vite, la justice s’en est mêlée. Et elle a découvert que la décision arbitrale était sujette à caution. Trop favorable à Bernard Tapie peut-être ? C’est donc dans ce cadre-là qu’une enquête pour détournement de fonds publics et escroquerie a été ouverte. Tous les protagonistes de cet arbitrage douteux se sont donc retrouvés devant la justice pour déterminer s’il y avait eu une fraude. Et c’est là que l’affaire s’est à nouveau compliquée. En première instance en 2019, la justice a prononcé une relaxe générale. Mais en appel, en 2021, elle a eu une lecture différente et condamné la plupart des protagonistes, sauf Bernard Tapie décédé entre temps. Si l’on devait résumer, on pourrait dire que l’ancien « tycoon » français est décédé alors qu’il avait l’obligation de rembourser plus de 400 millions à l’État, mais sans jamais avoir été condamné pour une quelconque escroquerie sur le plan pénal. Ce qui n’est pas le cas de certains des prévenus qui l’accompagnaient lors du procès. Condamnés pour certains à des peines de prison ferme, ils avaient donc choisi de former des pourvois en cassation. Pourvois qui viennent donc d’être examinés par la Cour de cassation.

Stéphane Richard a-t-il démissionné d’Orange pour rien ?

En réalité, dans ce dossier, quasiment tous les protagonistes de l’affaire ont déposé un recours devant la plus haute juridiction. Qui se retrouve donc à devoir examiner cinquante-deux moyens de cassation différents. De quoi ajouter quelques tomes de procédure à une affaire qui est déjà en mesure de remplir une bibliothèque à elle toute seule. Mais il faudra peut-être construire de nouvelles étagères.

À l’audience, l’avocat général s’est, en effet, prononcé pour le rejet de tous les moyens sauf un seul qui mérite, selon lui, une cassation partielle et donc la tenue d’un nouveau procès. Ceux qui pourraient gagner dans la manœuvre sont donc Stéphane Richard et Jean-François Rocchi, respectivement fonctionnaire et ancien président du Consortium de réalisation (CDR), la structure qui avait été créée pour gérer le passif du Crédit lyonnais. L’affaire pourrait avoir son importance. En effet, Jean-François Rocchi avait été condamné à deux ans de prison avec sursis et 25 000 euros d’amende. Stéphane Richard, lui, avait écopé d’un an de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende. Mais surtout, il avait été contraint de démissionner de son poste de dirigeant d’Orange en raison du scandale…

La Cour de cassation pourrait donc rebattre, à nouveau, les cartes si elle suit les recommandations de l’avocat général. Celui-ci estime en effet que les deux hommes n’auraient pas dû être condamnés pour complicité de détournement de fonds publics, dans la mesure où la cour d’appel a souligné qu’ils « ignoraient le caractère frauduleux de l’arbitrage ». Et de demander que les faits les concernant soient requalifiés en négligence. Ce qui n’est pas la même chose. Pour rappel, Christine Lagarde avait été condamnée, mais dispensée de peine par la Cour de justice de la République pour ce seul délit de négligence…

Décision le 28 juin

En revanche, aucun changement n’est réclamé par l’avocat général, concernant Pierre Estoup et Maurice Lantourne, les deux prévenus les plus sanctionnés dans ce dossier. Et ceci, en dépit des plaidoiries enflammées de leur défenseur. Patrice Spinosi a ainsi fustigé « la mort civile » infligée à Maurice Lantourne, l’avocat historique de Bernard Tapie qui a été, en guise de peine complémentaire, condamné à une interdiction d’exercer de cinq ans. Relevant le contraste entre la relaxe générale prononcée en première instance et la décision d’appel de condamnation générale, Patrice Spinosi a ainsi assuré que la cassation était « la seule issue qui permette de rendre justice à Maurice Lantourne qui a, pour l’instant, tout perdu ». Quitte à ce qu’elle doive encore faire prolonger les débats de quelques années. Tout le monde sera fixé le 28 juin.

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