Le Quotidien du 6 juin 2023 : Actualité judiciaire

[A la une] Viols en série sur des majeurs : la Chancellerie planche sur une aggravation des peines

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[A la une] Viols en série sur des majeurs : la Chancellerie planche sur une aggravation des peines. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/96596384-a-la-une-viols-en-serie-sur-des-majeurs-la-chancellerie-planche-sur-une-aggravation-des-peines
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par Vincent Vantighem

le 06 Juin 2023

En matière de violences sexuelles, le chantier est si vaste qu’il faut forcément prioriser. « Il y a des dossiers à court, moyen et long terme », confirme une conseillère du garde des Sceaux qui planche justement sur ces questions. Le « court terme » a donc fait l’objet d’annonces de la part d’Éric Dupond-Moretti le 22 mai. Le ministre a dévoilé la création d’un pôle « violences intrafamiliales » dans tous les tribunaux et toutes les juridictions de France, dans les prochains mois. Objectif : permettre à un juge de prononcer en cas d’urgence extrême une ordonnance de protection en 24 heures entraînant l’éviction d’un conjoint violent.

Éric Dupond-Moretti sait lire. Et il a pu constater que le dernier rapport dévoilé par son homologue à l’Intérieur était catastrophique. En 2021, 207 743 victimes de violences conjugales ont été répertoriées en France, une hausse de 21 % par rapport à 2020 [1]. Et surtout, cent vingt-deux femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint durant la même année. Une tendance inquiétante qui ne semble pas vouloir s’atténuer. Depuis janvier, une quarantaine de féminicides ont déjà été recensés d’après les associations. Et ceci, en dépit du Grenelle de 2019 qui visait déjà à « améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales »… Voilà donc pour le « court terme ». Pour l’urgence, en fait.

Mais, en parallèle, le garde des Sceaux entend aussi préparer les esprits à des changements tout aussi importants, à plus long terme. Il a donc demandé à ses équipes de commencer à plancher sur la question des peines encourues en matière de viols sériels sur des majeurs. Si ce travail n’est pas encore calqué sur un calendrier précis, il a toutefois débuté, en lien avec les équipes d’Isabelle Rome, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Une prescription glissante pour les majeurs ?

Il faut dire que c’est elle qui a lancé les hostilités à ce propos. Le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale du droit des Femmes, elle a dévoilé un plan d’action [2]. Et notamment le « point 3 » de « l’axe 1 » de ce plan qui prévoit d’expertiser des sujets importants. Le premier n’est autre que celui de la prescription glissante. Depuis le 21 avril 2021, la loi prévoit, en effet, de pouvoir faire glisser la prescription en matière de viols en série sur des mineurs. Le principe est simple. Si une plaignante n’est pas « prescrite », les autres qui le seraient peuvent aussi être intégrées à la procédure et réclamer des comptes au suspect. « Le ministre se souvient du temps où il était avocat et où il voyait une victime déposer à la barre d’un procès en qualité de partie civile et toutes les autres être cantonnées à des rôles de simples témoins en raison de la prescription. Elles ne comprenaient pas… » La réflexion enclenchée vise donc à voir s’il est possible de calquer le même modèle, désormais, pour les victimes majeures.

Mais les effets pourraient être très importants avec des victimes qui se déclarent, parfois, des décennies après les faits. « Il faut réfléchir à tout ça. D’autant plus que l’on sait pertinemment que certaines victimes attendent précisément que le délai de prescription soit dépassé pour déposer plainte », poursuit notre source. Autrement dit, cela pourrait bousculer les équilibres en vigueur. À ce propos, il faut rappeler que le ministre de la Justice a déjà pris une circulaire permettant de changer un peu les choses. En effet, depuis quelques années désormais, les classements sans suite intervenus pour « cause de prescription de l’action publique » laissent à penser que les faits étaient « caractérisés », mais trop anciens pour être jugés. Une forme de reconnaissance du statut de victime, en somme.

Passer de 20 à 30 ans la peine encourue pour les viols en série

L’autre changement sur lequel planchent les experts pourrait aussi bousculer les équilibres en place. Il s’agit d’augmenter le quantum des peines prévues pour les viols sériels. Aujourd’hui, il est de 20 ans de réclusion encourus. Selon la volonté d’Isabelle Rome, il s’agirait de le porter à 30 ans. « Aujourd’hui, violer trente femmes plutôt qu’une ou deux n’apparaît pas comme une circonstance aggravante note notre source au sein de la Chancellerie. Même si cela est évidemment pris en compte par les juridictions dans les peines prononcées, il y a matière à réflexion… »

Mais là aussi, cela demande du temps avant de trancher. « Lorsque l’on change le quantum d’une peine pour un crime, il faut aussi le comparer aux autres crimes. Il y a une cohérence à avoir dans tout ça. Ce n’est pas aussi simple… » D’autant qu’en la matière, il faudra sans doute passer par un débat et une loi au Parlement. Et non pas passer par voie réglementaire.


[1] Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021, Interstats, analyse n° 53 [en ligne].

[2] Toutes et tous égaux, Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, 8 mars 2023 [en ligne].

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