Le Quotidien du 19 avril 2023 : Actualité judiciaire

[A la une] Crash du Rio-Paris : Airbus et Air France relaxées, les proches des victimes « écœurés »

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par Vincent Vantighem

le 20 Avril 2023

Certaines parties civiles se sont mises à pleurer. D’autres se sont brusquement levées pour quitter le prétoire. Avant de se rasseoir, comme stupéfaites par la décision qu’elles venaient d’entendre. Le tribunal judiciaire de Paris a relaxé, lundi 17 avril, les sociétés Airbus et Air France du délit d’homicides involontaires, quatorze ans après le crash du vol Rio-Paris qui avait fait 228 morts (216 passagers et 12 membres d’équipage de 33 nationalités différentes).

Dans cette décision très attendue, le tribunal a mis hors de cause les deux entreprises sur le plan pénal, estimant qu’elles avaient bien commis des « négligences » ou des « imprudences » mais qu’aucun « lien de causalité certain » n’avait pu être démontré entre ces problèmes et l’accident d’avion le plus meurtrier de l’histoire des compagnies aériennes françaises. Un jugement qui a suscité « l’écœurement » des proches des victimes, nombreux à avoir fait le déplacement pour entendre le délibéré. « Nous attendions un jugement impartial, ça n’a pas été le cas. Nous sommes écœurés, a ainsi réagi Danièle Lamy, la présidente de l’association Entraide et solidarité AF447. Il ne reste de ces quatorze années d’attente que désespérance, consternation et colère… » Un sentiment évidemment partagé par Ophélie Toulliou, dont le frère fait partie des victimes. « Ça n’a pas de sens pour moi », a-t-elle lâché à l’issue de l’audience d’une voix tremblante.

« On nous dit : Air France et Airbus sont “responsables mais pas coupables”. Et c’est vrai que nous, on attendait le mot “coupable” », a abondé Alain Jakubowicz, un de leurs avocats. Pour autant, l’avocat sait sans doute plus ce que contient le Code pénal que ses clients. Et notamment l’article 221-6. Et il sait très bien que le tribunal n’a pas pu faire autrement que de prendre cette décision.

Pas de lien de causalité direct pour le tribunal

 Pour établir une responsabilité pénale en matière d’homicide involontaire, il faut nécessairement un lien de causalité direct entre « une maladresse », « une imprudence », « une négligence », « un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité » et la mort de personnes. Et ce lien manque au dossier du crash du Rio-Paris.

Selon les magistrats, le constructeur de l’avion, Airbus, a bien commis « quatre imprudences ou négligences », notamment ne pas avoir fait remplacer un modèle de sondes Pitot qui semblait geler plus souvent que les précédentes sondes. Air France, de son côté, a aussi commis des « imprudences fautives » liées aux modalités de diffusion d’une note de prévention sur le gel des sondes, adressée à ses pilotes.

Car, c’est bien à cause de ces fameuses sondes Pitot que le vol AF447 n’est jamais arrivé à Paris. Les boîtes noires ont confirmé que le givrage de ces sondes alors que l’avion volait en haute altitude dans la zone météo difficile connue sous le nom de « Pot au noir » était l’élément déclencheur du crash. Déstabilisé par les conséquences de cette panne, l’un des copilotes a adopté une trajectoire ascendante et, dans l’incompréhension, les trois pilotes n’ont pas réussi à reprendre le contrôle de l’appareil qui a donc décroché et heurté l’océan 4 minutes et 23 secondes plus tard.

Mais pour aboutir à une condamnation, il aurait fallu démontrer que sans ces fautes, le décès des victimes ne se serait pas produit. « Ce qui n’est pas certain », a précisé le tribunal pour justifier sa décision. Partageant ainsi l’analyse du parquet qui, en fin d’audience, en décembre dernier avait déjà requis une relaxe, estimant que la responsabilité pénale des deux sociétés était « impossible à démontrer ».

Rendez-vous le 4 septembre pour la question des dommages et intérêts

Maigre consolation pour les proches des victimes : le tribunal a, en effet, retenu la responsabilité civile des deux entreprises dans le crash. Sur ce plan, le tribunal a jugé que les « fautes » d’Air France et Airbus avaient conduit à une « perte de chance », c’est-à-dire qu’elles avaient augmenté la probabilité que l’accident survienne. C’est pourquoi le tribunal a estimé que les deux sociétés étaient « civilement responsables ». Les magistrats ont renvoyé la question de l’évaluation des dommages et intérêts à une audience prévue le 4 septembre. Un point positif qu’Alain Jakubowicz veut retenir. Pour lui, cela signifie que cet accident n’est pas dû à « la fatalité » et qu’il « aurait dû être évité ».

Dans un communiqué, Air France a « pris acte » de ce jugement. « La compagnie gardera toujours en mémoire le souvenir des victimes de ce terrible accident et exprime sa plus profonde compassion à l’ensemble de leurs proches. » Et elle sait qu’elle les retrouvera déjà le 4 septembre prochain pour la question des dommages et intérêts.

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