Réf. : Cass. civ. 3, 6 avril 2023, n° 19-14.118, FS-B N° Lexbase : A83719MY
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N5031BZD
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par Vincent Téchené
le 18 Avril 2023
► Si en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut obtenir l'avance des sommes nécessaires à l’exécution des travaux pour la mise en conformité des locaux, le bailleur ne peut être condamné à payer lesdits travaux, si ceux-ci ne doivent pas être réalisés.
Faits et procédure. La locataire de locaux commerciaux a assigné les bailleurs en exécution de travaux de remise en état du clos et du couvert ainsi qu'en indemnisation de ses préjudices.
Après liquidation judiciaire de la locataire prononcée l'instance a été reprise par le liquidateur. Ce dernier, invoquant un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance, a demandé leur condamnation au paiement du coût des travaux de remise en état et de dommages et intérêts.
La cour d’appel ayant déclaré la locataire recevable à solliciter le paiement du coût des travaux de mise en conformité et condamné in solidum les bailleurs à lui payer une certaine somme à ce titre, ces derniers ont formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles 1144 N° Lexbase : L1244ABP et 1149 N° Lexbase : L1250ABW du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016, 1719, 1° N° Lexbase : L8079IDL et 1720 N° Lexbase : L1842ABT du Code civil que, en cas de manquement du bailleur à son obligation de délivrance, le locataire peut, d'une part, obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de l'inexécution par le bailleur des travaux lui incombant, d'autre part, soit obtenir l'exécution forcée en nature, soit être autorisé à faire exécuter lui-même les travaux et obtenir l'avance des sommes nécessaires à cette exécution.
Or, elle relève que, pour condamner les bailleurs à payer à la locataire le coût des travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux, l'arrêt retient que, même si ces travaux ne doivent pas être réalisés, ce coût constitue une créance certaine acquise au bénéfice de la procédure de liquidation judiciaire.
Dès lors, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, alors que le coût des travaux de remise en état des locaux ne constitue pas un préjudice indemnisable mais une avance sur l'exécution des travaux, la cour d'appel a violé les textes précités.
Par ailleurs, la cour d’appel a condamné les bailleurs à payer à la locataire une certaine somme au titre du préjudice d'exploitation. Pour statuer de la sorte, les juges du fond ont relevé que le défaut de délivrance conforme, imputable aux bailleurs, avait causé à la locataire une perte de chance d'exploiter l'activité prévue au bail. Ils ont alors retenu qu'à défaut d'éléments autres que l'expertise judiciaire, cette perte de chance doit être évaluée au montant du prix d'acquisition du droit au bail.
La Cour de cassation rappelle que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue. Elle censure donc l’arrêt en ce qu’il a indemnisé un préjudice sans lien avec la chance perdue de réaliser une exploitation rentable.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, Les conditions du droit du preneur au remboursement des travaux exécutés aux lieu et place du bailleur, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E3761EYX. |
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