Lexbase Contentieux et Recouvrement n°1 du 30 mars 2023 : Voies d'exécution

[Textes] Le commissaire de justice face aux nouveaux registres des sûretés mobilières

Réf. : Décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1955MAN et décret n° 2023-97 du 14 février 2023 N° Lexbase : L8179MGZ

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par Claire Séjean-Chazal, Professeur à l'Université Sorbonne Paris Nord, Membre du comité scientifique de la revue Lexbase Contentieux et recouvrement

le 29 Mars 2023

Mots-clés : sûretés mobilières • gage • nantissement • saisie • saisie-vente • opposabilité • publicité • registre • Véhicule terrestre à moteur (VTM) • recherche d’informations • Code des procédures civiles d’exécution (CPCEx)

Registre des sûretés mobilières, registre de gage sur véhicule isolé, portail des sûretés mobilières. Tous ces outils techniques permettant la concrétisation de la réforme des sûretés mobilières sont désormais effectifs ! Le commissaire de justice doit les intégrer dans sa pratique professionnelle, afin de ne saisir un bien qu’en connaissance de cause de la part grevée au profit d’un créancier titulaire d’une sûreté.


Deux récents décrets d’application (décret n° 2021-1887 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1955MAN [1] et décret n° 2023-97 du 14 février 2023 N° Lexbase : L8179MGZ [2]) parachèvent la réforme du droit des sûretés, opérée elle-même en deux temps, par les ordonnances du 23 mars 2006 (n° 2006-346) N° Lexbase : L8127HHH et du 15 septembre 2021 (n° 2021-1192) N° Lexbase : L8997L7D. Le premier a créé le « registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes », le second, le « registre des gages portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés ».

Grâce à ces deux textes réglementaires, le système de publicité prévu par le nouveau droit des sûretés mobilières est désormais pratiquement opérationnel. Les impacts sur les procédures civiles d’exécution sont nombreux. Il est donc nécessaire que les commissaires de justice aient une bonne connaissance de ces nouveaux outils, afin d’adapter leur pratique professionnelle en conséquence. Une compréhension claire de l’utilité des registres (I) est la garantie de leur bonne utilisation (II).

I. L’utilité des registres

L’opposabilité est la clé de l’efficacité des sûretés réelles. En effet, la sûreté réelle ne déploie ses effets qu’à l’encontre des tiers au contrat de sûreté - les autres créanciers du débiteur - à l’égard de qui s’exerce la préférence. Dès lors, sans un outil permettant d’assurer efficacement la publicité des droits de préférence, toute sûreté serait vaine, quoique valable. Le constat des difficultés pratiques liées à l’absence ou l’insuffisance des registres existant jusqu’à présent (A) a conduit le gouvernement à intervenir en instaurant deux nouveaux registres dédiés à l’inscription des sûretés mobilières (B).

A. Les difficultés liées à l’insuffisance des registres

Les ordonnances de 2006 et 2021 réformant le droit des sûretés ont profondément modifié le régime des sûretés mobilières. En particulier, depuis 2006, le gage peut être constitué sans dépossession [3]. Ce changement impliquait de consacrer une technique d’opposabilité autre que la dépossession, qui était jusqu’alors une condition de la validité de cette sûreté. Le législateur a donc instauré la possibilité de rendre le gage opposable par inscription sur un registre, le registre des gages sans dépossession [4]. Les informations contenues dans ce registre étaient consultables gratuitement, grâce à un portail en ligne. Cependant, en dépit de l’existence et de l’accessibilité de ce registre, le système n’était pas parfaitement efficace en 2006, à défaut de réforme consécutive des procédures civiles d’exécution. En effet, en raison de l’absence de dépossession, le bien grevé risquait de faire l’objet d’une saisie entre les mains du débiteur, pour le compte d’un créancier autre que le titulaire du gage. Or aucune mesure destinée à purger les droits du gagiste en cas de saisie du bien grevé n’avait été prévue. Cela entraînait une double insécurité.

Tout d’abord, l’insécurité touchait les droits du créancier gagiste lui-même. L’intervention de ce dernier dans la procédure de saisie du bien grevé n’étant pas prévue, il était probable qu’il n’ait pas connaissance de la procédure d’exécution. Le gagiste risquait donc de voir le bien sortir du patrimoine de son débiteur sans avoir été désintéressé sur le prix de vente. Certes, il conservait son droit de suite grâce à l’inscription sur le registre. Cependant, il faut rappeler que le droit de préférence ne peut être opposé qu’à celui qui acquiert le bien directement du constituant [5], le droit de suite n’est donc plus efficace à partir du second transfert de propriété. C’est la conséquence de la fragilité de la publicité mobilière, effectuée nécessairement à partir de l’identification du propriétaire, et non du bien meuble. Partant, dès que l’adjudicataire revendra le bien saisi, le gage ne sera plus opposable au nouveau propriétaire du bien et la sûreté perdra toute son utilité.

L’insécurité se manifestait également du côté des procédures civiles d’exécution. À défaut de procédure organisant le désintéressement du créancier garanti à l’occasion de la saisie, l’adjudicataire, en sa qualité d’ayant-cause à titre particulier du constituant, s’exposait au droit de suite du gagiste. Cela risquait nécessairement de freiner les potentiels acquéreurs, car cela implique la menace de perdre le bien après son acquisition.

En 2021, une problématique similaire s’est présentée avec la consécration de la faculté de constituer un gage sur un bien meuble immobilisé par destination [6]. Un même ensemble immobilier peut aujourd’hui être grevé à la fois d’une hypothèque sur l’ensemble et d’un gage sur une partie. L’articulation devait donc être faite entre le droit des sûretés et la procédure de saisie immobilière de l’ensemble immobilier ainsi que celle de la saisie-vente de la partie mobilière immobilisée, sans quoi cette nouveauté demeurerait parfaitement inefficace.

Quant à la publicité du gage sur véhicule terrestre à moteur, l’ancien article 2351 du Code civil N° Lexbase : L1178HIH, issu de l’ordonnance de 2006, prévoyait que son opposabilité était garantie par une « déclaration faite à l'autorité administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État ». Or ce décret ne fut jamais pris.

En définitive, les sûretés mobilières ne pouvaient être pleinement efficaces tant que les procédures de saisie des biens grevés ne tenaient pas compte de l’existence de créanciers titulaires de sûretés sur les biens. Cela ne pouvait se faire qu’au prix de deux améliorations : une réforme des procédures civiles d’exécution elles-mêmes, afin de les adapter aux nouveautés du droit des sûretés, mais également l’instauration d’un système d’information fiable permettant d’avoir connaissance de l’existence de ces sûretés mobilières. Le premier objectif a été pleinement atteint par la réforme du 15 septembre 2021 [7]. En effet, depuis le 1er janvier 2023, les créanciers ayant publié leur sûreté mobilière avant le déclenchement d’une saisie sur le bien grevé peuvent faire valoir leurs droits sur le prix dégagé par la vente [8]. C’est le second changement, dernier chaînon manquant, que mettent en œuvre les deux décrets précités, en créant les registres opportuns.

B. Les nouveaux registres des sûretés mobilières

La création des registres des sûretés devait se faire par voie réglementaire. La satisfaction est unanime face à l’arrivée rapide de ces deux décrets instaurant les registres des sûretés mobilières et des gages sur véhicule, lorsque l’on se rappelle que l’on attendait toujours le précédent registre des gages automobiles… Le fonctionnement de ces registres est aligné sur le modèle bien connu du fichier immobilier, clé de voûte de l’opposabilité des droits réels sur les immeubles, si ce n’est que la publicité en est assurée de manière personnelle et non réelle (par le nom du propriétaire, et non par identification du bien). Les deux décrets créent respectivement le registre des sûretés mobilières et opérations connexes (1) et le registre de publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés (2).

1) Le registre des sûretés mobilières et opérations connexes

Le décret n° 2021-1888 du 29 décembre 2021 N° Lexbase : L1938MAZ a institué un nouveau registre des sûretés mobilières, entré en vigueur le 1er janvier 2023 [9]. Il a permis de réunir les inscriptions mobilières en un seul endroit, mettant ainsi fin à l’ancien éparpillement de registres [10]. Ce nouveau registre est régi par les articles R. 521-1 N° Lexbase : L5100MA7 et suivants du Code de commerce. Il est tenu localement par chaque greffe du tribunal de commerce, du tribunal mixte de commerce (outre-mer) ou du tribunal judiciaire statuant commercialement (Alsace-Moselle) [11]. Il rassemble la publicité de plus de dix sûretés, ainsi que d’autres opérations portant sur les meubles. Ainsi, selon l’article R. 521-2 du Code de commerce N° Lexbase : L5187MAD, le registre réunit les inscriptions « 1° Des gages sans dépossession à l'exception des gages mentionnés au second alinéa de l'article 2338 du Code civil [LXB=] ; 2° Des nantissements conventionnels de parts de sociétés civiles, de société à responsabilité limitée et de société en nom collectif ; 3° Du privilège du vendeur de fonds de commerce ; 4° Du nantissement du fonds de commerce ; 5° Des déclarations de créances en application de l'article L. 141-22 du Code de commerce N° Lexbase : L0118L8U; 6° Des hypothèques maritimes à l'exclusion de celles qui portent sur les navires enregistrés au registre mentionné à l'article L. 5611-1 du Code des transports N° Lexbase : L6537ING; 7° Des actes de saisie sur les navires à l'exclusion de ceux qui portent sur les navires enregistrés au registre mentionné à l'article L. 5611-1 du Code des transports ; 8° De tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels portant sur un bateau au sens de l'article L. 4111-1 du Code des transports N° Lexbase : L7548INU ; 9° Des hypothèques fluviales ; 10° Des actes de saisie de bateaux ; 11° Parmi les mesures d'inaliénabilité décidées par le tribunal en application des articles L. 626-14 N° Lexbase : L3327IC9 et L. 642-10 [LXB= L3410ICB] du présent code, de celles qui, le cas échéant, portent sur un bien ayant préalablement fait l'objet d'une inscription au présent registre conformément aux dispositions du premier alinéa des articles R. 626-25 [LXB= L5119MAT] et R. 642-12 N° Lexbase : L5124MAZ du même code ou, à défaut, de celles pour lesquelles les débiteurs sont inscrits au registre du commerce et des sociétés ainsi que de celles qui portent sur des biens d'équipement en application des articles R. 626-26 N° Lexbase : L5120MAU et R. 642-13 N° Lexbase : L5125MA3 du même code ; 12° Des contrats portant sur un bien qui ont fait l'objet d'une publicité, conformément aux dispositions de l'article L. 624-10 N° Lexbase : L9070LT4 du présent code et dans les conditions fixées par l'article R. 624-15 N° Lexbase : L0915HZW du même code ; 13° Du privilège du Trésor ; 14° Des privilèges de la sécurité sociale et des régimes complémentaires prévus à l'article L. 243-5 du Code de la sécurité sociale N° Lexbase : L0400L8C; 15° Des warrants agricoles ; 16° Des opérations de crédit-bail en matière mobilière ». L’inscription de la sûreté mobilière se fait par le dépôt d’un bordereau au greffe compétent [12], et est en principe valable 5 ans renouvelables [13], sauf exceptions [14].

Ce registre ne serait que de peu d’utilité sans la possibilité, pour le justiciable, de le consulter aisément. À l’image de ce qui existait depuis 2006 pour les gages sans dépossession, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a développé et mis à la disposition du public un portail national de consultation des sûretés mobilières [15]. Ce portail, accessible gratuitement en ligne, permet de prendre connaissance de l’ensemble des données inscrites dans ces registres locaux [16]. Ce registre se présente comme le recueil de droit commun des informations relatives aux sûretés mobilières. À titre exceptionnel, le gage sur un véhicule isolé relève, lui, d’un autre système de publicité.

2) Le registre des gages de véhicule terrestre à moteur ou remorque immatriculés

La publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés a quant à elle été organisée par le tout récent décret du 14 février 2023. Ce texte a été pris en application de l’article 2338 al.2 du Code civil N° Lexbase : L0207L88, c’est-à-dire qu’il concerne uniquement la publicité des gages pris sur un meuble isolé, par opposition à un gage portant sur une flotte de véhicules, lequel est régi par la publicité de droit commun des sûretés mobilières. Le gage sur un véhicule isolé devra être inscrit sur un registre dématérialisé, tenu par le ministre de l’Intérieur [17]. L’inscription, valable cinq ans, est renouvelable [18], et fait obstacle à l’inscription d’un nouveau gage sur le même bien [19].

Les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution ont dans le même temps été modifiées pour tenir compte de ce nouveau registre. L’article R. 223-5 N° Lexbase : L9695MG8 du code précité notamment, précise que « les effets de la déclaration ne peuvent préjudicier au créancier titulaire d'un gage régulièrement inscrit conformément aux dispositions du décret ». L’articulation entre la procédure de saisie du bien grevé par déclaration auprès de l'autorité admnistrative et l’existence d’un gage est ainsi assurée.

Ces innovations répondent à l’objectif, rappelé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, de favoriser « l’efficacité des sûretés : les droits du créancier gagiste seront mieux respectés lorsque le bien gagé est saisi ». Elles constituent également un outil précieux pour le commissaire de justice, qui a vocation à en être un des plus grands usagers.

II. L’utilisation des registres

En plus d’assurer l’efficacité des droits de préférence en organisant leur opposabilité, ces registres présentent un autre avantage pratique pour le commissaire de justice : permettre d’obtenir en amont de la saisie des informations relatives à l’état des biens du débiteur, dans le but de déclencher la procédure en pleine connaissance de cause. Le commissaire de justice devrait donc développer une utilisation préventive de ces registres (A), au stade de la recherche d’informations préalables à la saisie. En cas de saisie d’un bien grevé, il devra nécessairement en respecter l’utilisation impérative (B).

A. Préventive

La consultation du portail des sûretés mobilières [20], ainsi que du registre des gages automobiles, est un atout considérable pour le commissaire de justice. C’est un outil précieux au stade des recherches sur l’étendue du patrimoine saisissable du débiteur, car elle permet de déterminer l’utilité de la saisie envisagée.

Au stade des recherches préalables, le commissaire de justice a intérêt à effectuer une recherche sur le portail des sûretés mobilières. « Chaque consultation ne peut porter que sur une même personne et une ou plusieurs catégories d'inscription » [21]. La consultation se fera donc à partir du nom du débiteur dont le commissaire de justice entend saisir les biens [22]. Que la sûreté, prise sur un bien dont le saisi est propriétaire, soit constituée en garantie de sa propre dette (constituant-débiteur) ou de la dette d’un tiers (constituant non débiteur) [23], il importe de connaître la part du prix qui sera destinée à désintéresser prioritairement un autre créancier que le saisissant. C’est ce que permet cette consultation, en faisant « apparaître l'absence d'inscription ou, en présence d'inscription, les informations inscrites dans les registres des sûretés mobilières tenus par chaque greffier ainsi que l'identification des greffiers qui tiennent ces registres. L'inscription radiée ou périmée n'apparait plus dans les résultats des demandes de consultation du portail » [24]. En présence d’inscriptions, il est ensuite possible de demander au greffier concerné la délivrance d’un état certifié des inscriptions inscrites sur son registre local [25].

Quant au gage sur véhicule isolé pris en application de l’alinéa 2 de l’article 2338 du Code civil N° Lexbase : L0207L88, l’article R. 223-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L9694MG7, relatif à la saisie d’un véhicule par déclaration auprès de l’autorité administrative, prévoit également que l'autorité administrative communique au commissaire de justice qui en fait la demande les mentions portées sur ce registre spécifique, ainsi que tous renseignements relatifs aux droits du débiteur sur ce véhicule.

Grâce aux informations ainsi obtenues (existence d’un gage sur le meuble ou sur le véhicule, d’un nantissement sur les parts ou sur le fonds de commerce, d’une hypothèque ou d’une précédente saisie sur le navire ou le bateau…), il devient possible d’apprécier l’état d’endettement du débiteur, mais surtout l’opportunité de la saisie. En effet, la comparaison de la valeur estimée du bien, du montant des créances garanties, et du montant de la créance cause de la saisie permettra de ne déclencher la mesure qu’avec la certitude, pour le saisissant, d’être en rang utile pour être payé. Le cas échéant, il faudra alors suivre la nouvelle procédure permettant d’associer les créanciers inscrits, ainsi identifiés.

B. Impérative

Pour la bonne mise en œuvre de cette construction d’ensemble, de nouvelles obligations pèsent sur le commissaire de justice.

Depuis le 1er janvier 2023, en cas de déclenchement d’une saisie-vente, lorsque la consultation – obligatoire - du fichier fait apparaître que le bien saisi est grevé d’inscriptions, il appartient à l’officier ministériel de signifier aux créanciers inscrits le procès-verbal de saisie dans les huit jours de son établissement [26]. À l’image de ce qui advient en matière de saisie immobilière, cela enclenchera l’intégration des créanciers inscrits dans la procédure et en particulier, leur participation à la distribution des deniers. Dans l’hypothèse d’une vente amiable du bien, le commissaire de justice doit transmettre les propositions de vente par lettre recommandée avec accusé de réception aux créanciers inscrits [27]. Les créanciers ont quinze jours pour y répondre, à défaut de quoi leur acceptation de l’offre est présumée [28]. En cas de vente forcée, c’est au créancier saisissant qu’il revient de transmettre les informations relatives à la saisie aux créanciers inscrits sur le registre [29]. Dans les quinze jours suivants, la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception, les créanciers inscrits doivent transmettre à leur tour les informations relatives à la nature et au montant de leur créance, sans quoi ils ne pourront participer à la distribution des deniers conformément à leurs droits [30]. À l’issue de la procédure, le commissaire de justice délivre un récépissé de paiement, en y annexant un extrait des inscriptions obtenues grâce à la consultation du registre [31]. Une fois qu’il aura été procédé au paiement des créanciers inscrits titulaires d’un titre exécutoire dans le cadre de la procédure de distribution des deniers [32], il sera possible d’obtenir la radiation des inscriptions au registre [33].

Si le commissaire de justice ne respecte pas ces nouvelles exigences, non seulement les créanciers inscrits conserveront leur droit de suite et la vente s’en trouvera fragilisée, mais ils pourront également engager la responsabilité professionnelle de l’huissier qui ne leur aura pas permis de faire valoir leur préférence dans la procédure.

Dans la même logique, le commissaire de justice doit prêter une attention particulière aux meubles susceptibles d’être immobilisés par destination. La réforme de 2021 ayant autorisé la conclusion d’un gage sur un bien immobilisé par destination [34], il faut gérer le conflit potentiel entre une inscription mobilière sur le bien immobilisé et une inscription hypothécaire sur l’ensemble immobilier. Il faut donc prendre l’habitude de consulter le fichier immobilier en cas de saisie-vente du bien immobilisé seul, et inversement, de consulter le registre des sûretés mobilières en cas de saisie immobilière d’un ensemble immobilier comprenant des biens meubles immobilisés par destination, car il est nécessaire de purger les droits de tous les créanciers inscrits sur ce bien à la nature mixte [35].

Par précaution, et bien que les textes ne le précisent pas, les mêmes diligences devraient être attendues dans le cadres des autres saisies, telles que les saisies de droits incorporels ou de navires.

Les inscriptions mobilières étant désormais réunies par principe dans un registre unique et facilement accessible, l’on pourrait, pour l’avenir, souhaiter que le parallélisme avec la publicité immobilière soit poussé jusqu’au bout. Le registre accueillant d’ores et déjà des « opérations connexes » aux sûretés, et notamment certaines opérations de saisie [36], pourquoi ne pas espérer de le voir bientôt accueillir la publicité des opérations de saisie, ce qui ferait de ce registre un des outils les plus précieux du commissaire de justice ?

À retenir : au stade des recherches préalables comme au stade du déclenchement de la saisie, que la procédure soit mobilière ou immobilière, il est désormais utile, voire impératif, de consulter les registres des sûretés mobilières (de droit commun, ou sur véhicule), afin de connaître l’existence d’inscriptions sur le bien objet de la saisie et l’étendue des droits des créanciers titulaires de sûreté, lesquels sont désormais intégrés à la procédure.

 

[1] S. Piédelièvre, La dernière étape de la réforme du droit des sûretés ?, Lexbase Affaires, Février 2022, n° 704 N° Lexbase : N0259BZM.

[2] V. Téchéné, Publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés, Lexbase Affaires, février 2023, n° 747 N° Lexbase : N4401BZZ

[4] C. civ. art. 2338 N° Lexbase : L0207L88 et décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006 N° Lexbase : L9636HT3.

[5] C. civ. art. 2337 al. 3 N° Lexbase : L0199L8U.

[6] C. civ. art. 2334 N° Lexbase : L0196L8R.

[7] V. C. Séjean-Chazal, L’impact de la réforme des sûretés sur les procédures civiles d’exécution, JCP N 2021, n°48, ét. 1340.

[8] CPCEx, art. L. 221-5 N° Lexbase : L5851IR7.

[9] Sauf pour les hypothèques maritimes et les saisies de navires pour lesquelles l'entrée en vigueur était préalablement fixée au 1er janvier 2022.

[10] En ce sens, Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Ainsi, l’on trouvait jusqu’à présent un registre pour les gages sans dépossession, un registre pour les nantissements, un registre pour les privilèges du vendeur…

[11] C. com. art. R.521-5 N° Lexbase : L5190MAH.

[12] C. com. art. R.521-6 N° Lexbase : L5191MAI.

[13] C. com. art. R.521-11 N° Lexbase : L5191MAI.

[14] C. com. art.  R.521-12 N° Lexbase : L5105MAC, par exception au premier alinéa de l'article R. 521-11, l'inscription produit effet durant :
- dix ans pour le privilège du vendeur de fonds de commerce, le nantissement du fonds de commerce, les hypothèques maritimes et fluviales ;
- quatre ans pour le privilège du Trésor ;
- deux ans et six mois pour le privilège de la sécurité sociale, l'inscription n'est pas renouvelable ;
- la durée fixée par la décision du tribunal, pour la mesure d'inaliénabilité.

[15] suretesmobilieres.fr, C. com. art. R. 521-1 [LXB=] et R.521-29 [LXB=].

[16]C. com. art. 521-30 N° Lexbase : L5196MAP : « Le portail mentionné à l'article R. 521-29 N° Lexbase : L5195MAN est consultable gratuitement. Il permet de télécharger un document faisant apparaître les informations prévues à l'article R. 521-33 N° Lexbase : L5163MAH ».

[17] Décret n° 2023-97 du 14 février 2023, art. 1er N° Lexbase : Z42608UP.

[18] Décret n° 2023-97 du 14 février 2023, art 5 N° Lexbase : Z42590UP.

[20] C. com. art. R.521-29s. N° Lexbase : L5195MAN.

[21] C. com. art. R. 521-32 N° Lexbase : L5198MAR.

[22] L’article R. 521-32 du Code de commerce prévoit la liste des éléments d’identification du débiteur et du bien requis pour procéder à la consultation du portail.

[23] C. com. art. R. 521-5 N° Lexbase : L5190MAH.

[24] C. com. art.  R. 521-33 N° Lexbase : L5163MAH.

[25] C. com. art. R. 521-31 N° Lexbase : L5197MAQ.

[26] CPCEx, art. R. 221-14-1 N° Lexbase : L4646MAC: « L'huissier de justice qui a procédé à la saisie des biens consulte le registre prévu à l'article R. 521-1 du code de commerce et signifie le procès-verbal de saisie dans un délai de huit jours à compter de son établissement aux créanciers titulaires d'une sûreté publiée sur ces biens ».

[27] CPCEx, art. R. 221-31 al. 2 N° Lexbase : L4647MAD.

[28] CPCEx, art. R. 221-31 al.3 N° Lexbase : L4647MAD.

[29] CPCEx, art. R. 221-36-1 N° Lexbase : L4649MAG.

[30] CPCEx, art. R. 221-31 al.4 N° Lexbase : L4647MAD.

[31] CPCEx, art. R. 221-32 N° Lexbase : L4648MAE.

[32] CPCEx, art. R. 251-5 N° Lexbase : L4398MA7.

[33] CPCEx, art. R. 221-32 N° Lexbase : L4648MAE et R. 221-39 et N° Lexbase : L4650MAH.

[34] C. civ, art. 2334 N° Lexbase : L0196L8R.

[35] CPCEx, art. R. 331-4 N° Lexbase : L5095MAX et R. 331-5 N° Lexbase : L5096MAY.

[36] L’article R. 521-2, 7° & 10° du Code de commerce N° Lexbase : L0086HZ9 prévoit en effet la publication des actes de saisie sur les navires et les bateaux.

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