Lexbase Contentieux et Recouvrement n°1 du 30 mars 2023 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Vérification des créances : incompétence du juge de l'exécution pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 21-10.465, F-B N° Lexbase : A23969GT

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N4570BZB

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par Vincent Téchené

le 14 Mars 2023

► Le juge de l'exécution et à sa suite la cour d'appel statuant avec les pouvoirs de ce dernier ne sont pas compétents pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.

Faits et procédure. Les faits étaient ici assez complexes mais leur totale restitution est indispensable à la parfaite compréhension de la décision.

Deux époux se sont portés cautions solidaires de plusieurs prêts octroyés par une banque à une société suivant acte notarié du 16 décembre 2004. Les cautions ont, en outre, consenti une hypothèque sur certains de leurs biens.

Le 5 février 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, procédure étendue aux garants pour confusion de patrimoine le 2 décembre 2008.

Le 18 février 2008, la banque a effectué une première déclaration de créances au passif de la société et, le 22 décembre 2008, une autre au passif des garants, ces deux déclarations comportant les prêts susmentionnés et d'autres créances.

Par une ordonnance du 24 septembre 2009, confirmée par l'arrêt d'une cour d'appel du 21 juin 2011, le juge-commissaire a, sur contestation de la société, admis au passif de cette dernière des créances relatives à un plafond de trésorerie et un crédit en compte courant, mais dit qu'il n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la contestation relative aux créances nées d'effets de commerce. Les créances afférentes aux prêts du 16 décembre 2004 ne sont pas visées par cette décision.

La Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt en ce que le juge-commissaire avait le pouvoir de statuer sur la créance relative aux effets de commerce (Cass. com., 26 mars 2013, n° 11-24.148, F-D N° Lexbase : A2753KBL), et renvoyé l'affaire devant une cour d'appel.

Le 6 octobre 2009, un tribunal de grande instance a validé un plan de continuation sur quinze ans.

Le 20 mars 2014, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, ce tribunal a prononcé la résolution du plan pour non-respect des engagements des débiteurs et la liquidation judiciaire de la société et des garants. Le 1er juillet 2014, une cour d'appel a confirmé la résolution du plan mais infirmé le jugement sur la liquidation judiciaire et, statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu à liquidation judiciaire. Par arrêt du 18 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre cet arrêt (Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-23.859 et n° 14-24.313, F-D N° Lexbase : A0881RQP).

La cour d'appel de renvoi, qui, saisie de la contestation des créances au passif de la société, avait sursis à statuer dans l'attente de l'issue du pourvoi sur la résolution du plan par arrêt du 28 janvier 2016, a, par arrêt distinct du 22 novembre 2018, constaté la péremption d'instance.

C’est dans ces conditions que, le 23 avril 2018, la banque a fait délivrer aux garants, sur le fondement de l'acte notarié du 16 décembre 2004, un commandement aux fins de saisie-vente que ceux-ci ont contesté devant un juge de l'exécution. En dernier lieu, un arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier a confirmé le jugement en ce qu'il a dit bon et valable le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 23 avril 2018. Les garants ont formé un pourvoi en cassation. Contestant la régularité des déclarations de créance effectuées par la banque à leur passif en décembre 2008, ils considéraient qu’il appartenait au juge de l'exécution de se prononcer sur cette régularité, puisque les créances litigieuses fondaient les poursuites dirigées contre eux.

Décision.  La Cour de cassation ne l’entend toutefois pas ainsi et rejette le pourvoi.

Elle rappelle qu’en application de l'article L. 624-2 du Code de commerce N° Lexbase : L9131L7C, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur la régularité d'une déclaration de créance effectuée à l'occasion d'une procédure collective, laquelle ressortit à la compétence exclusive du juge-commissaire.

Par conséquent, c'est à bon droit que l'arrêt d’appel a retenu que la contestation de la déclaration de créance relevait exclusivement de la compétence du juge-commissaire et n'était pas recevable devant la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution.

Observations. En matière d’admission des créances au passif, le pouvoir du juge-commissaire peut être ainsi résumé : toutes les difficultés, aussi complexes soient-elles, qui concernent la régularité de la déclaration de créance doivent être tranchées par le juge-commissaire ; en revanche, s’il est question de trancher le fond de la créance, le juge-commissaire statue ici en juge de l’évidence, comme le ferait le juge des référés car il ne peut trancher une contestation sérieuse (C. com., art. L. 624-2) sans dépasser son office juridictionnel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La décision du juge-commissaire en matière de déclaration et de vérification des créance, La compétence exclusive du juge-commissaire en matière de vérification et d'admission des créances, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0425EXZ.

 

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