La lettre juridique n°934 du 9 février 2023 : Baux commerciaux

[Actes de colloques] La portée de l’immatriculation au RCS dans l’application du statut des baux commerciaux

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N4253BZK

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par Jean-Pierre Legros, Professeur à l’Université de Franche-Comté

le 08 Février 2023

Cet article est issu d’un dossier spécial consacré à la publication des actes du colloque intitulé «Les baux professionnels », qui s’est tenu le 21 octobre 2022 à Belfort, sous la direction scientifique de Sâmi Hazoug, Maître de conférences, Université de Franche-Comté.

Les propos introductifs et le sommaire de ce dossier sont à retrouver en intégralité ici : N° Lexbase : N4282BZM.


 

La loi du 30 juin 1926 régissait le renouvellement des baux à loyer et immeubles où s’exploitait depuis au moins deux années un fonds de commerce ou d’industrie[1].

Plus tard, selon l’article 1er du décret du 30 septembre 1953 [2] modifié par la loi du 5 janvier 1957 [3], le statut des baux commerciaux s’appliquait « aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne à un commerçant, à un industriel ou à un artisan régulièrement inscrit au registre des métiers accomplissant ou non des actes de commerce ».

Aucune condition relative à une immatriculation du commerçant au registre du commerce ne figurait dans ces textes.

La Cour de cassation avait jugé qu’un « propriétaire qui a donné à bail des locaux en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce ne peut se prévaloir du défaut d'inscription de son locataire au registre du commerce pour demander la nullité du bail » alors que l’article 62 du Code de commerce (de cette époque) prévoyait que la personne non inscrite au registre du commerce ne pouvait pas se prévaloir de sa qualité de commerçant vis-à-vis des tiers [4]. Le statut avait donc vocation à s’appliquer indépendamment de toute immatriculation.

Il faut attendre la loi n° 65-356 du 12 mai 1965 pour voir apparaître la référence à l’immatriculation du locataire. Elle a modifié l’article 1er du décret de 1953 (aujourd’hui codifié à L. 145-1, I du Code de commerce N° Lexbase : L9695L79) : le statut s’applique « soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au RCS, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers [au registre national des entreprises depuis le 1er janvier 2023], accomplissant ou non des actes de commerce ».

Littéralement, le texte semble n’envisager que le sort des personnes physiques. Cependant les groupements peuvent également se prévaloir du statut des baux commerciaux. Pour ces derniers, la question de l’immatriculation au RCS soulève d’autres difficultés. La portée de l’immatriculation au RCS n’est pas la même suivant que le preneur est une personne physique (I) ou un groupement (II).

I. Le cas des personnes physiques

L’immatriculation au RCS ou au RNE s’impose aux commerçants et artisans (A). Mais le statut ne peut s’appliquer à d’autres personnes qui ne peuvent pas s’inscrire à ces registres (B).

A. Le cas des commerçants et des artisans

En principe, le commerçant doit s’immatriculer dans le mois précédant le début de l’activité ou dans les 15 jours suivants celle-ci [5]. Il peut dont ne pas être immatriculé lors de la signature du bail. La règle est identique pour l’artisan (inscription au RNE).

Il se peut que l’intéressé ne soit pas encore inscrit lors de la conclusion du contrat de bail commercial et on ne pourra alors pas le lui reprocher. Mais la situation se complique lorsque l’absence d’immatriculation persiste.

La condition de l’immatriculation figure dans le premier article des textes consacrés au bail commercial. Toutefois la jurisprudence a décidé pendant longtemps que l’immatriculation ne peut être exigée du locataire que pour bénéficier du renouvellement du bail proprement dit. La Cour de cassation l’énonce clairement : l'immatriculation du preneur n'est une condition du bénéfice du statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail [6].

Autrement dit, à l’entrée du bail ou pendant sa durée, le locataire occupera régulièrement les lieux même s’il n’est pas immatriculé. Ainsi lorsque le preneur a été laissé en possession à l'expiration du premier bail dérogatoire, l'inscription au RCS n'est pas nécessaire pour que s'opère un nouveau bail régi par le statut des baux commerciaux [7].

Il faut réserver l’hypothèse où l’immatriculation est imposée par une clause du contrat de bail. Faute de s’être immatriculé, le preneur manquerait alors à ses obligations contractuelles. En ce sens, une cour d’appel avait retenu que le défaut d'immatriculation au registre du commerce du preneur constituait une violation des clauses contractuelles. La décision est censurée car aucune clause du bail n'imposait cette immatriculation [8].

Pendant l’exécution du bail, le preneur a bien l’obligation de s’immatriculer mais le bailleur ne peut se prévaloir du défaut d’immatriculation. L'immatriculation n'est pas un préalable à la conclusion du bail, ni une condition de validité. Le défaut d'immatriculation ne peut justifier la résiliation que si l'obligation d'être immatriculé est conventionnellement imposée au preneur.

Une évolution jurisprudentielle se dessine notamment avec deux décisions du 22 janvier 2014 et du 24 novembre 2021. Lorsque le preneur invoque un droit qu’il tient du statut au cours du bail, le bailleur peut alors invoquer le défaut d’immatriculation. Ainsi le preneur qui revendique la propriété commerciale dans le cadre d'une action en requalification d'un bail saisonnier doit être immatriculé au RCS à la date de l'assignation [9]. L’idée selon laquelle l’immatriculation du preneur conditionne seulement le renouvellement du bail semble être remise en cause : l’immatriculation serait également nécessaire en cours de bail.

Cette orientation se confirme avec la décision du 24 novembre 2021. Dans cette affaire, le bailleur était assigné par le preneur en requalification en bail commercial de diverses conventions d'occupation et en paiement d'une indemnité d'éviction en 2011. Mais il avait cessé son activité et s’était fait radier du RCS en 2010. La Cour de cassation décide que le preneur qui revendique le statut des baux commerciaux aurait dû être immatriculé à la date de sa demande en justice [10].

L’immatriculation au RCS devient ainsi une condition de recevabilité de l'action en requalification en bail commercial. Elle n’est plus seulement exigée pour le renouvellement de ce dernier.

Une extension semble envisageable à d’autres questions en dehors de l’hypothèse de la requalification, chaque fois que le preneur invoquera le statut des baux même en cours de bail, comme par, exemple une déspécialisation. On peut également penser que le bailleur serait autorisé à invoquer le défaut d’immatriculation du preneur pour obtenir la résiliation du bail.

L’extension paraît logique dès lors que la condition de l’immatriculation figure à l’article L. 145-1, texte dont la portée n’est pas limitée à la seule question du renouvellement du bail.

B. Le cas des non-commerçants

Le statut des baux commerciaux peut concerner des personnes qui n’ont pas la qualité de commerçant ou d’artisan. Cette extension peut être soit conventionnelle, soit légale.

Les parties peuvent volontairement soumettre leur bail au statut des baux commerciaux. Il peut s’agir de non-commerçants ou de commerçants louant un local dans lequel aucune activité commerciale ne sera exercée.

Lorsque le droit au renouvellement régi par le statut est prévu par la convention, la jurisprudence décide que l’absence d’immatriculation au RCS n’est pas une condition du renouvellement [11]. Dans cette affaire, les parties avaient choisi de se soumettre à l’ensemble du statut alors que le preneur n’avait pas la qualité de commerçant. La cour d’appel avait refusé l’indemnité d’éviction au motif que le preneur n’était pas immatriculé. La décision est censurée. En cas de soumission volontaire au statut des baux commerciaux, l'immatriculation du preneur au RCS n'est pas une condition impérative de son droit au renouvellement. Le renouvellement est acquis dès l’origine. La solution semble logique dès lors que l’immatriculation est impossible pour les non-commerçants.

L’extension du statut à des non-commerçants peut aussi être l’œuvre du législateur. Il existe des exceptions posées par les textes. Les établissements d’enseignement bénéficient de cette exception depuis 1926. La liste s’est allongée depuis. Ces exceptions sont énoncées à l’article L. 145-2 du Code de commerce N° Lexbase : L5029I3N [12].

En général, ces activités ne sont pas immatriculées au RCS. Mais lorsque des autorisations administratives sont nécessaires à leur exercice, elles devront être produites lors du renouvellement.

En ce sens, il existe une jurisprudence concernant les activités d’enseignement. Pour qu’un établissement bénéficie du statut, il doit être en mesure de fournir les autorisations administratives requises. Ainsi un établissement technique d’enseignement privé qui n’a pas reçu l'approbation administrative à la date du refus de renouvellement ne peut bénéficier d’une indemnité d’éviction [13].

De même, une personne qui organisait dans les lieux loués des cours de dessin, d’arts graphiques et de peinture, invoquait l'existence d'un établissement d'enseignement et demandait la nullité d’un congé délivré par le bailleur par lettre recommandée avec AR. La cour d’appel ne pouvait pas accueillir la demande en nullité sans rechercher si l'enseignement dispensé dans les lieux était soumis à une autorisation administrative [14].

Il en va ainsi même si la réglementation est apparue postérieurement à l'ouverture de l'établissement car il appartient à son exploitant de régulariser sa situation dans les délais légaux [15].

En conclusion, le preneur doit être en règle au moment du renouvellement du bail. Son établissement doit avoir une existence légale, comme le précise l’arrêt du 6 mai 1963. La condition d’immatriculation est, en quelque sorte, remplacée par une autre exigence : l’activité exercée dans les lieux loués doit l’être régulièrement. S’agissant des commerçants, le renouvellement est aussi réservé aux commerçants de droit, c’est-à-dire ceux immatriculés au RCS, et refusé aux commerçants de fait.

II. Le cas des groupements

La question de l’immatriculation se pose différemment pour les groupements. Il faut distinguer deux catégories de groupements ceux qui doivent s’immatriculer au RCS pour jouir de la personnalité morale, à savoir les sociétés et les GIE (A) et ceux dont l’immatriculation n’est pas prévue par un texte (B).

A. Les groupements soumis à immatriculation

Depuis 1967, les sociétés commerciales et les GIE doivent être immatriculés au RCS pour jouir de la personnalité morale [16]. Le principe est devenu le droit commun du droit des sociétés lors la réforme de 1978 des dispositions du Code civil consacrées à celles-ci [17].

Pour ces groupements, le défaut d’immatriculation interdit de conclure un contrat de bail puisqu’ils n’ont pas la capacité de contracter. Mais d’autres difficultés surgissent.

1°) Les sociétés

Ces difficultés se concentrent autour de deux questions relatives à la notion de société en formation et la commercialité de la société.

  • La société en formation

Le législateur qui a retardé la jouissance de la personnalité à la date de l’immatriculation au RCS a voulu faciliter l’activité des sociétés en formation en permettant à ses membres de conclure des engagements pendant la période de formation. Ces derniers pourront ensuite être repris par la société une fois immatriculée. Cette procédure de reprise des engagements est à l’origine d’un contentieux fourni, contentieux qui n’est certes pas propre au bail commercial.

Pour que la reprise soit efficace, il est nécessaire que l’associé déclare agir au nom et pour le compte de la société en formation. En effet, le cocontractant doit être averti de la substitution de partenaire. Lorsque les conditions de la reprise sont réunies, l’associé qui a contracté est libéré de l’engagement qui est censé avoir été contracté dès l’origine par la société.

Le contentieux naît de la rédaction du contrat de bail. Si la société alors en formation est visée directement, sans autre précision, le bail est nul de nullité absolue faute de personnalité juridique lors de sa conclusion. Il n’est pas susceptible d’être repris après l’immatriculation de la société.

La solution qui vaut pour tous les actes ainsi conclus pendant la période de formation [18] concerne évidemment la conclusion du bail commercial. Un bail avait été conclu « non pas au nom et pour le compte de la société Le Secret en formation, mais au nom de trois associés fondateurs « avec la faculté de leur substituer la SARL X en formation ». Le bail est souscrit par les associés en leur nom. Il aurait fallu que l’acte soit passé par eux mais pour le compte d’une société en formation. La reprise du bail par la société dans ces conditions n'était pas opposable au bailleur qui était fondé à en demander l'exécution aux fondateurs [19].

Le formalisme prévu pour chacune des procédures de reprise doit être respecté, la Cour de cassation n’admettant pas en particulier les reprises implicites.

  • La commercialité de la société

Les sociétés peuvent être de nature civile ou commerciale.

Une société civile ne peut pas exercer une activité commerciale. Elle ne peut donc conclure de bail commercial. Toutefois il ne faut pas oublier qu’il lui est possible de se soumettre volontairement au statut des baux commerciaux avec l’accord de l’autre partie.

Une société peut être commerciale par la forme. Il en va ainsi des sociétés régies par le livre II du Code de commerce. Elles peuvent exercer aussi bien une activité commerciale que civile [20]. Elles suivent le régime réservé aux commerçants, même si leur objet est civil. La jurisprudence introduit une brèche dans ce principe de la commercialité par la forme. En effet, elle refuse avec constance aux sociétés commerciales à objet civil le bénéfice de la propriété commerciale [21]. Le bail commercial suppose l’existence réelle d’un fonds de commerce. La solution peut être discutée dès lors que le bail commercial bénéficie à d’autres personnes que les commerçants, en particulier aux artisans ainsi qu’aux personnes visées à l’article L. 145-2 du Code de commerce. Pour cette raison, cette jurisprudence est considérée par certains comme « illogique » [22].

Les sociétés d’exercice libéral à forme commerciale créées par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L3046AIN ne pourront pas non plus bénéficier du statut en raison de leur objet civil, bien que soumises par principe aux dispositions du livre II du Code de commerce. Il faut cependant faire une exception pour les sociétés de pharmaciens d’officine constituées sous forme de SELARL dès lors que l’exploitation d’une pharmacie est une activité commerciale. Cette exception est d’ailleurs admise par une réponse ministérielle [23].

Il faut relever le cas particulier de la société commerciale exerçant une activité d’enseignement. Une SNC exploitait un établissement d’enseignement de langues. Il s’agit d’une société commerciale à objet civil, exclue de l’application du statut des baux commerciaux à ce titre. Mais l’activité d’enseignement fait partie des exceptions de L. 145-2 du Code de commerce. Les baux des locaux abritant des établissements d’enseignement sont, de plein droit, soumis au statut des baux commerciaux, quelle que soit la forme juridique sous laquelle le preneur exerce son activité. La SNC exploitait un établissement secondaire dans les lieux loués qui n’était l’objet d’aucune immatriculation secondaire ou complémentaire au RCS. Cette immatriculation n'est pas une condition pour bénéficier du statut des baux commerciaux lors du renouvellement en raison de l’activité exercée [24].

Enfin, certaines exceptions énumérées à l’article L. 145-2 du Code de commerce concernent des sociétés. Le statut s’applique aux baux d'immeubles abritant soit des sociétés coopératives ayant la forme commerciale ou un objet commercial, soit des sociétés coopératives de crédit, soit des Caisses d'épargne et de prévoyance. La société coopérative peut, en principe, avoir la forme d’une société commerciale ou civile :

- si elle a choisi la forme commerciale, le statut s’applique (peu importe la nature de son activité).

- si elle a choisi une forme civile mais que son objet est commercial, le statut s’applique également.

En revanche, si elle a une forme civile et un objet civil, le statut ne s’applique pas. Le cas de figure n’entre pas dans les prévisions légales.

  • Les GIE

Les GIE ont été institués par l’ordonnance n° 67-821 du 23 septembre. 1967. L’immatriculation est exigée pour bénéficier de la personnalité morale. La loi prévoit un mécanisme de reprise des engagements passés par un membre du GIE en formation, ce qui appelle les mêmes observations que celles formulées à propos des sociétés en formation.

L’article L. 251-4 du Code de commerce N° Lexbase : L6484AIY précise que l’immatriculation au RCS n’emporte aucune présomption de commercialité mais seulement la jouissance de la personnalité morale à compter de celle-ci. Sa nature sera civile ou commerciale suivant son objet.

Il est certain que le GIE de nature civile ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux. Mais la jurisprudence avait considéré qu’il en allait de même du GIE de nature commerciale au motif qu’il n’a pas d’activité distincte de celle de ses membres, donc pas d’exploitation autonome et pas de fonds de commerce propre. La loi n° 89-377 du 13 juin 1989 a brisé cette jurisprudence : « le groupement d'intérêt économique dont l'objet est commercial peut faire de manière habituelle et à titre principal tous actes de commerce pour son propre compte. Il peut être titulaire d'un bail commercial ».

Il ne suffit cependant pas que le caractère commercial du GIE soit mentionné au RCS. Le groupement doit établir qu’il a une clientèle propre distincte de celle des membres qui le compose et donc d’un fonds de commerce.

Un GIE avait pour objet de « faciliter et de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité et notamment l'organisation de services administratifs, techniques et comptables ». Il avait pris à bail des locaux à usage de bureaux 103, rue Réaumur à Paris, communiquant avec ceux de son siège sis au 101 de la même rue pour lequel il est immatriculé au RCS. Le bénéfice du statut lui est refusé. Le GIE n'exploitait aucun fonds de commerce caractérisé par l'existence d'une clientèle propre puisqu’il n'avait pour clients que ses propres membres [25].

B. Les groupements ne pouvant s’immatriculer

La question de l’application du statut des baux commerciaux se pose en pratique pour les associations.

Les arrêts qui se prononcent directement et clairement sur cette possibilité sont rares et déjà anciens. Ils émanent de cours d’appel. La cour de Lyon a permis à une association de militaires de bénéficier du statut alors qu’elle n’avait aucune activité commerciale [26]. Celle de Paris s’est prononcée en sens inverse. Une association ne peut se prévaloir du statut faute d’exploiter un fonds de commerce régulièrement enregistré eu RCS [27].

La Cour de cassation n’a pas été amenée à prendre parti sur la question mais l’évolution de sa jurisprudence laisse supposer une réponse négative de sa part.

En 1988, elle a dénié la qualité de commerçant à une association qui exploitait un bar-restaurant depuis 1947. Le contrat de location-gérance n’était pas valable car, à cette époque, la possibilité de donner un fonds en location-gérance supposait que le loueur ait la qualité de commerçant dans les sept années précédant le contrat de location [28].

Par la suite, elle a décidé qu'une association ne peut s'inscrire au RCS. Elle a rejeté l'analyse selon laquelle l'immatriculation serait une obligation pour les personnes physiques et morales visées à l'article L. 123-1, actuel, du Code de commerce et constituerait une faculté pour les autres, notamment pour les associations qui exercent une activité commerciale [29]. Ultérieurement, un autre arrêt a fermé la porte à l’immatriculation d’une association au RCS en relevant que ce groupement n’entre dans aucune des catégories visées à l’article L. 123-1 [30].

Une association ne peut en conséquence revendiquer l'exercice des droits réservés aux commerçants. Elle ne peut en particulier se prévaloir du renouvellement des baux commerciaux. La doctrine est généralement en ce sens [31].

Pour certains auteurs, le texte de l’article L. 145-1 ne s’appliquerait pas à des locataires qui ne sont pas susceptibles d’immatriculation au RCS, ce qui est le cas des associations dont la publicité des formalités de constitution s’accomplit à la préfecture. Ils pourraient conclure un bail commercial dès lors que les autres conditions sont remplies [32]. Il faudrait encore que la jurisprudence admette qu’une association puisse exploiter régulièrement un fonds de commerce.

Par ailleurs, l'article L. 123-1, 5°, du Code de commerce réserve les hypothèses dans lesquelles d'autres personnes morales que celles déjà citées (essentiellement sociétés et GIE) doivent être immatriculées. Deux catégories d'associations sont concernées, celles effectuant habituellement des opérations de change manuel [33] et celles des associations ayant une activité économique et voulant émettre des valeurs mobilières.

S'agissant de ces dernières, l'immatriculation au RCS est un préalable à l'émission d'obligations [34]. L’immatriculation est précaire et la radiation doit intervenir dans l'année suivant le remboursement des obligations, au besoin d'office. Même si l'association conserve, par la suite, son activité, il semble qu'elle ne puisse plus être immatriculée.

Une association peut également exercer une activité relevant des exceptions posées à l’article L.145-2 du Code de commerce, par exemple, en exerçant une activité d’enseignement. Elle pourra ainsi invoquer le statut mais le droit à renouvellement est subordonné à la régularité de l’exploitation [35].

En l’état actuel du droit, il reste aux associations la possibilité d’une soumission volontaire au statut, soumission qui suppose évidemment l’accord du cocontractant.


[1] Loi du 30 juin 1926, art. 1er, JORF du 1er juillet 1926, p. 7210. L’article 18 visait également les établissements d’enseignement ainsi que les artisans et façonniers que les lois fiscales du 31 juillet 1917 et du 30 juin 1923 avaient exonérés de l’impôt sur les BIC.

[2] Décret n° 53-960, du 30 septembre 1953, art. 1er N° Lexbase : L9107AGE.

[3] La loi n° 57-6 du 5 janvier 1957 étendant le statut à tous les artisans a été insérée dans les dispositions du décret de 1953, JORF du 6 janvier 1957, p. 354.

[4] Cass. com., 15 juin 1964 N° Lexbase : A90669BE, Bull. civ., n° 306.

[5] C. com., art. R. 123-32 N° Lexbase : L8240L3L.

[6] Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-15.842, publié N° Lexbase : A1903ACH. Dans le même sens, Cass. civ. 3, 7 novembre 2001, n° 00-12.453, FS-P+B+I N° Lexbase : A0423AXX.

[7] Cass. civ. 3, 25 octobre 2018, n° 17-26.126, F-P+B+I N° Lexbase : A5407YI4, Loyers et copr., décembre 2018, comm. 253, note E. Chavance. Dans le même sens, Cass. civ. 3, 30 avril 1997, n° 94-16.158 N° Lexbase : A9908ABL – Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, préc.

[8] Cass. civ. 3, 29 avril 1997, n° 95-11.785, inédit N° Lexbase : A6891AHP, RDI, 1997, p 499, note J. Dérruppé. Dans le même sens, Cass. civ. 3, 15 mai 1996, n° 94-16.908, publié N° Lexbase : A9941ABS.

[9] Cass. civ. 3, 22 janvier 2014, n° 12-26.179, FS-P+B N° Lexbase : A9846MCN, RTD com., 2014, p 311, note F. Kendérian ; Loyers et copr., n° 3, mars 2014, comm. 80, note E. Chavance.

[10] Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 19-25.251, FS-D N° Lexbase : A50717D8, D., 2022, p 1375, note F. Dumont ; AJDI, 2022, p 357, note P. Haas.

[11] Cass. civ. 3, 9 février 2005, n° 03-17.476, FS-P+B N° Lexbase : A6927DGN, AJDI, 2005, p. 658. Dans le même sens, Cass. civ. 3, 28 mai 2020, n° 19-15.001, FS-P+B+I N° Lexbase : A23013M8, Loyers et copr., 2020, comm. 85, note E. Marcet.

[12] Parfois en dehors de ce texte. Ainsi l’article R. 4322-88 du Code de la santé publique N° Lexbase : L5931LZP autorise le pédicure-podologue à se prévaloir du statut des baux commerciaux.

[13] Cass. com., 6 mai 1963, Bull. civ., n° 220.

[14] Cass. civ. 3, 16 février 2000, n° 98-15.842, publié eu bulletin N° Lexbase : A9341AT7.

[15] CA Versailles, 23 novembre 2000.

[16] C. com., art. L. 210-6 N° Lexbase : L5793AIEet L. 251-4 N° Lexbase : L6484AIY.

[17] C. civ., art. 1843 N° Lexbase : L2014AB9.

[18] Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-13.719, F-D N° Lexbase : A19517KH, Dr. sociétés, 2022, comm. 39, note R. Mortier ; JCP E, 2022, 1102, note J.­-D. Pellier – Cass. com., 21 octobre 2014, n° 13-22.428, F-D N° Lexbase : A0598MZ8, Dr. sociétés, 2015, comm. 23, obs. R. Mortier – Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.158, F-D N° Lexbase : A6189KPW, Bull. Joly Sociétés, 2014/2, p 67, note A. Constantin – Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR, Bull. Joly Sociétés, 2012, [§ 270], p. 472, note B. Dondero ; Dr. sociétés, 2012, comm. 58 et JCP E, 2012, 1349, note R. Mortier

[19] Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-16.069, F-D N° Lexbase : A6898IL3, RJDA, 2012/10, 854 ; JCP E, 2013, 1003, no 3, obs. P. Mousseron. En outre, la clause avait été maladroitement rédigée puisqu’elle faisait état d’une possibilité de substitution, mécanisme qui relève du droit commun des contrats. Dans le même sens, CA Douai, 17 mars 2022, n° 20/04258 N° Lexbase : A78257QU, Loyers et copr., 2022, n° 5, comm. 83, note E. Chavance

[20] Il s’agit des sociétés visées à l’article L. 210-1 du Code de commerce N° Lexbase : L5788AI9 : SNC, SCS, SARL, SA, SCA et SAS et SE.

[21] Cass. civ. 3, 5 mars 1971, n° 69-13.118, publié au bulletin N° Lexbase : A8347AHM, D., 1971, somm. p. 154 ; RTD com., 1971, p 1034, note R Houin. V. W. Jeandidier, L'imparfaite commercialité des sociétés à objet civil et à forme commerciale, D., 1979, chron. II, p. 7 et s., n° 10 et s.

[22]  F- X Vincensini, La commercialité, PUAM, 1998, n° 511.

[23] QE n° 14364 de M. Lapp Harry, JOANQ 23 mai 1994, réponse publ. 8 août 1994, p. 4063, 10ème législature N° Lexbase : L4366K89.

[24] Cass. civ. 3e, 21 février 2007, n° 06-11-832, FS P+B N° Lexbase : A4188DUN.

[25] CA Paris, 16ème ch., sect. B, 11 octobre 2002, AJDI, 2003, p. 262, obs. J.-P. Blatter. Dans le même sens, CA Paris, 16ème ch., sect. B, 24 mai 1995  – CA Paris, 16 ème ch., sect. B, 5 juillet 1990, D., 1991, somm. p. 371.

[26] CA Lyon, 1er mars 1972, Gaz. Pal., 1972, I, p 417.

[27] CA Paris, 16ème, sect. A, 7 mars 1989.

[28] Cass. com., 19 janvier 1988, n° 85-18.443, publié au bulletin N° Lexbase : A6708AAP, RTD com., 1988, p. 420, n°  2, obs. J. Derruppé ; RTD com., 1988, p. 465, n°  8, obs. E. Alfandari et M. Jeantin.

[29] Cass. com., 1er mars 1994, n° 92-13.529, publié au bulletin N° Lexbase : A6885ABM, JCP G, 1995, II, 22418, note J.-F. Kamdem ; Rev. sociétés, 1994, p. 502, note Y. Guyon ; D., 1994, jurispr. p. 528, note F. Coutant.

[30] Cass. com., 15 novembre 1994, n° 93-10.193, publié au bulletin N° Lexbase : A4914ACY, LPA, 26 juillet 1995, p. 47, note D. Gibirila ; RTD com., 1995, p. 155, obs. E. A. ; Dr. sociétés, 1995, comm. 24, obs. Th. Bonneau ; RJDA, 12/1994. V. J.‑F. Kamdem, Réflexions sur le registre du commerce et les associations exerçant une activité économique, D., 1996, chron. p. 213.

[31] F Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, 12ème éd., LGDJ, 2019, n° 486 ; A. Reygrobellet et alii, La pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 6ème éd., 2021/2022, n° 741-43 ; M. -P. Dumont, Rép. Dalloz, Baux commerciaux, n° 62.

[32] Y. Guyon, Droit des affaires, tome 1, 11ème éd., Economica, 2002, n° 664 ; M. -P. Dumont, Rép. Dalloz, Baux commerciaux, n° 73.

[33] Qui doivent obtenir une autorisation délivrée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, C. mon. fin., art. L. 524-3 N° Lexbase : L2568IXE.

[34] C. mon. fin., art. L. 213-10, 1° N° Lexbase : L9902DYE et R. 213-21 N° Lexbase : L5112HCC.

[35] C’est-à-dire, à l’époque, à la déclaration prévue à l'article 5 de la loi n° 89-468 du 10 juillet 1989 relative à l'enseignement de la danse, Cass. civ. 3, 14 janvier 2004, n° 01-17.687, FS-P+B N° Lexbase : A7756DAI.

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